François Bovier, Sylvain Portmann

Révolte et réclusion dans les premiers longs-métrages de Werner Herzog

Dans ses deux premiers longs-métrages – Signes de vie (Lebenszeichen, R.F.A., 1968) et Les Nains aussi ont commencé petits (Auch Zwerge haben klein angefangen, R.F.A., 1970) –, Werner Herzog s’attache à mettre en scène la folie et la réclusion. Dans l’univers mis en scène, le désœuvrement provoque la perte de tout repère, conduisant les protagonistes à se retrancher dans un milieu isolé. Les films ne fonctionnent néanmoins pas de la même manière, le premier recourant à des techniques dramaturgiques classiques (progression linéaire du récit et de l’évolution des personnages) et des référents clairs (personnages incarnant une certaine normalité contrastant avec l’état du héros), alors que le second est d’apparence plus ouverte, représentant un groupe humain au fonctionnement autarcique et irrationnel.

Rupture et retranchement

Le personnage principal de Signes de vie, un soldat allemand en convalescence en Grèce pendant la Seconde Guerre mondiale, ne supporte pas l’inaction ; déniant les signes apparents de sa folie, il rompt tout lien avec son entourage pour se barricader dans une forteresse qui est utilisée comme un terrain d’artifice à la fin du film. La presqu’île fortifiée devient le lieu d’où le soldat Stroszek donne des signes de vie à l’extérieur, ceux-ci s’apparentant à autant de marques de démence, ultime moyen de communication unilatérale (nulle réponse, ni réaction ne sont attendues). Le retranchement hors de la société permet à la folie de se manifester sous une forme isolée, comme dans une expérience en laboratoire : la forteresse permet de mesurer l’ampleur de sa folie.

Le deuxième long-métrage de Herzog présente un univers carcéral qui ne se limite pas aux murs de la maison de correction dont les nains se sont évadés, ayant contraint leur responsable à se barricader, avec le meneur de la rébellion pris en otage. Le parti pris de Herzog dans Les Nains aussi ont commencé petits consiste à abolir l’idée de liberté hors des murs et la notion même d’extériorité à la folie : la maison de correction s’apparente à un asile d’aliénés dont on ne peut s’échapper, en l’absence de tout lieu de normalité (les non-nains n’ont pas accès à cet univers exclusif) ; laissés à eux-mêmes, les nains transgressent toute convention sociale, parodiant une procession religieuse ou dévastant la table d’un repas parmi nombre d’autres exactions. La maison de correction et ses alentours (une île volcanique, traversée par une route conduisant à Dolores Hidalgo) constituent un non-lieu, ou plus précisément un espace d’enfermement.

Points de vue

Le mode de focalisation des deux films diffère radicalement. La principale scène de folie dans Signes de vie repose sur une focalisation interne, plutôt conventionnelle pour cette séquence à l’esthétique stylisée ; dans Les Nains aussi ont commencé petits, le point de vue est multiple, polycentré, bien que se situant toujours à la périphérie proche du groupe formé par les mutins – à cet égard, le film dans son intégralité constitue une scène de folie partagée.

L’accablement dû à la chaleur durant une ronde vaine au sein d’un espace désertique constitue l’embrayeur de la folie du protagoniste de Signes de vie. Filmés en caméra subjective, des moulins à vent tournent inlassablement. L’image présente un fort contraste noir et blanc et l’espace est aplani par l’utilisation du téléobjectif (le son est composé d’applaudissements déformés électroniquement). Stroszek, tel un Don Quichotte désœuvré, tire sur les moulins avec son fusil, la scène symbolisant la vanité de son combat imaginaire (fig. 1 et 2). La seconde scène de crise est provoquée par le sentiment de trahison ressenti par Stroszek, lorsque sa folie est attestée par ses compagnons d’armes et sa femme (qui lui propose de consulter un médecin). Ils en viennent aux mains, et Stroszek tire maladroitement dans leur direction. S’ensuit une course-poursuite en plan large à travers le fort, accompagnée d’une musique légère qui confère à la séquence un aspect comique et distancié. L’inefficacité des coups de feu qui ne blessent personne, alors que les poursuivis sont toujours à portée du forcené, crée un décalage avec la situation étouffante qui avait vu naître le conflit. Après la fuite, le protagoniste se retrouve seul : lieu de défense, la forteresse devient le support de l’expression d’une révolte contre l’autorité dont l’issue est sans appel. L’autodestruction gagne non seulement le personnage mais plus généralement l’espace : Stroszek dilapide les munitions stockées dans le fort, à travers un geste de dépense constituant une dérisoire apothéose visuelle et sonore.

L’univers de référence de Signes de vie est littéral, les scènes d’emportement et de déraison étant justifiées par le récit et la psychologie du personnage : l’irraison est ponctuelle, et répond à une logique clinique. Il n’en est pas de même dans Les Nains aussi ont commencé petits où la folie est généralisée, le film reposant sur un enchaînement de situations paroxystiques, sans les intégrer de façon ordonnée. Ce mode de focalisation acentré, mobile et flottant, constitue selon nous la singularité de ce film pour le moins éprouvant (Herzog n’hésitant pas à parler de cauchemar pour décrire son film1).

Le ricanement des nains

La volonté de Herzog, en tout cas dans Les Nains aussi ont commencé petits, est de provoquer le public. S’il met bien en œuvre un dispositif que l’on pourrait qualifier de scandaleux, Les Nains aussi ont commencé petits n’a pas connu de large retentissement public, si l’on se fie à la réception critique lors de sa première diffusion, qui est mitigée et clivée2. La représentation crue, le recours systématique à la difformité – seuls y jouent des nains – et un mode d’allégorie dont le sens n’est pas spécifié, tout contribue à un effet de monstruosité permanent, suivant la logique de l’attraction (ce qui a pour effet de réduire la narration à une série de numéros et de performances qui s’enchaînent sans temps morts) : il s’agit d’exhiber, de faire voir (monstro) une anormalité, en se situant du côté de l’« obscène » au sens de Bataille (qui se caractérise selon lui par une « obstination à vivre à l’extrémité des limites »3). La difformité n’est pas seulement le thème du film (comme l’on peut parler d’un thème musical) ; c’est aussi son principe constructif et son univers de référence, relevant d’un théâtre de la cruauté.

Plusieurs critiques comparent le film de Herzog à Freaks (Tod Browning, E.-U., 1932)4, qui repose sur l’opposition entre une galerie de monstres – nains, homme-tronc, cul-de-jatte, siamoises et femme à barbe – et une beauté classique et inaccessible, tout en jouant sur un principe d’inversion : le véritable monstre, c’est la jeune première. Herzog, quant à lui, généralise la monstruosité et la difformité, sans morale explicite – il semble se borner à l’exposition d’un univers concentrationnaire. Un autre référent qui a pu être convoqué5 est Zéro de conduite (Jean Vigo, France, 1933), qui met en scène la rébellion d’enfants contre leurs professeurs (notamment un proviseur nain). Las Hurdes (Luis Buñuel, Espagne, 1933) constitue selon nous le modèle le plus probant : le film de Buñuel se caractérise en effet par un regard surréaliste porté sur un monde primitif, monstrueux, ignorant la raison et les règles de la socialisation. Certes, la comparaison a ses limites : Herzog ne mobilise à aucun moment les codes du cinéma documentaire. Financé par Ramon Acìn, un anarchiste de la CNT (Confederación Nacional del Trabajo), le film de Buñuel, porté par le commentaire de l’écrivain surréaliste Pierre Unik, et la photographie dépouillée d’Eli Lotar, repose sur un réalisme truqué, qui multiplie les scènes à caractère horrifique : la misère et la sénilité précoce des paysans de cette région reculée de l’Espagne sont soulignées, l’équipe de tournage n’hésitant pas à intervenir sur le profilmique, par exemple en tirant sur une chèvre ou en ouvrant avec les mains la bouche d’une miséreuse afin d’en observer la cavité buccale(fig. 3). Cette cruauté est au cœur des Nains aussi ont commencé petits, Herzog n’hésitant pas à filmer une truie tuée par les nains que ses pourceaux continuent à téter ; le leitmotiv de la poule tuée par ses congénères dans le film de Herzog déplace et réactualise l’une des premières séquences de Las Hurdes, où de jeunes mariés arrachent des têtes de coqs. Le commentaire de Pierre Unik, déclarant : « Les nains et les crétins sont en grand nombre », pourrait servir de légende au film de Herzog. Pourtant, il ne s’agit pas là d’un phénomène d’intertextualité mais d’un point de vue commun, soit un attrait pour la désolation, la morbidité, et un processus de déshumanisation, indissociable d’une critique voilée du totalitarisme.

L’isolation et l’absence de communication avec le monde extérieur constituent une condition nécessaire à ce processus d’aliénation : Las Hurdes est une région retranchée du reste du monde, tandis que le tournage des Nains aussi ont commencé petits se déroule à Lanzarote, aux îles Canaries. Significativement, le film de Herzog s’ouvre sur un nain prisonnier, qui est photographié et identifié par la police, répondant aux injonctions d’une voix off ; le reste du film constitue ainsi un flashback, retraçant la révolte des nains qui cherchent à libérer leur meneur Pepe. Cette première scène scelle le caractère inéluctable du film, l’issue de la révolte étant d’emblée connue. De lents panoramiques parcourent un paysage désolé, dans lequel s’inscrit l’établissement où le drame se joue. Une photographie authentifie les lieux : il s’agit d’une maison de correction, à proximité de Dolores Hidalgo, dont les différents bâtiments sont désignés par des flèches. Cet arrêt sur image prolonge et déplace la séance de photographie d’un prisonnier, campant les lieux de la rébellion d’un point de vue détaché et objectivant. Cette cartographie des bâtiments concourt également à marquer le caractère retiré et isolé de ce milieu : il s’agit là paradoxalement d’un huis-clos qui se déroule en extérieur. Les Nains aussi ont commencé petits rompt par la suite irrémédiablement avec ce processus de mise à distance du point de vue et de localisation des lieux de l’action. La bande-son du film alterne entre les ricanements et les propos entrecoupés des nains, et deux chants folkloriques. Ces chants – par leur caractère exotique et inquiétant – n’ont pas qu’une fonction rythmique ou de ponctuation du film : leur absence d’ancrage renforce encore l’irrationalité de l’enchaînement des scènes.

Carnavalisation et profanation

Le comportement du groupe de nains se caractérise par son irrévérence, qu’il s’agisse de porter un singe vivant en croix ou de lancer des poulets vivants dans le bureau du responsable de la maison de correction (le tournage ne va pas sans dangers, le nain pris en otage, attaché à une chaise, ne manquant pas de recevoir des éclats de verre). D’autres actions sont dénuées de finalité, reposant sur des tours d’adresse des nains, comme lorsqu’il s’agit d’être traîné sur un tapis par une voiture qui tourne en rond sans conducteur – on ne saurait mieux signifier le caractère vain et circulaire du récit, implacable et impossible à interrompre. Le film se présente comme une allégorie du totalitarisme, en reproduisant la répétitivité et l’absence de finalité des tâches caractéristiques de l’univers concentrationnaire, comme Hannah Arendt l’avait bien mis en évidence6. Mais la critique n’est pas ici spécifiée (quel régime, système ou dictature Herzog vise-t-il ? Quelle est donc son intention ?), et – fait plus troublant encore – les actions se déploient en dehors de toute instance de surveillance ou de pouvoir, les prisonniers étant pour ainsi dire libérés de leurs chaînes. Certains critiques ont vu dans ce film une critique des événements de Mai 68 et du mouvement de soulèvement de la jeunesse, ou même une stigmatisation de son inutilité7. Sans aller jusqu’à cette extrémité (aucun élément ne nous permet par ailleurs d’attester une allusion de Herzog à la révolution étudiante en Allemagne en 1967), on ne peut que relever le caractère apocalyptique et sans appel du film, dépourvu de toute référence sociohistorique précise. Le principal ancrage énonciatif du film repose sur le point de vue aberrant et excentrique des nains, ce qui explique le caractère faussé, distordu et aliénant du monde représenté, qui se constitue en un mode allégorique indéterminé. Ce regard de guingois s’exprime avec exemplarité lorsque les nains cherchent à ouvrir le loquet d’une porte et à atteindre sa poignée, les perspectives et la mesure du monde mis en scène dans le film étant déformées par la petitesse des nains. Le mode allégorique diffus des Nains aussi ont commencé petits se spécifie à l’occasion d’une scène qui met en abyme l’exhibition des nains dans un contexte forain : une naine sort de sa boîte différents scarabées travestis en humains (fig. 4), à qui elle attribue des fonctions sociales déterminées, et qu’elle fait passer de mains en mains. Le regard entomologique qui est ici convoqué présente une fausse clef de lecture du film qui s’avère finalement déceptive, en l’absence de référent premier dans ce système d’enchâssement : il n’y a pas de regard extérieur diégétisé qui se porte sur l’univers des nains. La scène allégorique est ici désincarnée, en l’absence de sens ou de message à articuler, le processus de la personnification ne reposant sur aucun substrat ou figure – si ce n’est des insectes amassés par une collectionneuse qui a substitué à la scène de la vie un théâtre miniature anthropomorphisé mais morbide.

La cruauté est constamment de mise parmi les nains, qui reproduisent une hiérarchie reposant sur la taille. Ainsi, les deux plus petits nains sont contraints à s’accoupler, suite à une parodie de cérémonie de mariage. Introduits de force dans la chambre à coucher des éducateurs, ils se dirigent, avec gêne, vers le lit nuptial ; à nouveau, la disproportion du mobilier par rapport à leur taille entrave l’action (fig. 5). Hombre, le « marié », utilise comme marchepied les revues érotiques qu’il trouve dans la chambre, et ne parvient pas à se hisser sur le lit. L’absence de communication – nul ne songe à aider l’autre – et l’impossibilité de toute affection entre les personnages sont ici mises à nu ; le voyeurisme est exacerbé, mais sans possibilité d’amorcer, ne serait-ce qu’imaginairement, l’acte sexuel. L’aspect burlesque de la scène est contrecarré par le pathétique de la situation : comme souvent, le ton grotesque et le mode de la mascarade sont neutralisés par la vacuité de la scène – le sadisme indéniable des voyeurs et du film ne parvenant pas même à se fixer sur un objet. L’impuissance des nains à maîtriser les situations auxquelles ils sont confrontés, qu’il s’agisse d’une performance nuptiale ou d’une rébellion généralisée, les conduit à se comporter en pervers : l’acte charnel ne pouvant être accompli, les nains se replient sur des magazines érotiques (fig. 6). Ne parvenant pas à destituer frontalement l’éducateur, ils cherchent à le blesser via un substitut : à travers une logique de dépense stérile, les nains mettent le feu à son objet fétiche, un palmier, pour ensuite l’abattre. Le feu porté contre tout élément vital gagne l’ensemble de la représentation, notamment dans les scènes où des pots de plantes imbibées d’essence sont incendiées. Le motif de l’arbre mort est le signe déclencheur de la manifestation de la folie de l’éducateur : s’enfuyant après avoir maltraité son otage, il rencontre sur son chemin un arbre desséché, dont les branches lui apparaissent comme un bras tendu à l’index qui le désigne (fig. 7). Relevant l’affront de cette instance autoritaire imaginaire et fantasmatique, il ordonne à l’arbre d’abaisser son bras et de renoncer à cet ordre intimé ; l’index pointé, il met au défi la branche de maintenir sa pose plus longtemps que lui. Là encore, l’allégorie est patente – notamment dans sa référence à l’irrévérence du geste de pointer du doigt une personne, voire dans son allusion au salut du Führer. Mais une fois de plus, le mode allégorique est suspendu, se réduisant à une simple injonction qui ne prête pas prise à l’interprétation, ni au discours.

Ce geste d’adresse et de défi – qui manifeste une incapacité à comprendre et interpréter le monde qui lui fait face – est prolongé et déplacé à travers la séquence finale du film, qui se caractérise par sa cruauté et sa bestialité : un dromadaire tente alternativement de s’agenouiller ou de se relever. Cet épilogue est implacable, impitoyable : les pattes fracturées, le dromadaire oscille entre la position agenouillée et levée, ultime symbole d’un monde aberrant ; déféquant, il constitue le motif passif avec lequel Hombre interagit. Secoué d’un rire convulsif, d’un ricanement hystérique, toussant, s’étouffant à moitié, Hombre repart en francs éclats de rire, le film s’achevant ici sur ces entrefaites. La durée de la séquence insiste sur le caractère forcé du rire, que le comédien ne parvient pas à soutenir, l’action se prolongeant douloureusement : il s’agit là d’un ricanement sans fin, dont le caractère factice renvoie à l’ensemble des scènes sans échappatoire possible du film.

Théâtre de la cruauté

Ce théâtre de la cruauté, esquissé dans Signes de vie, est rendu explicite dans Les Nains aussi ont commencé petits, où le dérèglement, généralisé, est porté à son comble. Il est probablement imputable à la troupe d’acteurs, dont le jeu se cantonne au mode de la performance. La métaphore au centre de la conférence « Le théâtre et la peste », prononcée par Antonin Artaud en 1933, repose sur l’homologie de structure entre le foudroiement impitoyable, la gratuité frénétique et le caractère indiscriminé de la peste, et un théâtre total8. Herzog y fait peut-être indirectement référence dans Nosferatu (Nosferatu : Phantom der Nacht, R.F.A., 1979), lorsque Klaus Kinski débarque à Wismar avec une armée de rats. Quoi qu’il en soit, la « liaison magique, atroce, avec la réalité et le danger »9 décrit aussi bien le théâtre de la cruauté d’Artaud que la scène asphyxiante des Nains aussi ont commencé petits. Certains propos d’Artaud pourraient être appliqués directement au film de Herzog, traduisant une volonté de surcharger la représentation : « Et, de même qu’il n’y aura pas de répit, ni de place inoccupée dans l’espace, il n’y aura pas de répit, ni de place vide dans l’esprit ou la sensibilité du spectateur. C’est-à-dire qu’entre la vie et le théâtre, on ne trouvera plus de coupure nette, plus de solution de continuité. »10

Néanmoins, le caractère monstrueux des Nains aussi ont commencé petits ne correspond pas strictement à l’obscénité revendiquée par Bataille, reposant sur une « expérience intérieure »11, qui est notablement absente de l’univers factice des Nains aussi ont commencé petits. L’imagerie transgressive du film semble aujourd’hui se réduire au plan désormais emblématique où Hombre chevauche une moto filmée en contre-plongée (fig. 8), symptôme du fait que Les Nains aussi ont commencé petits se limite à un effet de surface. Ce long-métrage pourrait être considéré comme inaugural dans le système démiurgique de Herzog au vu de son ambiguïté politique. Il ne met néanmoins pas en jeu un processus d’héroïsation, qui sera au centre des films ultérieurs de Herzog, reposant sur des figures charismatiques et romantiques.

1 « J’ai fait ce film comme pour me délivrer d’un cauchemar, d’un mauvais rêve. » (Nourredine Ghali, « Werner Herzog : ‹comme un rêve puissant› », Jeune Cinéma, no 31, septembre-octobre 1974, p. 12).

2 Carrère évoque le caractère tranché de la réception, lui-même se positionnant dans la catégorie des opposants au film (Emmanuel Carrère, Werner Herzog, Paris, Edilig, 1982). Le film fait principalement l’objet de commentaires à l’occasion de sa présentation lors de festivals (voir les comptes rendus dans Cinéma, Ecran, Jeune Cinéma, Revue du Cinéma/Image et son ou encore Positif, en français ; et les recensions dans New York Times, Film and Filming, Take One, Movietone News ou encore Sight and Sound en anglais – on trouvera la liste des articles consacrés au film sur le site de Werner Herzog : www.wernerherzog.com).

3 George Bataille, L’Abbé C, Paris, Minuit, 1950, repris in G. Bataille, Œuvres complètes, vol. 3 : Œuvres littéraires, Paris, Gallimard, 1971, p. 359. Sur ce point, voir Agathe Simon, « Georges Bataille : l’obscène et l’obsédant », La Voix du regard, no 15, automne 2002, pp. 19-24.

4 Selon Jean-Jacques Dupuich (« Les Nains aussi ont commencé petits », Revue du cinéma/ Image et son, no 267, octobre 1973, pp. 260-261), le distributeur des Nains aussi ont commencé petits faisait référence à Freaks comme source d’inspiration.

5 Bernard Cohn (« Les Nains aussi ont commencé petits », Positif, no 119, septembre 1970, p. 30) oppose la « véritable révolte » de Zéro de conduite aux excès factices des Nains aussi ont commencé petits. Il cite également Freaks comme précédent.

6 Voir Hannah Arendt, Sur l’antisémitisme. Les origines du totalitarisme, Paris, Calmann-Lévy, 1973 [The Origins of Totalitarism, New York, Harcourt, Brace and World, 1951].

7 Herzog affirme par ailleurs que l’opposition la plus virulente que son film a rencontrée était le fait de « la gauche dogmatique qui croyait que ce film tournait en dérision la révolution mondiale qui rencontrait l’échec et qui se soldait par la destruction et des catastrophes » (cité dans Brad Prager, The Cinema of Werner Herzog : Aesthetic Ecstasy and Truth, Londres/New York, Wallflower Press, 2007, p. 56 [notre traduction]).

8 Artaud y définit le théâtre en ces termes : « la gratuité immédiate qui pousse à des actes inutiles et sans profit pour l’actualité » (Antonin Artaud, Le Théâtre et son double, Paris, Gallimard, 1985, p. 34 [première édition : Paris, Gallimard, 1938]). Et il précise : « Si le théâtre essentiel est comme la peste, ce n’est pas parce qu’il est contagieux, mais parce que comme la peste il est la révélation, la mise en avant, la poussée vers l’extérieur d’un fond de cruauté latente par lequel se localisent sur un individu ou sur un peuple toutes les possibilités perverses de l’esprit. » (id., p. 44).

9 Antonin Artaud, « Le théâtre de la cruauté » (premier manifeste : octobre 1932), Le Théâtre et son double, op. cit., p. 137.

10 Antonin Artaud, « Le théâtre de la cruauté » (second manifeste : 1933), op. cit., p. 195.

11 Voir George Bataille, L’Expérience intérieure, Paris, Gallimard, 1943.