François Bovier, Cédric Fluckiger

Capitaine Thomas Sankara (2013) de Christophe Cupelin : archives et inconscient politique

Plus de vingt-cinq ans après l’assassinat de Thomas Sankara, figure qui a insufflé et porté la révolution burkinabé de 1983, Christophe Cupelin réalise un film de montage à partir d’archives de cette période. Cinéaste atypique, cofondateur de la structure indépendante genevoise Laïka Films, Cupelin a réalisé entre autres films Kononga en 2006, moyen métrage tourné en Super-8 dans le village éponyme, au nord du Burkina Faso. Assemblage de séquences centrées sur les habitants de Kononga, ce film expose les effets de la désertification sub-saharienne, dressant un constat sans appel, avec en contrepoint sur la bande-son des solos de guitare électrique « préparée » de Fred Frith (protagoniste de la scène de l’improvisation libre dans les années 1980). A l’occasion de son dernier projet, Cupelin revient sur les années précédant le coup d’Etat de Blaise Campaoré en 1987, actuel président du Burkina Faso, tenant ainsi une chronique révolutionnaire par archives interposées.

Archives et travail de la mémoire

Le parti pris de Cupelin dans Capitaine Thomas Sankara (Suisse, 2013) est d’exclure tout entretien avec des protagonistes ou témoins de la Révolution burkinabé, comme il avait pourtant songé à le faire au début de son projet. De même, il a finalement renoncé à intégrer des images tournées sur les lieux par lui-même1 – ou peu s’en faut : il filme la plaque de l’avenue Président Thomas Sankara à Ouagadougou, vestige du gouvernement révolutionnaire précédent. Il s’en tient dès lors à un montage d’archives, provenant de différents médias et sources, sans adjonction de commentaires en voix over de sa part. Sur ce point, le film de Cupelin se distingue des documentaires réalisés sur le même sujet, tels que Thomas Sankara, L’Homme intègre (Robin Shuffield, 2006) ou Fratricide au Burkina : Thomas Sankara et la France Afrique (Didier Mauro et Thuy-Tiên Ho, 2007)2. L’intérêt de ces documentaires qui empruntent le format du reportage télévisuel est indéniable, notamment dans leur volonté de retracer chronologiquement les faits sans point de vue partisan. Mais ces reportages, dont la visée est informative et pédagogique, se caractérisent par un point de vue didactique et une énonciation impersonnelle (recours à la voix over, utilisation de cartes géographiques, etc.) : il s’agit d’articuler un discours à l’intention du spectateur à partir d’archives, subordonnant ainsi leur factualité à un propos « humaniste » et occidental.

L’enjeu de Capitaine Thomas Sankara, selon nous, est d’opérer un travail de mémoire à partir d’archives, en s’en remettant à leur propre discours et signifiance. En ce sens, le film de Cupelin vise à ramener à la surface une Histoire dont les traces ont été délibérément détruites et effacées par le pouvoir de Campaoré. Ce montage d’archives, qui sont le plus souvent présentées dans leur durée intégrale, sans coupes qui articuleraient un discours pédagogique, stigmatise la politique postcoloniale de la France depuis l’indépendance en 1960 jusqu’à la présidence de Mitterrand (la « Françafrique », telle qu’elle est analysée par François-Xavier Verschave3). Dans l’articulation de ces archives, le montage de discours politiques et d’actions publiques de Thomas Sankara a pour effet d’amplifier l’héroïsation de ce personnage, qui devient un support d’identification pour le spectateur. Ainsi, Sankara, figure de la révolution, habillé en treillis militaire, accompagné de quelques camarades, notamment de Blaise Campaoré, va en toute fraternité à la rencontre de villageois, avant de prononcer un discours – le tout accompagné de la voix over d’un journaliste français. Face à un micro, il harangue la foule, en un plan large (où on le discerne à peine, à cause de la mauvaise qualité des images) ; suite à une coupe, recadré en plan très rapproché, il poursuit son discours comme s’il s’adressait personnellement à chaque membre de l’assemblée, avec enthousiasme et empathie. Nouvelle coupe, Sankara énonce quelques éléments de son programme avec entrain et conviction (rappelant que le peuple doit prendre son destin en main). Un panoramique balaie l’assemblée. Retour sur la harangue de Sankara : un militaire, se joignant à lui, poursuit ce discours à ce même micro, dénonçant les maris réactionnaires, les petits et les grands patrons, les détourneurs de fonds et les voleurs, avant de citer en conclusion, en l’une des langues autochtones, la devise de la révolution : « La patrie ou la mort : nous vaincrons ! » En agençant cette séquence avec une autre où Sankara prend place, certes toujours en treillis, à côté de Mitterrand lors d’une conférence de presse, Cupelin expose la différence d’énonciation entre le révolutionnaire dans son milieu et le gouvernant en position d’infériorité qui fait face à la mécanique implacable de la (post)colonisation.

Le projet de ce film s’inscrit dans une démarche militante, sans que l’on puisse parler pour autant de film militant dans le sens strict du terme : il s’agit d’opposer à l’oubli entretenu institutionnellement des images qui ont la valeur indéniable des faits. Les archives audio-visuelles sont ainsi investies comme « l’inconscient politique »4 d’un pouvoir qui a renié la figure héroïque de sa propre révolution. Le film a pour ambition de provoquer un retour du refoulé, en recréant un personnage révolutionnaire emblématique, investi de l’aura du mythe. Aussi ne s’agit-il pas seulement de dresser un portrait historique de l’homme politique, en suivant la chronologie des faits : Capitaine Thomas Sankara construit un personnage révolutionnaire qui suscite la sympathie du spectateur (il roule en Renault 5 et touche un salaire modeste, il prend à parti les hommes de pouvoir occidentaux et milite aussi bien pour l’autonomie du Burkina Faso que pour la cause des femmes), mais surtout qui apparaît comme le porte-parole de toutes les revendications anti-impérialistes et anticoloniales. Le film revêt par certains aspects un caractère fantasmatique ou légendaire, ce qui est particulièrement manifeste dans le traitement antinaturaliste des archives (nous reviendrons sur la fonction de la colorisation des images et sur le choix de la musique qui contreviennent au caractère de « documentation » historique du projet). On peut dès lors se demander si ce film n’est par prioritairement destiné aux Occidentaux.

Une structure dialogique

La question de la provenance des archives visuelles et sonores se pose en des termes aigus, l’énonciation constituant ici un enjeu en termes de modes de représentation. On ne saurait simplement parler de film « coup-de-poing »5, et encore moins de film « inséré dans une lutte »6. Il faudrait plutôt convoquer comme horizon de référence le « film de compilation » dont les origines remontent à l’URSS des années 1920 selon Jay Leyda7, où il s’agit de remonter des séquences d’origines diverses pour retracer un événement historique. Ou plus précisément, même s’il ne s’agit pas à proprement parler d’un genre ou d’une catégorie, il faudrait évoquer ici le « film artistique d’archive »8 : car, dans de telles pratiques, il ne s’agit pas seulement de dénoncer une situation ou de proclamer un programme, mais encore d’articuler ce propos à travers une forme construite – qui informe les archives, dont la présence fait par ailleurs l’objet d’une prolifération dans l’art contemporain9.

Quoi qu’il en soit, le point de départ du film de Cupelin repose sur une absence et un manque : la Télévision Nationale Burkinabé (TNB) n’aurait conservé aucune archive de la période de Sankara au pouvoir. Dès lors, le problème auquel se heurte tout documentariste qui veut aborder la Terre des Hommes intègres, tel que Sankara avait renommé la Haute-Volta, est ici non seulement mis à nu mais encore érigé en sujet même du film : comment retracer le parcours et les propos de Thomas Sankara ? A travers quels points de vue et sources d’énonciation ? Où trouver une parole authentique, qui ne ferait pas l’objet d’une distorsion par le biais des filtres de représentation des mass media occidentaux ? Certes, Cupelin n’évite pas complètement l’écueil d’une fascination pour un point de vue « indigène » ou des archives « autochtones », érigés en alternative au regard occidental. Mais il a le mérite d’articuler consciemment différents points de vue. Une large part des archives provient de reportages et de journaux de la télévision française (France 2) et, dans une moindre mesure, de la Radio Télévision Suisse (RTS). Dans ces cas, l’instance d’énonciation, à savoir le présentateur du téléjournal, est donnée à voir en tant que discours orienté idéologiquement, notamment en introduisant le générique du journal avant l’annonce de l’assassinat de Sankara. En contrepoint, s’inscrivent des documents militants, conservant leur caractère d’anonymat, mais aussi des archives de la TNB ainsi que d’autres sources issues du Burkina Faso, qui ne sont pas censées exister.

Cette structure dialogique (informations occidentales, informations burkinabé, documents bruts) a pour effet de mettre au centre du discours la parole même de Sankara, qui balaie par sa verve militante et sa rhétorique imagée le discours soi-disant neutre des médias. Ce qui nous paraît tout à fait remarquable dans cette perspective, c’est la mobilisation d’une étude ethnolinguistique qui met en évidence le bestiaire animalier dans les discours politiques de Sankara : une liste d’animaux qualifiés d’adjectifs, soulignée en rouge (« dindons gonflés », « hiboux au regard gluant », « hyènes apeurées », « loups affamés », « oies sauvages », « pintades orgueilleuses », « renards terrorisés »), illustre la prise de parole de Sankara, dans une séquence qui acquiert une valeur réflexive et métadiscursive – le film reproduisant un article paru dans Genève-Afrique, qui analyse le lexique issu de la Revue gouvernementale Armée du peuple10. La structure polyphonique de Capitaine Thomas Sankara ne porte pas uniquement sur l’articulation de prises de paroles ; elle est encore redoublée – ou plus précisément dissociée – par l’inscription d’éléments scripturaux à travers différents niveaux : des cartons qui comportent des citations de Sankara tapées à la machine, des voix qui rapportent des extraits de textes (notamment La Voix des vaincus de Jean Ziegler) ou qui empruntent le canal d’une émission radio de France-Inter (Rendez-vous avec X), ainsi que des coupures de journaux.

Du détournement critique au comic strip

La gageure, ou le coup de force, aurait consisté à assembler ces archives sans aucune intervention, en s’en remettant à leur potentiel d’expressivité et à leur historicité. Le recours à la colorisation d’archives vise certainement à mettre à distance et à critiquer les discours (post)coloniaux – toutefois, ce geste s’apparente plus à une réaction d’humeur qu’à une réflexion politique. L’hypothèse de lecture avancée par Olivier Barlet11, qui convoque la bande dessinée pour rendre compte du traitement des archives dans le film, paraît bien plus probante que le souci archivistique repéré par Thomas Sotinel12 : la déformation ou l’effet d’étrangéité qui sont ici visés, combien même s’inscrivent-ils dans une « tradition » du cinéma de found footage (où il ne s’agit pas tant d’accentuer la dégradation de l’archive originale métamorphosée en espace fantasmatique, comme dans le travail de Bill Morrison, que de déconstruire l’« obscénité » du dispositif télévisuel, comme dans le film démonstratif de David Rimmer As Seen on TV13), s’apparentent à une négation du dispositif télévisuel. Ainsi colorisés, le visage des présentateurs du téléjournal ou les images de reportages télévisuels sont détachés de leur ancrage mondain, à travers un effet de déréalisation qui évoque l’univers factice de l’animation plutôt que les procédés du virage ou du teintage de la pellicule. L’articulation des archives, le plus souvent citées dans leur intégralité, compose un récit édifiant. Le montage retrace les actions de Sankara à la tête de l’Etat de 1983 à 1987, procédant par succession d’épisodes thématiques (campagnes d’autonomie alimentaire, de reboisement, de redistribution agraire des terres, semaine de la femme, chantiers de construction, opération de vaccination) ou de prises de paroles (discours de Harlem lors de son voyage à New York, discours à l’Onu), parfois introduits par une citation qui s’inscrit sur un carton. A deux reprises, s’agissant des relations de Sankara à l’URSS et à la conquête de l’espace d’une part, à Khadafi et à la Lybie d’autre part, Cupelin procède par construction de séquences narratives, en recourant ponctuellement à la technique de l’animation, exacerbant de façon productive l’effet comic strip dû au traitement des archives. La séquence lybienne est remarquable de ce point de vue. Le montage évolue de l’assemblage de reportages ou de téléjournaux centrés sur les discours et les déplacements de Sankara à des séquences plus abstraites, illustrant le vol présumé d’une voiture puis d’un Boeing 727 au régime de Kadhafi par le biais de l’animation : en rouge, un train d’atterrissage d’un avion se découpe sur un fond bleu, comme dans une toile de Lichtenstein ; un avion miniaturisé se déplace sur un fond jaune, comme dans un dessin animé ; etc.

Dans un autre ordre d’idée, le recours à une voix over narrative tirée de Rendez-vous avec X de Patrick Pesnaut, émission de France-Inter aujourd’hui encore diffusée, entre en porte-à-faux avec les archives assemblées à l’écran. Le commentaire, dans son extériorité flagrante par rapport au statut de document des images, a tendance à les réduire à la fonction de simples illustrations, contredisant ainsi le discours du protagoniste du film, à savoir Thomas Sankara, qui fait précisément le procès de la politique postcoloniale, sous toutes ses formes. Le choix de la musique peut également surprendre : la présence récurrente de morceaux de The Ex – groupe post-punk expérimental des années 1980 – vise certes à rompre avec une illustration musicale pittoresque, mais apparaît comme plaquée arbitrairement sur ces images (l’association, subjective et empathique, n’est pas motivée historiquement et contextuellement).

Malgré ces réserves, Capitaine Thomas Sankara est un film exemplaire, qui reconstitue une leçon d’histoire que le gouvernement de Campaoré n’est pas parvenu à définitivement oblitérer. L’intérêt du film de compilation ou de remontage, par rapport aux documents issus de la révolution (procès verbaux, lois, discours, etc.), aux recherches et aux études ultérieures qui empruntent le biais de l’écrit, est de donner à voir et à entendre un acteur de la révolution dans le contexte à travers lequel il évolue – ainsi tel regard désapprobateur ou tel geste « paternaliste » de Mitterrand envers Sankara à l’occasion du Sommet de Vittel prennent-ils un relief tout particulier, renvoyant à une situation postcoloniale dont nous ne sommes pas encore sortis.

1 Voir le dossier de presse Capitaine Thomas Sankara, un film de Christophe Cupelin, Genève, Akka Films & Laïka Films, janvier 2014.

2 Nous pourrions tout aussi bien renvoyer aux reportages qui recueillent les témoignages des proches de Sankara, tels que La Famille Sankara (2012) d’Abdoulay Diallo et Gedeon Vink (avec Blandine et Valentin Sankara). Signalons également parmi les productions attachées à cette figure révolutionnaire Capitaine Thomas Sankara, requiem pour un président assassiné (1988) de Didier Mauro et Marie Roger Biloa. Pour un aperçu de la documentation audio-visuelle autour de Thomas Sankara, voir le site web qui lui est consacré : http://www.thomassankara.net/.

3 Voir Jean-François Verschave, La Françafrique, le plus long scandale de la République, Paris, Stock, 1998.

4 Voir Frederic Jameson, L’Inconscient politique. Le récit comme acte socialement symbolique, Lyon, Questions théoriques, 2012, traduit par Nicolas Vieillescazes [The Political Unconscious. Narrative as a Socialy Symbolic Act, Ithaca, Cornell University Press, 1981]. On aurait pu tenter une analyse du film dans les termes d’une « contre-histoire de la société », telle qu’articulée par Ferro (Marc Ferro, « Le film, une contre-analyse de la société », Annales ESC, vol. 28, no 1, 1973, pp. 109-124). Mais cette lecture encourt le risque de minimiser la fonction du montage, qui fait émerger la dimension oppositionnelle de certains épisodes réprimés par le gouvernement de Campaoré.

5 Dans son compte-rendu du festival Black Movie, Pascal Gavillet décrit Capitaine Thomas Sankara comme un « film coup-de-poing » (Pascal Gavillet, « Fréquentation en hausse de 15 % pour ‹ Black Movie › », Tribune de Genève, 28 janvier 2013). Le film de Cupelin a d’abord circulé dans des festivals, à travers différentes versions (en 2012 : Visions du réel, Nyon ; Festival du film de Locarno ; DocBsAs, Buenos Aires ; DOK Markt, Leipzig : Festival dei Populi, Florence ; en 2013 : Black Movie, Genève ; Journées de Soleure ; Thessaloniki Documentary Festival ; Forum Social Mondial, Tunis ; Vues d’Afrique, Montréal ; en 2014 : Festival du film européen, Institut français du Bénin, Cotonou). Son exploitation commerciale en Suisse romande aura lieu en septembre 2014.

6 Les films militants, « insérés dans une lutte », sont conçus comme une arme ou un instrument de contre-information, et non comme une œuvre autonome (ils sont le plus souvent inscrits dans un dispositif énonciatif plus large, qu’il s’agisse de débats publics, d’Assemblée générale d’une entreprise en grève, etc.). Sur ce point, voir notamment Sébastien Layerle, Caméras en lutte en mai 68 : Par ailleurs, le cinéma est une arme, Paris, Nouveau Monde Editions, 2008. Sans aucun doute, Capitaine Thomas Sankara est étranger à une telle pratique : le film de Cupelin vise à réactualiser des archives, à travers un montage dont la forme est pensée comme signifiante.

7 Voir Jay Leyda, Films Beget Film : A Study of the Compilation Film, New York, Hill and Wang, 1964. Leyda prend comme modèle princeps du film de compilation La Chute de la dynastie Romanov (URSS, 1927) d’Esfir Choub.

8 Voir Sharon Sandusky, « The Archeology of Redemption : Toward Archival Film », Millenium Film Journal, no 26, 1992, pp. 2-25. Pour une discussion critique de ce concept, voir Christa Blümlinger, Cinéma de seconde main : esthétique du remploi dans l’art du film et des nouveaux médias, Paris, Klincksieck, 2013, trad. par Pierre Rusch et Christophe Jouanlanne, pp. 83-84 [première édition : Kino aus zweiter Hand. Zur Ästhetik materieller Aneignung im Film und in der Medienkunst, Berlin, Vorwerk 8, 2009].

9 Voir notamment Hal Foster, « An Archival Impulse », October, no 110, automne 2004, pp. 3-22.

10 P. H. Euphorion, « Du langage animalier en politique », Genève-Afrique, vol. 26, no 2, 1988. Cette terminologie est issue de la Revue gouvernementale Armée du peuple, nos 000-1983, 1-1983, 5-1984, 6-1984 (voir Jean Godefroy Bidima, Théorie critique et modernité négro-africaine : de l’Ecole de Francfort à la « docta spes africana », Paris, Publications de la Sorbonne, 1993, p. 269, note 68).

11 Olivier Barlet, « Capitaine Thomas Sankara de Christophe Cupelin », Africultures, 16 août 2012 (http://www.africultures.com/php/index.php%A0?nav%A0=article&no%A0=10929 Barlet présente en ces termes le film : « Que reste-t-il de Sankara, si ce n’est son corps ? Essentiellement sa parole. C’est de ce parti pris que part le film. […] Une heureuse ambiguïté s’installe […], renforcée par le côté déjanté des colorisations d’archives, le goût généralisé pour l’imagerie et un rythme global qui font davantage penser à la bande dessinée qu’à un portrait historique ».

12 Thomas Sotinel, « Thomas Sankara, une icône cinématographique », Le Monde, 5-6 août 2012. Sotinel, qui souligne la dégradation des sources citées, l’interprète en ces termes : « L’image se décompose à l’écran et le spectateur se trouve élevé au rang de chercheur, poussé à reconstituer la réalité qui se cache derrière ces mouvements fantomatiques. On dirait que le réalisateur a exacerbé cette sensation en coloriant certaines images ».

13 Sur le projet archéologique de Bill Morrison, voir notamment André Habib, « Le temps décomposé. Ruines et cinéma », Protée, vol. 35, no 2, automne 2007 (Richard Bégin, Bertrand Gervais et André Habib (éd.), « Imaginaire des ruines »), pp. 15-26. David Rimmer, dans As Seen on TV (1985), manipule, à travers le filtre déformant de la télévision (lignes de balayage de l’image, solarisation), la texture et la couleur d’images empruntées à différentes sources, suivant un geste critique (en amalgamant le dispositif télévisuel à l’absence de distance caractéristique de la pornographie).