Marie-Anne Lieb

Figures temporelles dans le cinéma arborescent d’Arnaud Desplechin

Constitué de récits romanesques, ayant trait à l’introspection de personnages mêlant confessions et réflexions, le cinéma d’Arnaud Desplechin travaille la dualité narrative. Telle une poétique du roman, les récits se composent de liaison, de continuité autant que d’éclatement et de discontinuité. Proche de la technique d’un peintre impressionniste, le cinéaste rend palpable par touches successives l’intériorité des personnages suivant des perspectives démultipliées et décrit ainsi un art du temps. Aussi un romanesque fiévreux se déclinera-t-il au fil de sa filmographie dès Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle) (France, 1996). Desplechin fait alors corps avec la matière littéraire donnant « le sentiment ample et complexe du roman »1, rappelant l’écriture de l’écrivain américain Philip Roth, fondée sur d’incessants flashbacks. Desplechin n’hésite pas « à convoquer absolument tous les moyens littéraires du récit (la voix-off objective ou subjective, le journal intime, la correspondance, la conversation, la séance d’analyse). […] Son cinéma devient dense, empli de mots, d’idées et de sentiments jusqu’à en craquer, portant la marque balzacienne du romanesque »2. L’idée sous-jacente à cette notion balzacienne de romanesque est de réenchanter le monde, à l’instar de François Truffaut3, l’un des cinéastes dont il s’inspire thématiquement et spirituellement. En outre, ce romanesque, pris par Desplechin comme un questionnement de mise en récit, annonce la propension des personnages à « fictionnaliser » leurs vies.

Notre réflexion s’attachera tout d’abord à décrire ce qui constitue la poétique du récit propre à Arnaud Desplechin (bien que non thématisée par le cinéaste) avant de poser la question de la temporalité à l’œuvre. Qu’est-ce qui meut la narration usant et abusant de rappels, répétitions et autres jeux de correspondances, reliant les diverses strates narratives, esthétiques et thématiques, de ses films ? Les récits semblent bégayer ou au contraire dévoiler une progression ; mais quel sens se love au sein de ce travail sur le romanesque et en conséquence sur la temporalité ? La vie ne semble-t-elle pas se trouver dans les plis de l’existence ? En effet, la lutte entre la liaison et le morcellement figure la désintégration temporelle, voire personnelle, intime des personnages dans l’œuvre de Desplechin. Enfin, la fictionnalisation de la vie de la part des personnages et la subjectivisation du temps n’expriment-elles pas une temporalité tournée contre le monde et qui refuse sa logique ? Ou bien, en définitive, sont-elles en accord avec ces corps dont la conscience émerge ?

Foisonnement romanesque, métissage et excès de matières

Si l’œuvre d’Arnaud Desplechin forme un tout cohérent et achevé, caractérisé pour partie par sa logique arborescente et germinative, quels sont les éléments propres à étayer ce constat ? Cette logique s’applique tout d’abord aux collaborateurs fidèles comme sa famille d’acteurs (Mathieu Amalric, Emmanuelle Devos, Emmanuel Salinger, Marianne Denicourt), puis aux récurrences thématiques, narratives et dramatiques4. Un jeu de correspondances constitué de bribes de dialogues déjà entendus, entretient ainsi également cette idée. Par ailleurs, la réutilisation des prénoms des personnages d’un film à l’autre sans raisons apparentes relie les films entre eux. Mais, outre l’intertextualité à proprement parler, de nombreuses situations, certains traits de caractère des personnages et la fonction récurrente de l’un d’entre eux, opèrent un réseau de connivences. Le cinéaste poursuit ce que l’on peut désigner désormais comme la fabrique du continu5 en ouvrant au métissage ses récits. Il travaille divers genres cinématographiques comme le thriller politique (Léo, en jouant « Dans la compagnie des hommes »), le récit d’espionnage et le huis clos (La Sentinelle), la comédie et la tragédie (Rois et Reine et Un conte de Noël), la reconstitution historique du parcours existentiel (Esther Kahn, France/Grande-Bretagne, 2000), le marivaudage philosophique (Comment je me suis disputé…) ou enfin le théâtre d’une cure analytique (Jimmy P. (Psychothérapie d’un Indien des plaines), France/Etats-Unis, 2013). Les thématiques rassemblent ces diverses propositions filmiques. Quant au traitement narratif en tant que tel, il est constitué de multiples matières temporelles (entrelacement du présent et du passé ; du temps extérieur et temps intérieur, pour ne pas dire intime) mais également orales (voix narratrice externe et interne, voix over) et visuelles, qui se juxtaposent, se chevauchent et/ou s’interpénètrent dans le but de traduire la complexité et les méandres de la vie. Par ailleurs, le mélange des genres littéraires et filmiques qui servent au scénario caractérise la coexistence des contraires, en maniant les classiques comme les modernes, les mythes comme les œuvres contemporaines. Ainsi découvrons-nous la philosophie de Descartes (Comment je me suis disputé… ; Esther Kahn), Nietzsche, Emerson et Thoreau (Un conte de Noël), la mythologie avec Zeus et Léda, le minotaure, Pégase et les récits de Joyce (Rois et Reine ; Un conte de Noël), le théâtre de Shakespeare mêlant tragédie et comédie, et d’Edward Bond (Léo, en jouant « Dans la compagnie des hommes ») ou d’Ibsen (Esther Kahn), les romans de Jean Ascher (Un conte de Noël), de Philip Roth (Comment je me suis disputé…) et la nouvelle de Symons (Esther Kahn). Les récits portent aussi les marques et références plus ou moins explicites du cinéma d’Allen pour le rythme, celui de Bergman pour ses thématiques et celui de Resnais6 pour son travail du montage. L’excès de matières, présent dans le rêve d’Ismaël (Rois et Reine) avec des images d’archives ou dans Jimmy P. avec les diverses sources documentaires, est à son paroxysme dans Léo, en jouant « Dans la compagnie des hommes », qui associe images vidéo (les répétitions de Unplugged, France, 2003) et images en pellicule (la fiction), offrant des raccords visuels, auditifs, esthétiques et narratifs surprenants. Cela noie presque la lisibilité du récit.

Mais la « fabrique du continu » ne serait-elle pas pour le cinéaste la manifestation d’une lutte narrative interne au récit contre la désintégration du monde et de l’individu ? L’ordonnancement des scènes entre elles, les voix over, les discordances à l’intérieur d’un flashback sont autant de signes définissant cette lutte interne narrative insistant sur une appréhension complexifiée et pulvérisée par le héros du monde l’environnant. Celle-là même qui articule le corps à la conscience, le sensible au cognitif ? Maintenir, canaliser et lier le tissu narratif s’incarne dès l’incipit du film. Vaste système organisateur (pré-générique, générique, dédicace, intertitres en surimpressions, avec une fonction de métaphore ou métonymie), cette fabrique du continu situe l’action et indique parfois la chronologie, donnant l’illusion d’un livre ouvert en épousant certains procédés littéraires ou théâtraux. Une lecture en filigrane de l’histoire sans même avoir vu la suite du film émerge. Par ailleurs, étant attaché aux comportements et à la pensée des personnages face à eux-mêmes et/ou en communauté, Desplechin propose à travers ses récits une sorte de roman fleuve dont la temporalité varie entre quelques jours et quelques années. Tous fonctionnent la plupart du temps avec des flashbacks (ou, plus rarement, des flashforwards). De même qu’au fil de la filmographie, le cinéaste adopte la division en chapitres et sous-chapitres, comme pour Un conte de Noël dans lequel douze de ces titres fractionnent et organisent la narration : Roubaix ! / L’Aînée / Au même moment à Roubaix / Paul Dédalus / Le Cadet / Hôpital de Roubaix / Le Benjamin / La Lettre – vendredi 22 décembre / Réunis – 23 décembre / Le Revenant – 24 décembre / Allégresses – 25 décembre / Les Adieux. Quant à Rois et Reine, il déploie à travers un foisonnement narratif mi-comique mi-tragique, un éventail paroxystique des affects. Une des conséquences à cette division en chapitres est le resserrement temporel entre les séquences. Le spectateur peine à se rendre compte de ce qui se déroule. En effet, il observe l’hystérie des personnages, conjuguée à une caméra mobile aux débordements de plus en plus fréquents, et à un traitement elliptique brutal à l’intérieur d’une même séquence. En outre, rien n’indique que le laps de temps écoulé entre chaque partie soit en lien avec le genre même du récit et son découpage. Par ailleurs, les intertitres font penser aux intitulés d’une nouvelle ou d’une pièce, retraçant le chemin à parcourir par le personnage. Ils rappellent le sommaire d’un ouvrage dont la didascalie insiste sur les gestes, le ton, en un mot le jeu de l’acteur. Ces intertitres sont donc à la fois des chapitres, des parties et des points, semblables à des paragraphes qu’un écrivain veut rendre visibles par un retrait d’alinéa et un saut de ligne.

Continuité narrative, temporalités sinueuses et distance réflexive

Cependant, quel besoin a Arnaud Desplechin de refléter les fêlures du temps, si ce n’est de rendre tangible la distance réflexive du personnage à lui-même ? L’art de raconter des histoires donne lieu ici à une chronologie amplifiée mais aussi à une confusion entre les différents niveaux de réalité, révélant une contradiction sciemment entretenue par les personnages, entre ce qui se trame à mi-chemin de leurs rêves et de leurs vies réelles. Nora est un exemple pertinent car elle atteint enfin la légèreté à la fin du récit, en mettant à distance son passé obscur, qui surgit pourtant lors de deux scènes ; sous les traits d’un amant fantôme qui lui apparaît en rêve (Pierre, son premier amour et le père de son fils Elias, mort dix ans auparavant) et de la lettre paternelle posthume dans laquelle la haine et l’amour paternels s’entremêlent à son endroit (Rois et Reine). Ou encore Elizabeth, conscience malheureuse qui cherche le mort à enterrer avant de choisir le pays inventé par son fils (Un conte de Noël). La vraisemblance est mise en question car chacun manie une trame narrative précise à son profit. Les personnages aiment à (se) raconter et à distordre la réalité. Au fur et à mesure que l’on découvre l’œuvre entière d’Arnaud Desplechin, s’affirme l’idée de progression, de parcours d’un seul et même être humain en devenir. Nous partons du corps du personnage, de sa naissance physique avant de le voir devenir un être pensant. Aussi le personnage d’Esther (Esther Kahn) représente-t-il pertinemment les premiers pas d’un être humain se constituant corps et âme. Petit sauvage, en regard avec le film de François Truffaut qui a inspiré Desplechin (L’Enfant sauvage, France, 1976), Esther est tout d’abord décrite par une étude anthropologique. Elle présente une lecture inversée et complémentaire de Paul Dédalus (Comment je me suis disputé…). Si ce dernier, thésard en philosophie, incarne le scepticisme, Esther, en quête de certitudes, dévoile une pensée en actes. Il n’y a pas de corps sans esprit. Mais avant que la conscience ne s’éveille, le corps est un objet immobile, endormi, malhabile ou malade. Par ailleurs, en acceptant de se confronter à la vie, Esther est l’alliance de la part consciente et réflexive de l’humain avec la part corporelle et organique qui compose tout être. Sa parole s’autonomise de son corps sous nos yeux au fur et à mesure du récit.

La quête est celle de la compréhension que l’être humain se fait du monde et de lui-même. Il faut avoir conscience de sa propre histoire pour exister, ce que la citation nietzschéenne d’Abel à sa fille (Un conte de Noël), inconsolable d’avoir espéré modifier le monde pour le rendre parfait, exprime bien :

« Nous resterons nécessairement étrangers à nous-mêmes, nous ne nous comprenons pas. Pour nous, vaut, de toute éternité, la formule : ‹ Chacun est à soi-même le plus lointain ›. »

Ces mots figurent la tension entre la réflexion et l’intuition du personnage qui, sans aucune maîtrise de son histoire, tente (vainement) de la réorganiser. Ces récits rétrospectifs travaillent la notion de discordance à travers les retours en arrière mais décrivent pourtant une impression d’équilibre grâce aux similitudes visuelles et auditives. En effet, le flashback – figure de déchronologie récurrente chez Desplechin – insiste sur le fait que passé et présent sont contigus, et permettent d’assimiler ce qui avait échappé à la compréhension ou ce qui était rangé dans la conscience des personnages. Dans un second temps et bien qu’essentiellement raccordants, les flashbacks entrecoupent le récit premier et en cassent le nappé, la continuité. Ils installent un décalage entre les niveaux narratifs, accentuant la dualité du personnage. Ils suspendent même le temps (à l’aide de ralentis par exemple), faisant coexister deux temporalités distinctes, voire plus. Plus qu’une simple figure narrative, c’est également une façon habile de mener le travail d’introspection, soit de dédoubler les diverses facettes du héros rompu à se contempler, à s’étudier. Pas de cinéma sans cerveau chez Desplechin. Les retours en arrière prennent aussi la forme d’images réflexives. Apparaissant en contrepoint avec le récit premier, elles émanent de l’esprit du personnage. Plus que des flashbacks, ces images nées d’un jeu d’association et d’une émotion évoquent par leur fugacité les cillements de l’œil ou un pincement de la peau, que la conscience stimulée par un influx nerveux donne à revoir. De plus, aux prises avec le jeu de la vérité et du mensonge, le récit entraîne le spectateur vers les rivages poreux de la conscience humaine. Valérie dans Comment je me suis disputé… ne sait exister qu’au travers de mises en scène mensongères de sa vie contenues entre les pages de son journal intime, quand le personnage de Paul répond à une autobiographie romancée. En effet, le récit de Valérie (l’affabulation d’un viol incestueux) infirme le statut fictionnel des histoires qu’elle s’invente et raconte à Paul, et leur degré de réalité devient en conséquence problématique. Où se trouve la raison des personnages ? Ces mises en scène de soi, comme les occurrences d’images de rideaux de théâtre ou de séances chez le psychanalyste en témoignent aussi. Elles organisent un monde par des décrochages indiquant que le monde psychique intime, intérieur ne protège pas du monde extérieur. On peut même penser que les personnages sont « gênés » par le réel et qu’ils s’en affranchissent en étant ni dans l’admission ni dans l’exclusion pure et simple de l’évènement.

Poursuivant cette notion de fictionnalisation de soi, Rois et Reine et Un conte de Noël (y compris Comment je me suis disputé… avec Esther face caméra) usent de l’adresse à la caméra et de la voix over du narrateur-acteur, renvoyant au genre autobiographique. Le lien s’explique par cette adresse à la caméra, initiée dès Rois et Reine. C’est le signe chez Desplechin d’une incompréhension et d’une incapacité des personnages à vivre l’altérité, autant que leur propre existence. Aussi derrière cette illusion de confession des personnages (Nora, Elizabeth, Junon, Sylvia), peut-on discerner une volonté répétée de maîtriser son récit de vie. Une autre donnée permet d’éclairer le lien entre voix over et autobiographie, celle de la rupture dans la littérature moderne. Ainsi, le « je » remplace-t-il désormais le « il » pour tous les personnages. Alors que le plus souvent il est utilisé pour poser un caractère, donner du relief à l’existence d’une personne, présent dans quelques romans de Beckett, le « je » est source de toutes les voix et le point de départ d’une évasion en dehors de la réalité. Dire « je », pour le romancier comme pour notre cinéaste, c’est chercher à épuiser l’identité pour accéder à la vérité complexe du parler. Si le monde romanesque beckettien se construit sur l’impossibilité de fixer un sens à l’existence, Elizabeth, isolée dans sa chambre, filmée face caméra, parlant à voix haute à son frère et exprimant son désarroi, illustre cette idée (Un conte de Noël). Par ailleurs si certains personnages usent de l’adresse à la caméra, d’autres sont réduits à des fils narratifs. Dans Un conte de Noël, Elizabeth est en outre la narratrice principale du film. Commentant le récit comme les héros truffaldiens de Tirez sur le pianiste (France, 1960) ou L’homme qui aimait les femmes (France, 1977)7, son point de vue organise le tout en racontant l’histoire de sa famille puis en confiant sa peine comme le fera à son tour l’espace d’une scène, Junon, sa propre mère. Ce film est une fiction qui joue à l’« auto-fiction ». Ces parenthèses intimes aménagées par les personnages permettent de se comprendre et décrivent une liaison temporelle au travers de leur regard rétrospectif. Cela met en perspective leur passé et leur présent. Ne peut-on parler de « fonction réparatrice » de l’autobiographie comme il est d’usage de le penser à propos de l’écrit ? En effet, le narrateur-personnage devient une sorte de double de l’écrivain du roman, qui se raconte à travers l’écriture de soi (journal intime, lettres) et la confession (adresse caméra), qui plus qu’une véritable adresse au spectateur est une façon de se penser et de se figurer pensant. La voix intérieure des personnages renvoie également à la « moving box »8 ; ce terme désigne métaphoriquement l’expression de l’âme humaine par la voix over du personnage principal dans le cinéma de Terrence Malick. De fait, plus qu’un simple commentaire du héros à propos du monde extérieur, cette « moving box » nous entraîne dans le for intérieur du protagoniste, dans les méandres de sa pensée prolongeant la figure du monologue intérieur. Les personnages écrivant un journal intime, se racontant face à la caméra ou lisant une lettre (celle posthume du père de Nora dans Rois et Reine ou du fils banni dans Un conte de Noël) représentent d’autres figures « littéraires » du double. La narration originelle dévoile une mise en abyme d’un second récit inventé et organisé par les personnages. Car parler, dire le monde, c’est le vivre et non plus le subir. Et enfin, ce regard caméra déclenche la réverbération de leur image pour se faire face et saisir leur réflexion.

Déstructuration, montage cubiste et désintégration

La structure narrative chez Desplechin étant le résultat composite du lien mais aussi de l’éclatement, la temporalité devient multiple, voire irréelle. On pense aux romans déstructurés de Dos Passos (blocs de textes constituant le montage du récit) ou de James Joyce (montage par des blocs de mots), lorsque l’on s’aperçoit que les récits filmiques d’Arnaud Desplechin sont également des puzzles à la logique dissimulée. Le fil narratif est rompu par des digressions, des commentaires, des dialogues, des inserts qui renvoient à la pensée en mouvement. Les ruptures temporelles engendrent ainsi une syntaxe filmique formée de manques que le spectateur aura soin de suturer. La délinéarisation engendre une structure narrative à l’image d’une traversée de sédiments temporels tels des fragments, qui se déposent strate après strate. Si dans un premier temps la structure donne la sensation d’une temporalité unique et isochronique à l’image de la « fabrique du continu », il n’est plus question par la suite que de juxtapositions de temporalités. Le récit est éclaté, pulvérisé. Et en conséquence, le traitement narratif de Desplechin insiste-t-il sur le rapport « a-causal », incalculable, mystérieux et peu compréhensible des actions humaines. Le refus de la chronologie, perturbé par un jeu de simultanéités, rend compte des accidents de la vie que les réminiscences révèlent. En cela, la thématique latente d’un monde incertain et de la peur de vivre pour rien s’incarnent. Or donc, l’enrichissement narratif tend à la complexité, si ce n’est parfois à l’abstraction. Les propos du romancier Alain Robbe-Grillet, chef de file du Nouveau Roman dans les années soixante, résument pertinemment cette idée de la littérature classique bouleversée et renouvelée :

« Tous les éléments techniques du récit – emploi systématique du passé simple et de la troisième personne, adoption sans condition du déroulement chronologique, intrigues linéaires, courbe régulière des passions, tension de chaque épisode vers une fin, et cætera – tout visait à imposer l’image d’un univers stable, cohérent, continu, univoque, entièrement déchiffrable. Comme l’intelligibilité du roman n’était pas mise en question, raconter ne posait pas de problème. L’écriture romanesque était innocente. Si la désagrégation de l’intrigue n’a fait que se préciser au cours des dernières années, elle avait déjà cessé depuis longtemps de constituer l’armature du récit. Raconter est devenu proprement impossible. »9

En outre, aux juxtapositions des niveaux de récits répond une logique de non-raccord du montage. En effet, la représentation du réel apparaît semblable à celle que propose le « cubisme analytique » en 1909, qui avait pour volonté de réinventer et de reconstruire la réalité en passant par la décomposition des plans et la présence simultanée de différents points de vue. Pour exemple, les plans d’Esther en scène à la toute fin du film (Esther Kahn), qui se brisent en facettes, aboutissant à une représentation non mimétique de la pièce d’Ibsen. Tout semble placé sur le même plan lors de ses premiers pas, où se mêlent divers points de vue (mises au point variant du flou à la netteté) et dont on cherche l’ancrage émetteur. L’hésitation quant au point de vue provoque le dédoublement d’Esther. Elle se désolidarise de son corps. Elle est un personnage qui, de prime abord, ne croit pas au réel, et à cela répondent un découpage et un montage qui fondent sa désintégration intérieure. Pour ce qui est de Léo, en jouant « Dans la compagnie des hommes », le parallèle est aussi pertinent. En effet, ce jeu de matières de nature filmique distincte, appelle ce que les œuvres cubistes engendrent dès 1912. Si elles frôlent parfois l’abstraction, l’introduction de chiffres ou de lettres au pochoir, puis du collage et du papier collé, réintroduisent le réel sous une forme nouvelle. En contrepoint à la logique cubiste du visuel, les matières sonores (musique, sons, voix) participent à l’enrichissement narratif. C’est comme s’il fallait absolument l’habiter d’une manière ou d’une autre et diviser le récit en autant de morceaux musicaux et sonores qu’il y a de moments de vie. Un conte de Noël propose une mélodie pour presque chaque personnage : jazz des années 1940/1950 pour Yvan, notes indo-chinoises pour Junon, ballade irlandaise pour Henri, complainte yiddish pour Faunia ou air mélancolique pour Elizabeth. Cette matière sonore globale tient donc un discours parallèle. S’y ajoutent les voix over du narrateur externe et du narrateur interne qui recouvrent les images, alors que l’instance narrative externe donne la sensation paradoxale d’épurement, presque comme si le récit était murmuré à l’oreille du spectateur. Par ailleurs, si la musique apparaît tels des lambeaux sonores, c’est qu’elle est représentative de la désintégration du Moi dans l’éparpillement et le fugitif. A dilater ou à condenser la matière temporelle des récits, le cinéaste rend palpable les émotions, les rythmes ou les ambiances, et démultiplie les « possibles ».

Durée de la conscience et mémoire(s)

A l’image de la narration des films d’Alain Resnais, l’histoire racontée chez Arnaud Desplechin échappe à la naïveté du monde de l’enfance pour atteindre la complexité du monde des adultes. Le monde n’est pas un, il est multiple. Aussi, dilater, condenser, monter, fragmenter, raccorder répond d’une autre manière à la logique de la discontinuité romanesque. Le travail cinématographique d’Arnaud Desplechin aurait-il des allures de temps brahmsien par sa densité d’éléments, ainsi que celles d’un temps digne de la musique de Debussy grâce à une structure narrative désintégrée ? Ce goût pour le fragment, l’hétérogène et le multiple entre en résonance avec cette réflexion de Michel Imberty qui oppose au « temps brahmsien, épais, homogène et continu, le morcellement du temps chez Debussy »10. Brahms et Debussy ont chacun à leur manière renouvelé l’art musical. Brahms construit une musique romantique, traduisant la nostalgie de l’enfance et la mélancolie du passé, en intégrant des principes classiques (le contrapuntique et le souci des proportions) à la création contemporaine. Sa musique se modernise en accord avec la pensée schumannienne d’un langage nouveau qui confond l’âme avec la poésie. Debussy quant à lui établit de mystérieuses correspondances entre nature et imagination. La mise en perspective de la narration hybride d’Arnaud Desplechin avec cette musique autant constituée de formes fixes que de ruptures et d’éparpillements est pertinente.

Mais alors que les films présentent à la fois une durée diégétique globale de quelques jours, quelques mois, voire années, ils ne sont jamais isochroniques (soit le temps du récit n’est pas égal à celui de l’histoire). Pour ce point, évoquons la vitesse du récit. Mathias (La Sentinelle), étudiant en médecine légale, arrive en France via l’Allemagne. Il ne se doute pas qu’un homme rencontré dans le train lui a déposé un étrange colis. Dans sa chambre d’hôtel, il se lave les cheveux. L’eau continue de couler tandis qu’il s’essuie la tête et allume une cigarette, allant de la salle d’eau à la chambre. Il se saisit d’une valise et la pose sur le lit. Nous tournant le dos, il se reflète dans le miroir. Il y découvre un linge blanc enveloppant une forme ronde. Tel un indice, un gros plan montre cette masse mystérieuse. Mathias s’éloigne de la valise, reste debout un temps, un tee-shirt en main. Le plan d’après, il l’a revêtu. Désormais de profil, il est assis sur son lit. Il tend le bras sur le côté qu’un mouvement de caméra et un zoom accompagnent. En gros plan, le tissu blanc se déroule jusqu’à ce que nous identifiions une tête humaine (fig. 1). Sa main tremble, il se lève pour s’asseoir le long du mur (fig. 2). Suit un gros plan de la tête recouverte du linge alors que nous l’avions quittée découverte. Soudain, le son du téléphone déclenche l’action. Mathias, qui jusqu’alors n’était pas dans le champ visuel, se réveille en sursaut et rampe au sol pour répondre. Il a saigné du nez (fig. 3). Ces plans elliptiques dévoilent un traitement temporel singulier révélateur d’une subjectivité (fig. 4). Ils reproduisent l’état intérieur du personnage. Ce n’est pas le suspens de la scène à proprement parler qui est mis en avant mais un montage formel identique à la respiration humaine. L’accroissement de la durée des ellipses figure le choc psychique que vit l’étudiant. Par ailleurs, les jeux de miroirs indiquent un dédoublement non seulement physique mais également mental. Mathias n’arrive plus à être un individu unifié. La durée n’est plus uniquement une donnée objective, mais elle est subjective. C’est la durée de la conscience. L’écoulement du temps désigné par la durée notifie par conséquent le passage du virtuel à l’actuel, du passé au présent, du souvenir à la perception, de l’inconscient au conscient, de l’esprit ou de la mémoire à la matière. Chaque récit est une conscience ouverte au sein duquel le flux de la mémoire devient un jeu d’émergences multiples, un souvenir en appelant un autre. La poétique du rythme est articulée par la dynamique d’un élan et d’un posé, où se retrouvent la relance et la scansion même. Mieux, une conscience flottante et mouvante dont le caractère illimité de la narration figure le psychisme (morcellement, fragments, associations d’idées), tandis que le motif de la clôture est représenté par sa mise en récit, en corps (organisation, continuité, contenant). Car, si la mémoire n’est pas la faculté qui serait donnée à l’esprit, ne nomme-t-elle pourtant pas la synthèse même en quoi consiste le temps ? Celle de retenir les moments et donc de les unifier, de les synthétiser ? Comment montrer que l’œuvre d’Arnaud Desplechin est bien dans le temps alors que le romanesque joue contre le temps ?

Désintégration psychique, réel et double théâtral

Souvent les personnages ont l’illusion de percevoir le monde de façon appropriée mais en fait les deux évènements qu’ils perçoivent ne coïncident pas. On a précédemment noté que cette narration renvoyait aux vécus inconscients et qu’elle traduisait, selon Imberty, « [l]es conflits de l’intégration et de la désintégration psychique qui développent les expériences primitives opposées du temps et de la durée : continuité et harmonie où le Moi se saisit comme unité dans la variété de ses ressentis ; discontinuité chaotique où il est submergé et ne parvient plus à s’identifier dans les divers changements qui le bouleversent et le dissolvent »11. Les deux personnages principaux de Rois et Reine répondent à cette notion. En effet, au personnage de Nora correspond « continuité et harmonie », à celui d’Ismaël une « discontinuité chaotique ». De Nora émanent le mélodrame classique, la tragédie aussi bien que le nappé narratif et l’apaisement intérieur. Ismaël est mû par des tensions, des passions qui le mettent hors de lui. Son existence faite de heurts à l’image du mélange de temporalités ou des ruptures visuelles et sonores du film, rend compte d’un personnage gouverné par un courant électrique alternatif ou discontinu. Incapables d’identifier ce qui les meut, les personnages chez Arnaud Desplechin tentent de détourner le regard du spectateur par leur mise en récit, ce qui les oblige à regarder ailleurs, à déplacer puis à dupliquer l’évènement. En soi, le réel immédiat ne serait compris et admis que comme l’expression d’un autre réel. Les alternances des images vidéo des répétitions et des images pellicule de la fiction de Léo, en jouant « Dans la compagnie des hommes » sont une autre façon d’exprimer une réalité jamais totalement identifiable. Ce film insère un espace théâtral, semant le doute quant à la nature de la représentation et de son commentaire. Quatorze alternances de montage d’images vidéo et d’images pellicule, dans lesquelles les mêmes mots sont parfois répétés, où les gestes et les personnages sont pris sous divers angles, tendent à la fois à renforcer l’idée exprimée et à en dénoncer la vanité. C’est la volonté propre à Arnaud Desplechin d’épuiser le sens des choses, à laquelle s’ajoute une déréalisation du monde. La séquence de la tentative de parricide est constituée de plans d’un plateau de théâtre et d’un décor réel. Le fusil est un accessoire en bois que manie Léonard, le fils, le tout sur un fond de décor peint. Le premier plan cadre Jurrieu, le père, dans sa propriété et que le faisceau rouge du fusil réel souligne. Le regard face caméra qui s’adresse à Léonard dans le sous-bois, est le plan qui opère un raccord cut sur le plateau de théâtre. Jurrieu est à la même position mais le premier plan est occupé par Léonard, invisible dans le plan de cinéma. En somme, les images (vidéo/plateau de théâtre) se lient aux images de la représentation première ainsi qu’au temps mythique, interne des personnages. Cette séquence émerge de l’esprit de Léonard, troublé par le parricide qu’il s’apprête à commettre. Est-ce qu’il désire vraiment le tuer ou est-ce une métaphore du meurtre du père ? Que veulent dire ici ces images dans ce décor peint ? Rien de théâtral dans le jeu des acteurs mais le signe qu’il est peut-être nécessaire de se tourner vers une « doublure trompeuse du réel » pour pouvoir mieux l’affronter. Ces plans de décor théâtral semblent indiquer une fêlure du temps dans la fiction autant qu’un temps mythique et personnel du personnage. Le dédoublement de l’action permet d’aller au cœur de ce pli. En définitive, à quelle temporalité le type d’écriture narrative de Desplechin correspond-il ? Si les œuvres contemporaines sont représentatives d’une non-maîtrise et d’une non-acceptation du temps, est-ce pour autant le cas pour son cinéma ?

Disons donc en regard aux travaux de Paul Ricœur12 que la temporalité, et plus particulièrement la mémoire, n’est pas qu’une simple alluvion dans le lit narratif de Desplechin, mais aussi une force agissante. Elle est partie intégrante de cette construction faite de stratifications au sein de cette discontinuité. La mémoire agit quant à elle comme un noyau attractif qui non seulement retient à elle, mais encore transforme la masse du récit constitué. La mémoire a cette puissance synthétique et cohésive. Elle est en cela à même de contrer toute réduction psychologisante et crée un sédiment du souvenir, capable de transformer la linéarité en épaisseur. En effet, la lecture replie en plans superposés la linéarité et les lignes se densifient alors en un matériau intrigant. Arnaud Desplechin arrive à nous faire toucher du regard cette terra incognita qu’est le cerveau, par un système narratif complexe, ample et structuré, épousant en cela les chemins escamotés de la mémoire humaine. Toutefois, il n’y a aucun lien avec une œuvre qui se veut à la recherche du temps perdu. Le cinéaste cherche le moment où l’obturateur de l’appareil photographique se referme sur son sujet, pour en capter ce qui est nécessaire à la construction et à la compréhension globale du récit. Peut-on de ce fait percevoir son système narratif comme une forme qui agit contre le temps en le figeant en un éternel présent, ou bien doit-on l’entendre comme une forme qui refuse clairement le temps ? Enfin, peut-on concevoir ce système narratif différemment, à savoir qu’il se réconcilie avec le temps, sujet à démultiplications, à variations qui unissent plus qu’elles ne le contrarient ? Ces trois figures temporelles (opposition / dénégation / réconciliation) aussi perpendiculaires qu’entrecroisées permettent d’appréhender plus précisément encore la question du temps. Concernant la figure de l’opposition, il faut prendre en compte le fait que c’est une tendance à « [l]’isolement des divers matériaux du texte où règnent la séparation, la distinction, la coupure, l’individualisation, parcellisation, mutilation, démembrement, en un mot l’absence de liens manifestes »13.

Le premier niveau de la structure narrative entre en résonance avec cette citation. Pour rappel, la structure narrative de Desplechin est un combat entre l’éclatement et la liaison, entre la discontinuité et le continu afin de traduire au mieux le foisonnement et la complexité humaine. Aussi, le premier niveau est-il le reflet du romanesque littéraire bâti sur le caractère rétrospectif de toute vie. Il est morcelé, fragmenté : il est question d’accumulation de scènes séparées, distinctes, coupées, parcellisées, mutilées, démembrées, et donc sans lien apparent. Outre le caractère littéral de la notion, les enjeux narratifs liés aux ruptures laissent supposer que la forme est de l’ordre de l’opposition. Elle semble contre le temps. Arnaud Desplechin casse le nappé, le continu et par conséquent la linéarité, la chronologie, en dispersant les morceaux de son récit. L’éclatement narratif est un parfait écho à cette notion. Cependant, le système narratif pris dans son entier révèle une comparaison en partie caduque. En effet, la « fabrique du continu » qui définit le second niveau invalide cette figure. Le besoin est d’ordonnancer, d’organiser, de lier ces strates narratives. La dénégation (ou le refus temporel) se met « [à] l’abri du temps en dégradant les horloges, ayant une tendance à la régularité, la progression linéaire continue, à l’emboîtement, aux faux redoublements de la clôture spatiale par une fermeture à tous les niveaux du texte »14. Le concept d’emboîtement semble répondre à ce parallèle, mais très vite, on s’aperçoit qu’il n’en est rien. Serait-il donc question de se réconcilier avec le temps ou du moins de feindre la réconciliation ? Ce qui sous-entend de décliner une combinaison « [d]’articulations, de tous genres ; en se multipliant à rassembler, à rapprocher, à réunir jusqu’à confondre les différents éléments en présence. C’est une accumulation des coordonnants, une abondance de procédés répétitifs. La progression du texte est assurée non selon des modalités d’exclusions ou de causalité mais des modalités d’assimilation »15. Cette dernière figure est en adéquation avec la temporalité questionnée. Il s’avère que le système narratif d’Arnaud Desplechin montre par un jeu de juxtapositions et d’accumulations de type visuel, sonore et filmique, un ensemble qui se coordonne parfaitement. Pour ce qui est de la répétition de procédés, il faut le comprendre comme une réutilisation de ceux-ci et non comme une itération pure. En effet, les quelques occurrences repérées ne sont pas suffisantes pour en inférer une conclusion. Par contre, les réutilisations et répétitions à distance mettent en évidence l’idée d’un « work in progress », d’une progression du texte qui se dégage et qui émerge d’une assimilation des matériaux divers. La temporalité révèle donc divers agencements arborescents, mettant en évidence l’affrontement interne à la narration, alors que nous étions partis de l’opposition entre un temps brahmsien, épais, homogène et continu et le morcellement temporel d’un Debussy. Quant à la quête de sens que les personnages abordent par une fictionnalisation d’eux-mêmes, elle révèle une possible maîtrise de leur existence.

1 Thierry Jousse, « Comment je me suis disputé d’Arnaud Desplechin », Cahiers du cinéma, no 502, juin 1996, pp.  54-55.

2 Antoine De Baecque, « Le livre ouvert », Cahiers du cinéma, no 503, juin 1996, pp.  26-29.

3 « Vous êtes truffaldien dans votre façon de faire » dit Serge Toubiana à Desplechin, dans l’émission Grande traversée : « François Truffaut – L’Homme cinéma », France Culture, juillet 2008.

4 Parmi ses thématiques, évoquons la mort (La Vie des morts, France, 1991 ; La Sentinelle, France, 1992 ; Rois et Reine, France, 2004), la peur de ne vivre pour « rien » (Comment je me suis disputé… ; Léo, en jouant « Dans la compagnie des hommes », France, 2003) ou bien encore la question des origines, qui innerve tous ses récits. Quant aux échos narratifs et dramatiques, citons pour exemple les références explicites à quelques pièces de Shakespeare dans Léo, en jouant « Dans la compagnie des hommes », Rois et Reine et Un conte de Noël (France, 2008).

5 Selon l’étude de Jean-Paul Goux (La fabrique du continu, Seyssel, Champs/Vallon, 1999), la fabrique du continu s’entend ici comme un vecteur de continuité.

6 Dans Un conte de Noël, les scènes de train reliant Paris à Lille sont montées en jouant sur l’alliance des dialogues nerveux des protagonistes avec le rythme syncopé de la musique de jazz et s’approchent en cela de la scène d’ouverture de Manhattan (Etats-Unis, 1979) de Woody Allen. De même, les thématiques de la souffrance corporelle et psychique, de la somatisation des corps et du lien comme source de problèmes qui irriguent la filmographie de Desplechin entrent en écho avec le travail de Bergman. Quant à Resnais, la thématique clef est celle relative au fonctionnement du cerveau, de la conscience, de la mémoire que Desplechin explore à son tour et diversement selon ses films.

7 Notons qu’une similitude est effective entre les héros masculins de Truffaut et ceux de Desplechin : on peut parler d’une dimension maladive ou d’une virilité blessée, ainsi qu’une forme de folie et de vaillance. Par ailleurs, il est permis de voir en Amalric une sorte d’alter ego de Desplechin (voix, gestuelle, physique) comme Léaud (dans le rôle de Doinel) pour Truffaut.

8 Michel Chion, La Ligne rouge, Chatou, Les Editions de la Transparence, 2005.

9 Alain Robbe-Grillet, Pour un nouveau roman, Editions de Minuit, Paris, 1961, p. 152.

10 Michel Imberty, Les Ecritures du temps, sémantique psychologique de la musique, Paris, tome 2, Dunod, 1981, p. 78.

11 Id., p. 213.

12 Voir Paul Ricœur, La Métaphore vive, Paris, Gallimard, 1969.

13 Jean Burgos, Pour une poétique de l’imaginaire, Paris, Seuil, Collection « Pierres Vives », 1982, p. 126.

14 Ibid.

15 Ibid.