Domaine privé (Rafaël Wolf, 2005)
Ce moyen métrage à l’image extrêmement soignée offre un intéressant jeu sur les attentes du spectateur. De ce point de vue, l’intrigue basique de type thriller – une femme seule poursuivie dans sa grande maison par un inconnu – passe très nettement au second plan. La scène inaugurale de rupture entre Philippe Schutz et son épouse incite le spectateur à s’interroger sur les motivations des personnages. Quelques pistes sont suggérées et vaguement alimentées (adultère, lassitude, etc.), mais notre attention est très vite réorientée vers un questionnement sur l’image. En effet, le statut de l’homme qui harcèle Anna devient peu à peu problématique ; cette figure menaçante se révèlera finalement n’être qu’une hallucination visuelle d’Anna. On en déduit dès lrs que le mari a quitté sa femme parce qu’il ne supportait plus son délire paranoïaque. L’image continue néanmoins d’être présentée comme un leurre, cette fois sans la médiation de la subjectivité d’un personnage. Dans un décor à la réflexivité très marquée (miroirs, vitres, écrans), Anna tue un homme dont on ne peut déterminer s’il s’agit de l’inconnu ou du mari. Le film se clôt sur cette suspicion envers l’image où, grâce à un travail plastique élaboré, un signifiant n’est plus garant de l’unicité du sens.