Entretien avec Christel Grandchamp, cheffe costumière de Ma vie de Courgette (Claude Barras, Suisse/France, 2016)
Cet entretien a été réalisé le 27 octobre 2022 à Vevey, dans l’appartement de Christel Grandchamp qui lui sert également d’atelier. Il a été mené autour d’éléments de production de Ma vie de Courgette de Claude Barras qui ont été utilisés par Christel Grandchamp lors de la préparation et de la fabrication des costumes du film et qu’elle conserve depuis lors dans un grand carton rangé dans son garage. Avoir sous les yeux et à portée de main des bouts de tissus, des perles en pâte Fimo, des essais de costumes, des patrons, des gabarits de marionnettes en résine mais aussi le dossier artistique, le storyboard ou encore la dernière version du scénario du film a permis d’orienter la conversation sur des éléments concrets et a facilité le dialogue et la compréhension de certaines explications données par Christel Grandchamp en lien avec ces objets.
Ces archives de production et le témoignage de Christel Grandchamp permettent de documenter la phase de recherche liée à la fabrication des costumes de Ma vie de Courgette et laissent entrapercevoir le fonctionnement de réseaux de collaboration qui sont mis en place lors d’un tournage de long métrage d’animation tel que celui mené par Claude Barras, et qui mobilise des corps de métiers aux compétences variées. Ils mettent par ailleurs en lumière une profession, celle de costumière de film d’animation, et des processus créatifs qui ont été peu investigués par les chercheurs et les chercheuses en cinéma, du moins dans une approche qui croise questionnements techniques, financiers et formels tels que nous l’envisageons dans nos recherches. Centré sur ces questions, cet entretien rend dès lors compte de certains impératifs à la fois techniques et économiques qui conditionnent une partie des choix formels opérés par Christel Grandchamp et qui découlent eux-mêmes d’un contexte de production qui mériterait d’être plus longuement investigué. En effet, dans la lignée des production studies et du travail entrepris notamment par Marie Pruvost-Delapre au sujet du studio japonais Tôei Dôga, il semble important d’observer et d’articuler, comme cette dernière le souligne, « la constitution de ‹ manières de faire ›, spécifiques ou non, ainsi que les processus de collaboration et d’organisation du travail des équipes artistiques et techniques mis en œuvre au sein d’un studio »1. Dans le cas de Ma vie de Courgette, il s’agirait de faire un pas en avant et d’appliquer ces questionnements à l’échelle d’un film plutôt qu’à celle d’un studio. Le croisement d’entretiens menés avec l’équipe du film, l’analyse détaillée de certaines séquences mais aussi des archives de production — dont une partie est conservée par la Cinémathèque suisse2 — permettrait de reconstruire la genèse du long métrage, dans une étude s’inscrivant à la croisée de l’archéologie des médias, de l’histoire des techniques et de celle de l’animation.
L’entretien proposé ci-dessous a été mené dans le cadre de recherches portant sur les techniques d’animation et la production de longs métrages d’animation en Suisse. Il a duré environ trois heures et le présent article propose une sélection d’extraits.
Chloé Hofmann : Comment êtes-vous venue à la fabrication de costumes pour des films d’animation ?
Christel Grandchamp : Quand j’étais petite, j’ai été émerveillée par The Dark Crystal [Royaume-Uni/Etats-Unis, 1982] de Jim Henson [et Frank Oz, ndlr ]. C’est un film entièrement tourné avec des marionnettes. En grandissant, je me suis mise à apprécier de plus en plus des films comme L’étrange Noël de Monsieur Jack [ The Nightmare Before Christmas , Henry Selick, E.-U., 1993] et de manière générale, les films fantastiques à la Tim Burton. Ce sont tous ces films et leurs univers qui m’ont donné envie de devenir créatrice de costumes, plus que créatrice de mode finalement. En tant que fan de cinéma d’animation, j’ai souvent été au Festival d’Annecy voir des films en stop motion . Il y a une dizaine d’années, j’ai eu un coup de cœur pour un court métrage d’une maison de production polonaise et j’ai décidé d’apprendre le polonais pour ensuite postuler en tant que costumière dans cette maison de production. Un jour, j’ai parlé de ce projet à un ami architecte qui m’a dit que j’étais complètement folle mais surtout qu’il avait une connaissance qui travaillait à côté d’une maison de production de films d’animation à Lausanne. J’étais très étonnée car je n’en avais jamais entendu parler alors que c’était un domaine qui m’intéressait beaucoup, et il s’avère que cette maison de production c’était Hélium Films [pour laquelle travaille notamment Claude Barras]. À la suite de cette discussion, l’ami de mon ami a parlé de moi à Claude [Barras] qui m’a appelé environ une semaine après pour me dire qu’il était intéressé à me rencontrer car il travaillait sur un projet [ Ma vie de Courgette ]. Mais au moment de la rencontre, Claude [Barras] m’a annoncé que la production de Ma vie de Courgette était retardée et il m’a proposé de faire à la place les costumes de Monsieur l’assassin X de Lynn Devillaz [et d’Antonio Veiras] qui était produit par Hélium Films. Et c’est comme ça qu’une semaine après je me suis retrouvée à fabriquer les costumes pour ce court métrage et que j’ai abandonné le polonais.
Sans donc jamais avoir fait de costumes pour des films d’animation avant ?
Non, effectivement. À la base je suis spécialisée dans le sur-mesure pour femmes et la haute-couture. J’ai travaillé pour le théâtre, j’ai fait des robes de soirée, des robes de gala pour des créateurs. Je me chargeais de faire des recherches et tout le développement technique des pièces pour eux, à partir de leurs dessins. En parallèle, je faisais aussi mes propres collections et des robes de mariée. Mais la haute-couture m’a été utile pour l’animation car c’est un domaine qui demande beaucoup de minutie et qui pose aussi de grands défis techniques. La première fois qu’on m’a demandé si je pouvais faire en sorte qu’une chapka puisse être animée je me suis dit « Mon dieu, comment je vais faire ça ? », et puis je me suis mise à chercher des solutions.
Et après Monsieur l’assassin X , vous avez finalement quand même travaillé sur Ma vie de Courgette ?
Oui, Claude [Barras] m’a rappelé peut-être six mois plus tard pour me dire que Ma vie de Courgette allait se faire et qu’il voulait que ce soit moi qui me charge d’une partie des costumes. Nous étions deux cheffes costumières à travailler sur le film — Vanessa Riera de l’Atelier Nolita 3 à Genève et moi — et nous nous sommes réparti les personnages. Je me suis occupée d’habiller Raymond, Simon, Jujube, Béatrice, Monsieur Paul, Madame Papineau et aussi presque tous les personnages secondaires. De son côté, Vanessa Riera s’est chargée de Courgette, de Camille, de Rosy, d’Ahmed, d’Alice et de Tante Ida.
Votre travail s’est-il limité à la fabrication des costumes des personnages ?
Non, j’étais aussi chargée de préparer les armatures pour leur donner de l’épaisseur. À la base, le corps et les jambes des marionnettes sont faites d’une armature réalisée à partir de tiges, de billes et de petits blocs métalliques qui sont assemblés et soudés par l’équipe marionnettes tandis que les bras et les mains des personnages sont faits en fils de métal torsadés et sont recouverts d’un moulage en silicone très souple. Pour donner du volume au corps et aux jambes qui ressemblent à des baguettes, je me suis occupée de les recouvrir de plusieurs couches de bandes auto-agrippantes en fonction de l’épaisseur voulue par Claude [Barras]. J’ai aussi dû réaliser des dégradés d’épaisseur au niveau des articulations pour que les animateurs puissent les plier sans qu’elles coincent. Pour le corps, je recevais des mousses en une sorte de latex expansé qui est mou et très souple. Ces mousses étaient coulées dans les moules de chaque personnage et je devais ensuite les couper en deux comme un sandwich avant de les tailler à l’intérieur pour que l’armature métallique tienne dedans. En gros, il fallait enlever dans la mousse le volume de l’armature, mais ce n’était pas un bloc rectangulaire et il fallait donc creuser la mousse pour chaque aspérité ou pour chaque pièce qui compose l’armature. Je me suis servi de ciseaux, d’une pince à épiler pour enlever de petits bouts ou parfois d’un cutter. J’y suis allée au feeling , en enlevant un demi-millimètre ici et là et en vérifiant à chaque fois qu’il n’y avait pas de bosse une fois que l’armature était en place. Si c’était le cas, je recreusais d’un millimètre avant de refermer les mousses autour de l’armature et de revérifier et ainsi de suite. C’est un travail que j’ai fait en collaboration avec l’équipe des marionnettes et j’ai donc été travailler plusieurs jours dans l’atelier de Greg [Gregory Beaussart] à Reignier-Ésery au pied du Salève. Ensuite on a collé les mousses sur les armatures en métal. À ce stade, des essais ont été réalisés avec des animateurs pour voir si l’animation était fluide « malgré » les mousses. C’est important qu’il n’y ait pas trop de tension sur les points d’articulation parce que les articulations s’abîment à cause des frottements. Si la structure est mal équilibrée, qu’il y a trop de rigidité dans la mousse, dans les bandes, dans les costumes et que l’animateur doit forcer sur les articulations, la marionnette va s’abîmer plus rapidement.
Et pour la fabrication des costumes de « vos » personnages, avez-vous travaillé seule ou avec une équipe ?
Comme il y avait énormément à faire, j’ai formé Mardiana Gorgerat qui sortait d’une école de couture pour m’assister lors de la fabrication des costumes miniatures. Mardiana s’est par exemple occupée de faire les canons de pantalons pendant que je m’occupais des choses plus complexes comme la fabrication des pulls à capuche. Ce qui est compliqué, c’est qu’il faut être très précis, au demi-millimètre près parce que si tu fais un canon de pantalon deux millimètres plus large, on passe d’un pantalon slim à un pantalon baggy. Les costumes sont vraiment minuscules et le moindre changement de taille se voit à l’écran. C’est le fait de réaliser des patrons qui m’a permis de refaire les costumes à l’identique. Durant la préparation du film, je travaillais en parallèle. Je faisais des remplacements et aussi du service à Géopolis à l’Université de Lausanne. Et à chaque fois que j’avais une pause je tricotais des petits habits. Je suis aussi partie trois semaines en voyage au Japon et j’ai tricoté une partie des costumes dans le Shinkasen [un train à grande vitesse]. J’ai aussi eu de l’aide de ma mère, Patrizia Grandchamp, qui m’a assistée pour la réalisation des moufles, des bonnets et des écharpes. C’est d’ailleurs elle et mon arrière-grand-mère qui m’ont appris à tricoter quand j’avais 6 ans.
Est-ce que vous aviez un cahier des charges pour chaque personnage qui vous a guidé dans la réalisation de leurs costumes ?
C’est moi qui ai déterminé en partie le cahier des charges. Au début j’ai reçu le scénario et le dossier artistique dans lequel il y avait déjà un certain nombre de design de vêtement qui avaient été définis par Claude [Barras], comme celui de Courgette qui avait déjà son t-shirt vert avec une étoile rouge dans le dossier artistique et qui l’a gardé dans le film. Certains costumes qui sont dans le dossier artistique sont aussi les costumes qui sont dans le teaser du film mais qui ne sont pas nécessairement les costumes définitifs. Monsieur Paul a par exemple beaucoup changé parce que je trouvais qu’il faisait un peu désuet et ça me semblait impossible que Rosy tombe amoureuse de lui avec ce look. J’ai proposé à Claude [Barras] de le moderniser en lui enlevant sa cravate et son gilet et en les remplaçant par une chemise de couleur pour lui donner l’air un peu plus jeune tout en gardant le côté prof. Pour Jujube, j’ai fait des propositions de variantes pour qu’il soit plus coloré avec par exemple un zip plus clair sur sa veste qui est aussi d’un bleu plus lumineux que dans le dossier artistique. Il a l’air un peu moins triste comme ça.
Quelles sont les étapes qui vous ont permis de créer les costumes des personnages de Ma vie de Courgette ?
J’ai commencé par lire le scénario et j’ai pris des notes en indiquant par exemple des adjectifs qui me semblaient caractériser chaque personnage. J’ai ensuite réfléchi à comment faire transparaître le caractère et l’histoire des personnages à travers leurs costumes. Pour les personnages secondaires il n’y avait en général presque aucune indication relative aux costumes, j’ai donc eu une grande liberté. J’ai ensuite relu le scénario plusieurs fois et j’ai fait la liste des costumes nécessaires pour chaque personnage puisque le dossier artistique propose le costume de base pour les personnages principaux mais pas pour les autres costumes. J’ai donc dû définir quels étaient les costumes pour chaque personnage, lorsqu’ ils vont à la montagne, ou lorsqu’ ils vont dormir avec les petits pyjamas des enfants. À partir de cette liste, j’ai fait des propositions de design à Claude [Barras] soit en faisant des dessins, soit en testant directement des choses.
J’imagine que vous avez dû fabriquer certains costumes plusieurs fois ?
Oui, c’est le storyboard qui m’a permis d’identifier les récurrences de chaque personnage afin de déterminer combien de fois il fallait fabriquer chaque costume. Au moment du tournage, il y avait une dizaine de plateaux et c’était par exemple possible que Simon joue sur trois plateaux en même temps pour des scènes différentes. Dans ce cas, il lui aurait donc fallu trois fois le même costume. Ces décisions sur le nombre de costumes à réaliser se prenaient en séance de production avec Claude [Barras] et les animateurs qui organisaient leur tournage. Et puis le storyboard m’a également permis de comprendre quels sont les mouvements spéciaux que les animateurs allaient faire faire aux personnages et de déterminer pour chaque costume quels étaient les défis techniques qui découlaient de ces mouvements.
Les animateurs vous ont-ils fait des demandes spécifiques concernant les costumes ?
J’ai beaucoup travaillé avec les animateurs et avec l’équipe de Greg [Gregory Beaussart] qui était chargée de fabriquer les marionnettes. Les recherches pour les tissus se sont faites en discussions avec eux car certains tissus peuvent rigidifier l’armature et empêcher le mouvement, un peu comme quand on met un énorme pull en laine sous une toute petite veste pas élastique, on a ensuite du mal à bouger et ça c’est problématique. Par exemple, le costume de base de Raymond est une veste en daim doublée en faux-mouton avec en dessous un pull bleu et une chemise. Mais pour faire en sorte qu’il y ait moins de rigidité sur les bras due à toutes ces couches, il porte un pull sans manches sous sa veste et la chemise est un fait uniquement un col de chemise qui dépasse de son pull. Ceci dit, il fallait quand même donner une impression d’épaisseur alors j’ai mis une couche de ouatine à l’intérieur des manches de la veste. C’est une matière très souple qui n’a pas empêché les animateurs de faire les mouvements recherchés. Et puis j’ai quand même dû fabriquer un « vrai » pull avec des manches à Raymond pour les scènes du film où il apparaît sans veste.
L’une des contraintes majeures était liée à l’accès aux vis qui se trouvent à différents endroits sur l’armature des marionnettes. Ces vis permettent aux animateurs de faire bouger les articulations et les animateurs sont tout le temps en train de les visser et de les dévisser grâce à une clé imbus. Il y a donc dans les costumes, souvent sur les côtés du corps, des jambes, dans les chaussures ou dans le dos, des petits trous renforcés de différents diamètres qui doivent être invisibles à l’écran et qui permettent aux animateurs d’accéder à l’armature sans faire bouger le tissu des costumes. Il arrive que certains personnages ne soient jamais montrés de dos et, dans ce cas, j’ai pu faire des trous plus grands dans les costumes pour fixer une tige qui permettait à un bras mécanique articulé de soulever les personnages en question pour leur faire faire des sauts par exemple.
Est-ce que certaines scènes en particulier induisaient des contraintes techniques ?
De manière générale, les pantalons empêchaient les animateurs de faire faire des mouvements fluides aux marionnettes. Elles portent donc toutes un tube en tissu par jambe plutôt qu’un vrai pantalon. Dans le cas de la scène où Simon et Courgette se battent et font des roulades, il fallait en plus cacher l’armature au niveau de l’entre-jambe pour qu’elle ne se voit pas quand les marionnettes étaient à l’envers. J’ai d’abord fait des tests de culottes mais ça rigidifiait trop la marionnette et empêchait certains mouvements. Finalement, on a opté pour une autre solution : j’ai collé un tissu identique à celui des pantalons de Simon et de Courgette directement sur l’armature de l’entrejambe. Et puis finalement, après le montage, il ne restait plus aucun plan où l’entrejambe était visible ! 4
Est-ce que le choix des matériaux utilisés a parfois été contraint par des impératifs financiers ?
J’avais un budget global et j’en faisais ce que je voulais mais je devais tenir ce budget pour la confection des costumes. Les costumes sont si petits qu’on utilise finalement peu de tissu et ce n’est donc pas ça qui coûte cher. Il a plutôt fallu trouver des astuces au niveau du temps consacré à leur fabrication pour ne pas dépasser le budget. L’une des solutions trouvées a été de faire un duplicata des personnages principaux pour les personnages secondaires. Le juge et monsieur Paul ont les exactes mêmes mensurations physiques. Idem pour la mère de Béatrice, la mère qui embrasse son fils sur le front lors de la sortie à la neige et Rosy. Cela a permis à l’équipe de Gregory Beaussart de ne pas avoir à reconcevoir des armatures de tailles différentes, avec des petites pièces différentes à chaque fois, puisque les armatures étaient déjà dessinées. Dans le cas des costumes, je n’ai pas eu à reprendre toutes les mesures pour les vêtements de ces personnages ce qui est une grande économie de temps.
Avez-vous dû adapter certains costumes au cours du tournage ?
Pas au cours du tournage mais des retouches ont dû être faites après que des animateurs aient fait des essais. À l’origine, j’avais par exemple armé le pourtour de la chapka de Jujube avec un seul morceau de fil de fer mais quand un animateur animait l’un des deux caches-oreilles, ça faisait bouger tout le reste de la chapka. J’ai donc dû l’armer en trois pièces — un fil de fer pour chaque cache-oreille et un pour la visière — pour que chaque côté puisse bouger indépendamment des autres. Il a aussi fallu désolidariser le fil de la capuche et le fil qui sert aux cordons du pull de Simon pour les mêmes raisons. Le fil de fer choisi dépendait des mouvements que les personnages devaient réaliser et de si les costumes allaient être mobilisés souvent ou non. Un fil de fer trop fin risquait de casser alors qu’un fil trop rigide aurait pu être difficile à animer.
Comme j’ai d’abord travaillé à partir de gabarits de marionnettes faits en résine et non pas avec les marionnettes du film qui sont plus souples, il a aussi parfois fallu faire des ajustements. Le bonnet de ski de Béatrice tenait par exemple bien sur le moule en résine mais une fois sur sa tête avec ses cheveux crépus faits en latex expansé, ça ne fonctionnait plus, la masse de cheveux final prenait plus de place. L’élastique qui était cousu au bord du bonnet remontait un peu à la Cousteau. Il a donc fallu élargir le bonnet pour que ça passe et aussi rigidifier le pompon pour qu’il tienne en place au moment du tournage.
Et est-ce que votre travail s’est arrêté une fois que le tournage a commencé ?
Non, j’ai continué à fabriquer des costumes depuis mon atelier veveysan durant une partie du tournage car, pour des raisons d’économie de durée de production du film et d’organisation, il a commencé alors que certains costumes — notamment ceux des personnages secondaires qui n’étaient pas utilisés au début du tournage — n’étaient pas encore prêts. Et puis j’ai aussi fait beaucoup d’allers-retours entre ici [Vevey] et Villeurbanne en banlieue lyonnaise où avait lieu le tournage pour m’occuper de faire la maintenance de tous les costumes. Ça peut parfois arriver qu’il y ait une couture qui casse à force de manipulation ou qu’un vêtement s’abîme un peu. Il fallait aussi nettoyer les costumes qui ne passaient pas en machine car ils n’étaient pas faits qu’en tissu. Il y avait parfois du latex, des fils de fer, des éléments techniques qui permettent d’animer les costumes. Je me suis aussi parfois occupée de changer les marionnettes une fois qu’une scène était terminée. C’est une tâche qu’on s’est partagée avec Christine Polis, la cheffe marionnettiste, qui se chargeait de son côté, avec son équipe, de la maintenance des armatures des marionnettes.
Et depuis Ma vie de Courgette , avez-vous eu l’occasion de retravailler sur un film d’animation ?
Oui, j’ai travaillé sur le trailer de L’Armée des lapins de Pierre-Luc Granjon mais le film ne s’est jamais fait. Et puis en 2019 j’ai aussi fait toute la recherche technique et la création des costumes du trailer de Sauvages ! [de Claude Barras] qui a notamment servi pour accompagner les demandes de subvention. Mais ce n’est malheureusement pas moi qui ai été chargée de faire les costumes pour le film. Comme le tournage aura lieu en Suisse, je crois qu’une partie de la production doit avoir lieu en France pour des raisons liées à la co-production et au financement du film 5 . Mais si on me le demande, je ne suis pas contre l’idée d’aller travailler sur la maintenance des costumes durant le tournage !
Biographie de Christel Grandchamp
Christel Grandchamp est née à Vevey en 1984. Elle a suivi des études de styliste, de modéliste et de couturière à l’école Laura L à Lausanne entre 2004 et 2006. Après ses études, Christel Grandchamp a été engagée comme enseignante de modélisme (patronage) et de couture au sein de l’école dans laquelle elle a été formée. Elle y a travaillé durant trois ans avant de fonder l’Atelier Gran’Cri à Vevey en 2009 et de se spécialiser dans le sur-mesure pour femmes et la haute-couture. Après une première expérience dans le monde de l’animation en 2012 (Monsieur l’assassin X de Lynn Devillaz et Antonio Veiras produit par Hélium Films), elle a été engagée comme cheffe costumière pour Ma vie de Courgette de Claude Barras. En 2014, durant le tournage de Ma vie de Courgette, elle a également créé les costumes du teaser de L’Armée des lapins de Pierre-Luc Granjon, une co-production Foliascope (France), Nadasdy Film (Suisse) et PANIQUE ! (Belgique). Aujourd’hui enseignante dans la banlieue lausannoise, à l’école primaire d’Entre-Bois, elle a réalisé les costumes du teaser de Sauvages !, le prochain long métrage de Claude Barras dont le tournage s’est déroulé à Martigny entre mars et septembre 2023.