The Giant Buddhas (Christian Frei, 2005)
Ce documentaire captivant, en compétition, aurait amplement mérité de recevoir le Prix du cinéma suisse 2006, section Meilleur documentaire, mais le choix du jury s’est porté sur Exit de Fernand Melgar. Christian Frei a pourtant fait le pari réussi de traiter un sujet – la destruction par les Talibans en 2001 des deux plus grands bouddhas en pierre du monde – non pas sur le mode du reportage classique, mais de lui insuffler la dimension épique d’une fiction. Les différents procédés, loin de simplifier ou d’enjoliver les événements, dramatisent des questions fondamentales qui apparaissent de la sorte au spectateur comme plus cruciales.
Le générique nous plonge dans des gravures magnifiques du XVIIIe ou XIXe siècle représentant les géants sculptés tels qu’ils fascinaient alors les Romantiques, tandis que la bande son puise des ambiances mystérieuses chez Philippe Glass, Arvo Pärt, Jan Garbarek ou encore chez Steve Kuhn qui signe la musique originale. Puis nous assistons au lever matinal d’une famille Hazara qui habite dans les anciens monastères taillés à même la falaise, sur le site des deux bouddhas géants. Nous voyons de nos yeux ce qu’il reste de Bamyian, ce centre bouddhique qui exista entre le IIe et le VIIe siècle. Puis très vite un narrateur en voix off va prendre en charge le récit par le biais de lettres adressées à une certaine Nelofar. Son but est de marcher sur les pas d’un moine chinois qui, en 675, décida de faire le pèlerinage jusqu’à Bamyian. C’est ce que fera en partie le film, lequel nous entraîne dans le désert de Gobi.
Mais Frei, ne négligeant aucune piste, interroge le journaliste d’Al Jazeera qui, déguisé en Taliban, filma en direct la destruction des deux statues. Enfin, c’est au tour du Prof. Tarzi, ancien chef archéologue en Afghanistan, de nous entraîner dans ses fouilles, à la recherche d’un troisième bouddha, couché celui-là, que le moine chinois a décrit de façon précise. Nous assistons à la découverte d’un visage sculpté qui laisse présager d’autres découvertes.
Finalement, et la boucle est bouclée, le personnage de Nelofar s’incarne bel et bien puisque nous rencontrons la jeune Afghane, installée au Canada. Celle-ci se rend à Kaboul pour constater le pillage archéologique et la destruction totale de sa ville natale, puis à Bamyian.
Christian Frei signe un film qui étourdit peut-être par la multiplicité de ses pistes, mais qui a une force d’attraction indéniable.
Réal. et scénario : Christian Frei. Image : Peter Indergand. Montage : Christian Frei, Denise Zabalaga. Son : Florian Eidenbenz. Production : Christian Frei Filmproduktion (Zurich).