Catherine Fowler, Serge Margel, Eva Yampolsky

"Chantal Akerman’s Bobby" : du Vertigo de Hitchcock à La captive de Chantal Akerman

Dans les comptes rendus de La captive (2000) (l’histoire d’un homme qui est obsédé par une femme et son secret, qui donc la suit dans l’espoir de mieux la connaître), beaucoup de critiques ont rapidement remarqué les ressemblances entre ce film et Vertigo (1958) de Hitchcock. Même avant La captive, Hitchcock et Akerman étaient liés – par opposition – selon Raymond Bellour dans son article « Hitchcock, l’énonciateur »1.

L’article de Bellour commence par une description du générique de Marnie. Il écrit :

« Dès le générique, une prise de corps s’opère. Double prise de nom ; celle du film par son metteur en scène, et d’une femme par un homme. Façon usuelle, sans doute, de signer, de parapher la possession du texte. Qui se prolonge ici d’un effet décalé, à prélever sur le couple d’acteurs (‘Tippi’ Hedren et Sean Connery, deuxième et troisième carton, après ‘Universal Presents’ – déjà le couple diégétique) le nom de l’héroïne. Essayons seulement, rien ne s’y oppose, d’imaginer l’inverse : Chantal Akerman’s Bobby. »2

L’usage que Bellour fait du nom « Bobby » ici est arbitraire (il n’y a jamais eu de personnages dans aucun film d’Akerman nommé « Bobby »). Cependant, la suggestion qu’il fait, selon laquelle le cinéma d’Akerman ne pourrait jamais exposer le même degré de fascination pour la femme (« la Marnie de Hitchcock ») que celui de Hitchcock, est le défi que relève cet article. En réponse au propos de Bellour, Sandy Flitterman-Lewis remarque : « Dès le début, Bellour pose une équation, corps de la femme, corps filmique » ; et, selon Ludmilla Jordanova, puisqu’il le présente d’emblée comme un corps « inaccessible et dangereux », « il invite [ainsi] à le connaître et le posséder »3.

Afin de mettre à l’épreuve la désignation par Bellour d’Akerman comme étant l’« opposé » de Hitchcock, on peut comparer l’ouverture de Marnie avec l’ouverture de Les rendez-vous d’Anna d’Akerman (France/Belgique, 1979). Les deux films s’ouvrent dans des gares, où l’on rencontre les personnages féminins principaux. Cependant, la différence de cadrage, de montage, de rythme et de mise en scène est manifeste. Marnie introduit une abondance d’informations ; on voit Marnie s’éloigner de nous sur le quai, puis on passe rapidement à son ancien employeur « Stratt », qui déclare à la police qu’il a été volé. La présentation de Mark Ruttland dans cette scène nous amène ensuite de nouveau à Marnie, qui s’éloigne de nous le long du corridor d’un hôtel, et cette séquence se termine par Hitchcock qui sort d’une chambre au premier plan. Par contraste, dans Les rendez-vous d’Anna, Akerman retient des informations ; un train entre en gare et une foule en descend, tout le monde emprunte les escaliers à l’exception d’une femme qui marche vers une cabine téléphonique, puis qui descend à son tour ; la caméra en plan fixe nous oblige de rester immobile et à distance, et la seule insistance sur Anna se trouve dans son mouvement, montré jusqu’à ton terme.

Marnie est tout de suite créée comme faisant l’objet d’un mystère, à la fois en termes d’intrigue – le mobile de ce qu’on présume être son crime – et selon la manière d’être représentée – son visage, qui n’est pas montré. Or, pour Anna, le mystère est remplacé par un manque d’information. à vrai dire, on connaît très peu de choses à son propos et son aspect banal est visible dès cette scène d’ouverture. La possession rapprochée et obsessionnelle de Marnie par Hitchcock est soigneusement indiquée par le générique, mis en scène par la caméra voyeuriste et une série de substituts (Stratt, Mark Rutland), qui sera enfin complétée par Hitchcock lui-même au travers de son apparition habituelle dans le film. Contrairement à Hitchcock, dans Les rendez-vous d’Anna d’Akerman (ainsi que dans les films dont a pu disposer Bellour : Je tu il elle (1974), Jeanne Dielman (1975) et News from Home (1976)), la relation qui est articulée entre le sujet et l’auteur est telle que les mouvements de la caméra et les angles de prises de vue, les gros plans et les plans subjectifs remplacent l’obsession par une distance respectueuse.

Ces ouvertures de films montrent également la manière selon laquelle le monde de Hitchcock, qui est structuré par des normes voyeuristes, satisfait la curiosité et le désir par des informations ; par conséquent, on peut dire que l’énonciation de Hitchcock est marquée par la corrélation entre voir et savoir. Comme beaucoup de critiques l’ont observé, et comme Les rendez-vous d’Anna le montre, les plans d’Akerman sont organisés de telle manière à éviter les contraintes de la définition voyeuriste, afin de « déplacer l’insistance sur la qualité et l’intensité du regard manipulateur – ainsi que sur ses objets »4. Puisqu’on ne « voit » pas tout dans sa caméra, de même on ne « sait » pas tout, et la curiosité et le désir, qui sont détachés du savoir par le voyeurisme, sont plus généralement explorés comme tels.

En comparant le système spécifique d’Akerman avec celui de Hitchcock, il faut d’abord remarquer que, formellement et esthétiquement, elle rend absent tout ce que Hitchcock rend présent. Puisque Bellour localise la signature de Hitchcock dans les moments où il interfère avec le monde fictionnel, en disant au spectateur où il faut regarder, ce qui est important, ce qu’il ou elle doit penser ou ressentir à propos d’un personnage particulier, on pourrait caractériser cette technique comme celle de la « certitude » et du « savoir possible ». En d’autres termes, les mondes fictionnels de Hitchcock ont un sens limité, qu’il nous indique en tant que réalisateur. Par contraste, la caméra en plan fixe et obstinée d’Akerman, son omission des plans subjectifs, des gros plans et des angles de prise de vue pourraient suggérer un manque connexe d’interférence par l’auteur, un manque de sens déterminé (les critiques ont souvent écrit à propos de l’« abondance » et de la « sensualité » de ses images, en se référant, alors, à cet excès de sens), et donc un manque d’« incertitude » et d’« impossibilité de savoir » qui lui sont spécifiques.

Comme cela a déjà été mentionné, pour Bellour, le système énonciatif de Hitchcock se concentre autour du désir de la femme et son analyse de Marnie cherche à démontrer comment Hitchcock traduit son désir par le texte qui deviendra « la Marnie de Hitchcock ». Or, est-ce qu’il y a une manière de concevoir « le Bobby de Chantal Akerman » ? Les questions théoriques en jeu ici sont soigneusement présentées par Sandy Flitterman-Lewis, lorsqu’elle demande :

Comment peut-on définir un « regard désirant », lorsque la posture du regard est féminin ? Quels sont les paramètres et les articulations d’un « discours féminin », lorsqu’il traverse un texte particulier ? Et comment peut-on conceptualiser un « désir de femme » du triple point de vue de l’auteur, du texte et du spectateur ?5

Son ouvrage intitulé To Desire Differently emploie les analyses des œuvres de Germaine Dulac, de Marie Epstein et d’Agnès Varda, afin de répondre à ces questions. Cet article porte surtout sur la première question posée. Étant donné la non-intervention qui est apparente dans l’ouverture de Les rendez-vous d’Anna, comment peut-on définir le regard désirant d’Akerman, c’est-à-dire le Bobby de Chantal Akerman ? Afin de tenter de répondre à cette question, il est nécessaire de revenir au premier long-métrage d’Akerman Je tu il elle.

C’est dans Je tu il elle que le désir d’Akerman et son regard se forment pour la première fois dans son cinéma. Ce n’est qu’à partir de ce moment inaugural que le désir devient visible dans les films suivants. Comme chez Hitchcock, le désir est énoncé par la désignation d’un regard ; cependant, à la différence d’Hitchcock, le regard se fixe non pas sur une, mais sur trois figures du désir : le moi, un homme et une femme. Il y a deux moments principaux durant lesquels le regard est important dans la première partie de ce film, qui en comporte trois. Dans un premier temps, Akerman dit en voix-over : « Je me suis relevée et je me suis regardée. J’ai enlevé d’abord mon pull pour mieux voir. Ensuite, je me suis mise nue, et je me suis vue. » Le plan suivant montre Akerman, en plan rapproché, qui regarde la caméra comme si elle se voyait dans un miroir. Dans un deuxième temps, Akerman dit : « Et j’ai entendu des pas s’arrêter. Il y avait quelqu’un qui me regardait. Alors, je suis restée immobile et nue, pour que d’autres qui passaient puissent me regarder ». Cette première partie du film introduit Akerman comme un sujet et un objet consentant du regard. Dans ces deux scènes, il est important de remarquer que le regard est explicité, et non pas caché ; tout voyeurisme est ainsi évité.

La deuxième partie de Je tu il elle représente le voyage qu’Akerman fait en stop avec le conducteur d’une semi-remorque. On les voit voyager ensemble dans le camion, puis dans un café, à nouveau en camion, puis dans un bar, à nouveau en camion (où elle masturbe le chauffeur), et enfin dans un restaurant, aux toilettes des hommes. Cette dernière séquence dans les toilettes illustre la scène d’une femme qui regarde un homme. Ces scènes dans le camion sont cadrées de telle manière que l’homme occupe la plupart de l’espace, avec Akerman serrée sur un côté, qui, elle, regarde. Bien qu’Akerman est mise à l’écart, elle est néanmoins toujours présente et toujours montrée en train de « regarder » le conducteur de la remorque. Son regard devient central à deux moments spécifiques de cette deuxième partie. Après le premier arrêt dans un café, on revient sur l’homme dans le camion. D’abord, l’image est floue, due à la fois au fait qu’elle est très granuleuse et qu’une ombre épaisse la masque. Sur la bande sonore, Akerman dit : « J’ai regardé sa nuque large et belle » et, tout d’un coup, l’ombre quitte l’image, révélant ainsi le cou et le dos du conducteur. Lors de ce changement, il devient évident que l’ombre était celle d’Akerman elle-même, qui traverse et quitte le cadre, afin de révéler la « vue » qu’elle vient de décrire.

Étant donné que la construction de ce plan est celle d’« Akerman en train de regarder » et que nous voyons ce qu’elle dit avoir vu, ce plan pourrait être considéré comme un plan subjectif. Cependant, il n’y avait pas de raccord regard pour marquer formellement ce plan comme étant subjectif. C’est plutôt la voix seule d’Akerman sur la bande sonore qui nous guide vers cette interprétation. Cette scène se termine par Akerman, qui dit « et j’ai pensé que j’avais envie de l’embrasser ». Un tel aveu marque le regard précédent comme un regard désirant, bien qu’il y ait probablement une différence entre le désir d’Akerman et celui de Hitchcock. Hitchcock ne nous dit ni s’il regarde ni ce qu’il ressent lorsqu’il regarde. Bien au contraire, le regard hitchcockien désirant est caché. En effet, le regard de Hitchcock est un désir, qui ne peut exister que s’il n’est ni vu ni connu.

Si la seconde partie de Je tu il elle révèle le regard désirant de la femme envers l’homme, et reconnu comme tel, la troisième partie en revanche renverse cette logique oculaire, en cachant, ou plutôt en ne révélant pas le regard désirant d’Akerman envers son amante. Lorsqu’Akerman arrive chez son amoureuse, après avoir mangé et bu, elle commence à déshabiller la jeune femme, défaisant deux des boutons de sa robe de nuit. Cette scène est filmée de manière similaire à la scène qui se déroule dans le camion, avec Akerman jouant celle qui regarde et l’amoureuse comme l’objet de ce regard. Cependant, il faut remarquer deux différences importantes. Premièrement, il n’y a pas de plan subjectif du regard d’Akerman (on ne la voit pas « regarder »), et deuxièmement, il y a peu de différentiation entre les deux femmes, qui se situent de manière égale dans le cadre. Bien que le regard désirant nous soit refusé, on nous permet d’accéder pleinement à la scène intime d’amour qui s’ensuit.

La convention cinématographique est rompue trois fois par les exemples de la seconde et de la troisième parties de Je tu il elle. Premièrement, le regard désirant qu’on a le droit de voir est dirigé vers un homme plutôt que vers une femme ; deuxièmement, le regard d’Akerman sur la femme qu’on penserait pouvoir observer nous est refusé, tandis que, troisièmement, la scène d’amour que l’on ne penserait pas voir, nous est montrée. Il est évident que la manière selon laquelle Akerman montre les femmes dans Les rendez-vous d’Anna et Je tu il elle se démarque beaucoup du féminin énigmatique et éternel que l’on retrouve dans Marnie de Hitchcock. Marnie est présente uniquement pour ce qu’elle représente pour les personnages masculins et l’auteur ; en revanche, la caméra d’Akerman n’envahit pas de manière possessive l’espace de ses femmes, ni ne les entoure de manière obsessionnelle par le regard voyeuriste des hommes.

Je tu il elle est un film fondamental dans l’œuvre d’Akerman, car il établit le fait que le refus de choisir, ce qui représente un aspect de son style, est inscrit dans son regard par une certaine ambiguïté. Si l’on considère l’ambiguïté comme une suspension du sens définitif, c’est ici qu’Akerman devient tout autant une « maîtresse du suspense » que Hitchcock, et non plus son opposé. Cependant, la différence entre le suspense chez Hitchcock et chez Akerman provient du fait que, chez Hitchcock, on ne doit attendre qu’un bref moment, tandis que, chez Akerman, l’attente est infinie. Plus encore, l’ambiguïté, la suspension du sens définitif, est liée par Je tu il elle au désir lui-même, qui n’est pas réduit à un seul objet d’amour, mais il est plutôt double – bi-sexuel. Bien que ce premier film nous donne deux « regards » clairs – Akerman sur elle-même et sur le conducteur –, le troisième regard dans Je tu il elle – Akerman sur la femme – n’est jamais montré en retour. Les structures binaires du regard, actives/passives, de sujet/d’objet, sont rejetées ici en faveur d’une vision triangulaire, dans laquelle le désir d’Akerman peut se fixer à la fois sur l’homme et sur la femme. Non seulement le désir est laissé en suspens, mais la représentation du désir entre Akerman et son amoureuse est empêchée à cause de l’absence de plan subjectif (hitchcockien ?) qui révèle tout. On peut donc ici affirmer qu’Akerman explore la curiosité et le désir libérés du voyeurisme qui garantit le savoir.

Pour la plupart des critiques, le cinéma d’Akerman est caractérisé par cette attitude envers ses personnages féminins, qui sont tous libérés de leur rôle conventionnel de présence séductrice, étant plutôt ouvertes à ces regards curieux, que Laura Mulvey décrit comme : « un regard actif, investigateur mais associé au féminin »6. Étant donné une telle trajectoire, La captive peut paraître un peu décalé. Ce film est largement inspiré par la cinquième partie de À la recherche du temps perdu de Proust, La prisonnière, et porte sur un homme, et sur la relation possessive de Marcel/Simon avec Albertine/Ariane (j’utiliserai ces noms différents pour indiquer si je parle du roman ou du film). Dans La captive, la caméra d’Akerman cadre pour la première fois le « féminin énigmatique et éternel » de façon omniprésente ; et le film contient cette image dans une histoire d’obsession hitchcockienne, qui, comme je l’ai fait remarquer plus haut, partage beaucoup de points en commun avec Vertigo.

Ayant caractérisé l’image du « féminin énigmatique/éternel » et son traitement comme symptomatiques de l’absence, de l’effacement et du refus du désir féminin, et ayant montré brièvement que l’objectif principal du cinéma d’Akerman est l’expression du/des désir(s) féminin(s), nous devons nous interroger sur la place de La captive dans l’œuvre d’Akerman. Pour apporter une explication, il n’est pas sans importance de considérer à nouveau le roman qui l’a inspiré. Les six volumes de À la recherche du temps perdu de Proust, qui constituent l’œuvre de sa vie, ont provoqué des réactions importantes sur l’usage du temps, et sur la représentation du processus créatif et des intransigeances de la mémoire. Cependant, le point le plus virulent du débat porte sur le désir qui est à l’arrière-plan du texte, et plus précisément sur l’homvosexualité de Proust, qui est alors utilisée pour interpréter le désir qui apparaît à la surface du texte. La première manière d’inscrire l’orientation sexuelle de Proust dans le roman de « l’histoire d’un homme présenté comme celui qui n’aime que des femmes »7, a consisté à forcer ses personnages à se travestir. Selon MacDonald Allen : « Ses personnages féminins, comme Albertine, ne sont que des hommes en habits de travestis, et cette technique devient de plus en plus transparente. Elles se comportent comme des amants masculins, de même que leurs modèles et leurs créateurs »8. En revanche, Eve Kosofsky Sedgwick utilise Proust dans son livre Épistémologie du placard pour suggérer qu’il y a de multiples postures possibles, selon l’orientation sexuelle du lecteur9. De plus, Kaja Silverman – dans son projet qui a pour but « de démontrer que la fémininité habite l’homosexualité masculine de diverses manières intéressantes, favorables et politiquement productives »10 – a fait une suggestion provocante : « Aussi troublante que cette pensée puisse être pour beaucoup de lecteurs, Proust nous encourage, en effet, à concevoir la liaison de Marcel avec Albertine comme une liaison entre deux femmes »11.

Ce que soulignent ces deux interprétations très différentes semble concerner la capacité d’Albertine à servir de signe vide, dans lequel un lecteur ou une lectrice peut projeter sa propre lecture. Ceci est sans doute mis en évidence par des auteurs qui suggèrent que la signification d’Albertine opère sur une échelle plus vaste : « D’ailleurs, l’héroïne de Proust n’est pas d’un sexe très défini : elle est l’amour même, et chacun peut lui prêter l’image qui lui est la plus chère »12. Emma Wilson, tout particulièrement, utilise À la recherche du temps perdu comme un exemple de la « rencontre de la lecture »13.

Ayant considéré le roman, une part importante de l’attrait qu’Akerman porte pour Albertine dans La prisonnière peut être expliquée par sa « dé-signification », qui est déjà présente dans le texte de Proust. Elle est une « femme » qui refuse d’incarner le sens féminin conventionnel. Ainsi, même le moule « éternel, énigmatique » est quelque chose qui provient du protagoniste (Marcel/Simon), qui tente de l’imposer à sa forme vide. L’intérêt d’Akerman repose sans doute aussi dans le fait que La prisonnière est un texte où les normes de « masculinité » et de « fémininité », qu’elle a toujours remises en question, sont déjà perturbées. L’intrigue de base de ce film concerne la poursuite obsessionnelle par Simon de son amante Ariane et sa volonté de prouver sa conviction qu’elle a des relations avec des femmes. Au cours du film, on le voit garder Ariane enfermée sous clé dans son appartement, convaincant l’une des ses amies nommée « André » de l’accompagner lorsqu’elle sort, suivant Ariane et André et essayant désespérément de poursuivre Ariane lorsqu’elle sort toute seule (et c’est là que ce film rend hommage à Vertigo). Ne pouvant plus supporter l’incertitude, Simon dit à Ariane qu’ils doivent se séparer ; ils conduisent jusqu’à la maison de la tante d’Ariane, puis il décide qu’il ne peut pas la perdre et ils passent une nuit dans un hôtel au bord de la mer. Le film se termine par Simon qui tente sans succès de secourir Ariane, qui est allée se baigner à la pleine lune et qui s’est fait visiblement du souci. En me tournant vers La captive, je montrerai que, lorsqu’il est comparé à Scottie dans Vertigo, l’objectif de Simon n’est pas seulement de déchiffrer et de posséder le féminin énigmatique et éternel, mais il s’agit aussi de le forcer à retenir son interprétation, afin de légitimer son désir à lui.

La captive s’ouvre par un film dans un film, lorsqu’on voit Simon passer à plusieurs reprises un film super 8 dans un projecteur. Sur l’écran, devant lui, on voit des images d’Ariane et d’autres filles qui jouent sur la plage ; de temps en temps, elles se mettent face à la caméra pour la regarder ; sinon, elles sont absorbées les unes par les autres. Le plan semble se centrer sur Ariane. Elle est ciblée dans le groupe, puis, à la fin de la séquence, on a un gros plan sur son visage, puis on passe à un champ-contrechamp d’elle et de son amie André. Ensuite, on passe à Simon, il s’arrête, remonte la bande et recommence à projeter le film, tout en chuchotant « Je vous aime », puis on passe de nouveau à Ariane et à André, avant un dernier plan prophétique d’Ariane en train de s’éloigner de la caméra en courant vers la mer.

Bien que le début de cette séquence pourrait suggérer une performance hitchcockienne typique du regard masculin obsessionnel, figé sur le féminin énigmatique et éternel, les derniers plans remettent en question une telle interprétation. Akerman construit tout de suite le désir de Simon pour Ariane comme dépendant de sa conviction qu’elle aime d’autres femmes. Une configuration différente de l’éternel féminin est ici mise en scène, telle que Leo Bersani l’a décrite :

« la métaphore sexuelle la plus précise d’une quête désespérée de son propre désir est sans aucun doute la jalousie qu’un hétérosexuel peut avoir de l’homosexualité de l’autre sexe »14 ;

ou telle qu’elle est reconnue par Freud :

« Une part de ce que nous, hommes, appelons ‘l’énigme de la femme’ dérive peut-être de cette expression de la bisexualité dans la vie féminine »15.

Ainsi, pour que le désir de Simon soit « sans espoir » et par conséquent efficace, il doit interpréter le signe vide d’Ariane, comme le signifié de relations lesbiennes. Ici, on pourrait suggérer que, à la manière de Proust, Akerman développe une vengeance féministe, puisque Simon est en effet pris dans une posture où – dans le but de légitimer son propre désir – il doit croire en ce qui a toujours été jusqu’alors effacé par le désir masculin : le désir féminin.

Néanmoins, suivant l’« impossibilité de savoir » et l’« incertitude », qui sont essentielles à son énonciation, Akerman ne donne pas à Simon la satisfaction de pouvoir enfin « connaître » Ariane. En revenant à l’ouverture du film, la première manière avec laquelle elle occulte son désir à lui de connaître Ariane consiste à utiliser ce qu’on pourrait appeler un « montage allusif », dont le résultat est d’établir d’emblée la triangularité des désirs, que l’on a observée tout d’abord dans Je tu il elle. Au début de la séquence décrite plus haut, on voit Simon prononcer ces mots à Ariane, qui serait une mise en scène de son désir de la posséder comme autre. Cependant, le montage de cette scène permet d’envisager que Simon s’identifie en réalité avec André, puisqu’en passant de Simon en train de terminer sa phrase à l’écran, on voit André qui elle aussi termine sa phrase. Ainsi, en se focalisant sur Simon, on rate un moment entre les deux femmes et le temps du montage – tout particulièrement la manière selon laquelle André est saisie lorsqu’on retourne vers elles – montre que c’était peut-être en fait André qui disait « Je vous aime » à Ariane.

Ce prologue introduit également une autre stratégie de Simon, par laquelle il tente de figer Ariane – ici en arrêtant le déroulement du film –, afin de lui imposer son point de vue sur elle. On doit voir cette tendance par rapport au fait que c’est là habituellement la fonction du voyeurisme. Dans un scénario hitchcockien, le passage de la curiosité et du désir au savoir est réalisé par le biais du voyeurisme. Cependant, puisque ce mécanisme n’est pas permis dans le cinéma d’Akerman, la question suivante se pose : comment Simon pourra-t-il alors satisfaire sa curiosité et son désir ? Bien entendu, le voyeurisme rend possible la possession d’un objet, qui est alors assujetti à un regard objectivant. L’importance de cette pratique à l’intérieur du scénario de la femme énigmatique ne devrait pas être sous-estimée. En effet, le regard fige la femme, afin de contempler son mystère. En lien avec le désir d’enquêter sur la femme énigmatique, de la manipuler ou de la posséder, c’est essentiellement cet acte de « figer », qui, par-là, arrête le déroulement du sens, lui permettant d’être examinée, comme Scottie dans Vertigo et Simon tentent de le faire. Par exemple, dans Vertigo, on pourrait considérer comment Scottie s’identifie à une femme qui est elle-même en train de s’identifier avec l’image d’une femme morte – ainsi sa fascination porte en effet sur cette image statique, représentée dans le film par un tableau de Carlotta, que Madeleine va voir régulièrement dans une galerie d’art. Scottie ne veut pas donner vie à Carlotta, mais il souhaite plutôt réduire Madeleine à une image statique, la figer et la posséder.

Or, dans La captive, le besoin de « figer » la femme acquiert d’autres dimensions. Le film commence avec la décision de Simon de garder Ariane dans son appartement, mais dans le roman, on justifie cette décision de la manière suivante : « Pour Albertine, je sentais que je n’apprendrais jamais rien […] à moins que de la mettre en prison »16. Jusqu’à un certain point, Akerman donne à Simon l’avantage de pouvoir saisir une partie du passé d’Ariane par le film super 8mm qu’il rejoue. Or, avec Simon, comme avec Scottie, il y a un élément sinistre dans leur acte de « figer », qui insinue une mise à mort de la femme, comme Sarah Kofman le souligne ici :

« Cadavériser la femme, c’est tenter une ultime fois de maîtriser son caractère énigmatique et atopique, de fixer en une position définitive et immuable l’instabilité et la mobilité même […]. Car la rigidité cadavérique sert à maintenir refoulée la « masculinité » féminine. Elle permet de faire cesser le balancement perpétuel entre le masculin et le féminin qui fait toute l’énigme de la « femme. »17

Comme on le sait déjà, le système énonciatif d’Akerman est motivé par le besoin de poursuivre « le balancement perpétuel », dans le but de le laisser en vie et bien réel. Ainsi, même la mort dans La captive n’offre pas la solution proposée par Kofman. Bien au contraire, Simon est laissé en suspense continu par la noyade d’Ariane – maintenant il ne saura jamais qui elle est – et ses tentatives de la secourir pourraient être considérées comme une volonté d’empêcher une telle situation. Le contraste avec Vertigo est évident, puisque quand Scottie sauve Madelaine du même destin, cela représente, en fait, le moment lui donnant des clés pour résoudre son énigme (en tout cas, c’est ce qu’il croit, puisqu’on apprend plus tard que cela a été mis en scène par Gavin Elster).

Marcel se rend très vite compte qu’il ne suffit pas de simplement garder Albertine dans sa maison, mais qu’il doit plutôt « capter et saisir chaque moment de sa vie »18. Dans son film, Akerman lui permet d’éprouver du soulagement pendant les moments où Ariane est transformée en une image. Alors qu’ils sont dans des baignoires contigües, séparés par l’écran d’une vitre, à un moment donné, Ariane se lève et est transformée en une image figée derrière l’écran. Akerman représente également des moments intimes entre eux lorsqu’Ariane dort et Simon, assis à côté d’elle, la regarde et se met derrière elle, puis avec sa cuisse autour de ses hanches se frotte contre elle jusqu’à l’orgasme. Ces scènes reflètent les passages dans le roman où, pour Marcel, les moments de sommeil d’Albertine sont presque apparentés à la mort, puisqu’elle est, à la fois, entièrement avec lui et entièrement sa captive :

« En fermant les yeux, en perdant la conscience, Albertine avait dépouillé, l’un après l’autre, ses différents caractères d’humanité qui m’avaient déçu depuis le jour où j’avais fait sa connaissance. Elle n’était plus animée que de la vie inconsciente des végétaux, des arbres […]. Son moi ne s’échappait pas à tous moments, comme quand nous causions, par les issues de la pensée inavouée et du regard. »19

Bien qu’Akerman incorpore, dans son film, ces scènes où Marcel « fige » Albertine, elle ne va pas jusqu’à lui donner l’ultime pouvoir cinématographique du voyeurisme. La captive contient beaucoup de moments dans lesquels Simon poursuit Ariane lorsqu’elle déambule dans la ville. Cependant, le regard puissant auquel on s’attend est toujours remis en question. Après le prologue, on commence par un travelling qui suit Ariane lorsqu’elle marche vers sa voiture, puis se pose sur Simon qui est assis dans sa voiture à lui, garée devant la sienne. On remarque son anxiété évidente sur son visage, suggérant tout de suite qu’il est mal à l’aise de la poursuivre, à cause d’une certaine vulnérabilité.

La question principale ici est le fait que le regard de Simon n’est pas le regard puissant que Hitchcock accorde à beaucoup de ses protagonistes. Dans les scènes suivantes, dans lesquelles il la poursuit à pied, l’insistance est mise moins sur son regard porté sur elle que sur lui-même en train de regarder, comme s’il s’agissait d’insister sur le manque de pouvoir de son regard, ou du moins pour discréditer son autorité. De même, on peut comparer le visage inquiet de Simon avec le regard curieux et fasciné de Scottie dans Vertigo. Le regard de Scottie suggère le désir naissant, et ici Modleski remarque que « ces travellings avant ne font pas que suivre le regard de Scottie ; par leur proximité, leur intensité, ils participent de son désir même, lequel, paradoxalement, aspire à la fusion avec une femme qui, dans un sens, n’existe pas »20.

En revanche, l’expression de Simon sous-entend qu’il redoute la possibilité que les pires des choses qu’il imagine se réalisent, et c’est ainsi que le roman l’exprime : « Ma jalousie naissait par des images, pour une souffrance, non d’après une probabilité »21. Scottie et Simon sont tous les deux fascinés par les femmes énigmatiques, qu’ils essaient de « comprendre » ; tandis qu’elle doit rester absente à son propre désir, pour que son désir à lui puisse s’affirmer. Or, la frustration de Simon se fonde sur le fait que la femme demeure absente de son désir à lui.

Après nous avoir présenté Simon, qui utilise André pour imposer son sens sur Ariane, et après avoir montré la douleur qui provient de la poursuite d’Ariane, Akerman met en scène une triangularité ultime, qui incorpore des aspects de Vertigo et propose une répétition de l’ambiguïté pleine de suspense de Je tu il elle. Simon suit Ariane jusqu’à un musée ou une galerie d’art, la caméra reste cadrée par-dessus son épaule ou filme par des portes où l’on voit Ariane passer. On voit Simon, cadré de derrière, s’approcher d’une porte, il ralentit, puis on passe à un buste sculpté d’une femme, un cadre qui contient ni lui ni Ariane. Le plan commence derrière le buste, de telle manière qu’on ne voit que le dos de la tête. Les cheveux de la femme sont coiffés à la manière du chignon de « Carlotta » que l’on reconnaît tout de suite, et on a ainsi une référence directe à Vertigo. Plus tard, on verra l’arrivée d’André et le départ de Marcel.

Comment peut-on interpréter cette scène complexe ? Plus précisément, comment peut-on comprendre la référence visuelle à Carlotta comme le centre de cette scène ? Si on interprète la scène du point de vue de Simon, il y a deux possibilités immédiates. Selon la première, Simon cherche une image de l’altérité qui est similaire à celle qu’il a trouvée dans l’ouverture du film. Ainsi, en situant André à côté d’Ariane, il tente de réaliser une matérialisation koulechovienne du désir, par laquelle – pour autant qu’Arianne et André soient ensemble – il peut « voir » la nature d’Ariane (et ainsi la « connaître » enfin). La preuve réside sans doute dans le fait qu’ayant suivi Ariane hanté par le regard anxieux et familier – dès qu’André entre dans le champ –, il se calme et sourit, comme s’il était rassuré. Il est possible qu’il voit l’inverse, comme si c’était pour partager un geste avec André. Ce geste est interprété par Lisa Appignanesi, lisant le roman : « Le lesbianisme d’Albertine intensifie son mystère féminin par le fait que Marcel doit, en effet, devenir une femme afin de la connaître entièrement »22. Akerman avance cette possibilité en proposant André comme le substitut de Simon.

La posture de Simon est sans doute ambigüe, mais que dire de celle de Carlotta ? En rappelant l’ouverture de La captive, dans laquelle un montage allusif obstrue le désir potentiel entre les deux femmes (faisant écho à la scène similaire dans Je tu il elle), ici Carlotta semble jouer le même rôle, agissant comme un point nodal pour l’enchaînement des regards entre Ariane et André. Ainsi, Ariane regarde Carlotta, André regarde Carlotta, Ariane et André se regardent. Dès qu’on a incorporé la sémiotique de Carlotta (selon ce qu’elle représente dans Vertigo), d’autres lectures possibles se présentent. Par exemple, on pourrait dire qu’Akerman utilise le statut de la femme « offensée » incarnée par Carlotta, afin de suggérer qu’Ariane aussi « n’est pas coupable », ou inversement, elle invoque peut-être la duplicité avec laquelle elle est associée (avec Gavin Elster qui substitue Judy pour Madeleine et Madeleine pour Carlotta).

Il est évident qu’une analyse de ce moment dépasse le cadre de cet article. J’aimerais ainsi terminer en posant à nouveau cette question : pourquoi Akerman a-t-elle posé son regard sur le féminin énigmatique éternel, après l’avoir remis en question pendant des années ? D’une part, en interprétant La captive comme partie intégrante de l’œuvre d’Akerman, comme cet article l’a fait, ce film peut être considéré comme abordant un nouveau sujet – en abandonnant les héroïnes d’Akerman qui autrefois n’étaient pas séductrices, pour inclure au contraire dans ce cadre une figure interdite du désir masculin. D’autre part, le lien créé ici entre ce film et les premières œuvres d’Akerman révèle son projet sur le long terme d’explorer des désirs complexes, incertains et même inconnaissables. Des exemples discutés sont le « troisième regard » dans Je tu il elle, qui est « non-montré » ; la déclaration d’amour dans l’ouverture de La captive, qui est « non-figée » (est-ce Simon qui le dit à Ariane ? Simon à André ? Ou bien André à Ariane ?) ; et le moment décrit ci-dessus avec « Carlotta » au centre, qui, interprété du point de vue de Simon, pourrait représenter une passion impossible et un désir imaginaire. Dans tous ces moments, Akerman suspend le savoir, interdit le voyeurisme, mais elle récompense la curiosité par ses triangles désirants, qui maintiennent le désir en vie et animé.

1 L’article « Hitchcock, the Enunciator », traduit par Betrand Augst et Hilary Radner dans Camera Obscura (nº 2, automne 1979, pp. 66–87), est extrait de l’ouvrage de Raymond Bellour, L’analyse du film, que nous citons ici. [Note des traducteurs.]

2 Raymond Bellour, « Énoncer », L’analyse du film, Paris, Albatros, 1979, p. 271.

3 Sandy Flitterman-Lewis, « Woman, Desire and the Look : Feminism and the Enunciative Apparatus in Cinema », dans John Caughie (éd.), Theories of Authorship, Londres, Routledge & Kegan Paul, 1981, pp. 242–250 : ici p. 246.

4 Sandy Flitterman-Lewis, To Desire Differently: Feminism and the French Cinema, Urbana, University of Illinois Press, 1990, p. 20.

5 Sandy Flitterman-Lewis, To Desire Differently : Feminism and the French Cinema, op. cit, p. 19.

6 Laura Mulvey, Fétichisme et curiosité, Dijon, Les presses du réel, 2019, traduit de l’anglais par Guillaume Mélère [première publication : Fetishism and Curiosity, Bloomington, Indiana University Press, 1996].

7 Kaja Silverman, Male Subjectivity at the Margins, Londres/New York, Routledge, 1992, p. 373.

8 D. G. MacDonald Allen, The Janus Sex : The Androgy­nous Challenge, Hicksville, Exposition, 1975, p. 93, cité par Julius Edwin Rivers, Proust and The Art of Love – The Aesthetics of Sexuality in the Life, Times and Art of Marcel Proust, New York, Columbia University Press, 1980, p. 5.

9 Eve Kosofsky Sedgwick, Épistémologie du placard, Paris, Éditions Amsterdam, 2008, traduit par Maxime Cervulle [première édition : The Epistemology of the Closet, Berkeley/Los Angeles, University of California Press, 1990].

10 Kaja Silverman, Male Subjectivity at the Margins, op. cit., p. 387.

11 Idem, p. 383.

12 Maurice Sachs, Le sabbat. Souvenirs d’une jeunesse ­orageuse, Paris, Gallimard, 1960, p. 196, cité par Julius Edwin Rivers, Proust and The Art of Love – The Aesthetics of Sexuality in the Life, Times and Art of Marcel Proust, op. cit., p. 8.

13 Emma Wilson, Sexuality and the Reading Encounter – Identity and Desire in Proust, Duras, Tournier and Cixous, Oxford, Clarendon Press, 1996, pp. 3–4.

14 Leo Bersani, cité par Emma Wilson, Sexuality and the Reading Encounter – Identity and Desire in Proust, Duras, Tournier and Cixous, op. cit., p. 67.

15 Sigmund Freud, « La féminité », Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse, Paris, Gallimard, 1984, p. 175, cité par Tania Modleski, The Women Who Knew too much : Hitchcock and Feminist Theory, Londres/New York, Routledge, 1988, p. 92.

16 Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, Sodome et Gomorrhe (Deuxième partie), Paris, NRF, 1922, p. 146.

17 Sarah Kofman, L’énigme de la femme. La femme dans les textes de Freud, Paris, Galilée, 1994 [première édition : 1980], p. 248.

18 Lisa Appignanesi, Femininity and the Creative Imagination – A Study of Henry James, Robert Musil and Marcel Proust, Londres, Vision, 1973, p. 194.

19 Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, La prisonnière (Première partie), Paris, NRF, 1923, pp. 104–105.

20 Tania Modleski, Hitchcock et la théorie féministe : les femmes qui en savaient trop, Paris, l’Harmattan, 2002, traduit par Noël Burch, p. 142 [première édition : The Women Who Knew Too Much : Hitchcock and Feminist Theory, New York, Routledge/Chapman & Hall, 1988, p. 42].

21 Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, La prisonnière (Sodome et Gomorrhe III), Paris, NRF, 1923, p. 30.

22 Lisa Appignanesi, Femininity and the Creative Imagination, op. cit., p. 196.