Adeena Mey

Art contemporain et paracinéma : Rosa Barba, Juliana Borinski et David Maljkovic

Qu’elles soient explicites ou allusives, le recours aux méthodes du paracinéma des années 1960 occupent une part croissante au sein du « tournant cinématographique » de l’art contemporain. À partir de l’analyse de l’œuvre de trois artistes – Barba, Borinski et Maljkovic – cet article tente de questionner les discontinuités et les liens généalogiques entre les pratiques historiques du paracinéma et celles, contemporaines, qui semblent les réactualiser. Il s’agit alors de comprendre ce qu’implique le déplacement de telles stratégies – de prime abord formel – dans leurs dimensions théorique, politique et spatiale.

Suite à l’accroissement de la présence du « cinéma » dans le champ de l’art contemporain dont témoignent les classifications taxinomiques telles que « post-cinéma »1, « cinéma d’exposition »2, « troisième cinéma »3, ou le vocable plus sobre de « film d’artistes », un spectre de pratiques artistiques contemporaines fait écho à une série d’expérimentations rattachées aux diverses formes d’« élargissement des arts », synthétisé par George Maciunas dans son « Expanded Arts Diagram » en 19664. En ce qui concerne la forme cinématographique, cette interaction s’observe à l’endroit même où le cinéma éprouvait ses propres limites. Les stratégies mises en œuvre par certains praticiens de l’art contemporain, bien qu’ils ne se réclament pas explicitement de cet héritage, reconduisent, prolongent ou dévient certaines modalités historiques de déconstruction ou d’analyse du dispositif cinématographique « classique » ou du « matériel cinématographique » lui-même. Le mode de dépassement du médium filmique auquel nous pensons est le « paracinéma », lui-même parfois considéré comme une sous-catégorie du cinéma élargi5. Si ce dernier renvoie à une constellation d’expérimentations qui délogent l’événement de la projection de sa manifestation mono-écranique conventionnelle, en recourant à la multiplication des écrans et à la performance, le paracinéma, quant à lui, désigne un ensemble de productions qui, par des procédés de dissection du dispositif, mettent en relief ses composantes matérielles, techniques, ou encore phénoménologiques : le projecteur, la pellicule, la lumière projetée, le temps6. Toutefois, les deux types de pratiques sont liées dans la mesure où toutes deux procèdent d’une relocalisation spatiale et institutionnelle du cinéma et de ses matériaux.

La migration du cinéma dans les espaces muséaux et les galeries, ou plus simplement, la présence accrue de l’image en mouvement dans ces lieux, est l’objet d’un débat accru, nourri principalement par le discours de critiques et de curateurs et, dans une moindre mesure, d’universitaires. Cette discussion est largement centrée autour de trois problématiques : premièrement, la question de la temporalité et de la durée des œuvres, avec pour corollaire, les enjeux liés à la participation du public et à la façon dont il appréhende ou consomme l’image7 ; deuxièmement, celle qui émerge de la tension résumée, par exemple, à travers l’idée de « querelle des dispositifs » formulée par Raymond Bellour (ou la salle obscure contre le « white cube »)8 ; et finalement, les dissensions qui touchent à la question du celluloïd ou à la matérialité du film et qui font poindre une démarcation entre mondes de l’art et du cinéma. En effet, la présence des supports « originaux » au sein des expositions d’art répond à une logique d’indifférenciation entre le numérique et l’analogique, dont la raison est avant tout économique. Par ailleurs, en rejouant la dialectique entre « nouveaux » et « anciens » médias, cette entrée du matériel filmique (ré-)auratise l’œuvre et inscrit le film dans un régime d’unicité et de non-reproductibilité9.

Cependant, ces débats font à ce jour largement l’impasse sur toute une série de travaux et d’installations qui, bien qu’ils s’ancrent dans le soi-disant « tournant cinématographique » de l’art contemporain, ne recourent pas nécessairement à l’image mouvante en tant que telle10. Aussi, cet essai propose-t-il de discuter les pratiques de Rosa Barba, Juliana Borinski et David Maljkovic, trois artistes contemporains dont le travail réinvestit certains paramètres du paracinéma. L’enjeu est de comprendre la réactualisation de stratégies esthétiques situées et définies historiquement – le dépassement de la spécificité du médium telle que formulée par Clement Greenberg, qui dans le cas du cinéma signifie une contestation de sa définition par son appareillage – dans le contexte des paradigmes artistiques, discursifs et institutionnels qui caractérisent cette « cinématisation » de l’art, pour tenter de saisir les liens généalogiques parfois flous qu’entretiennent les démarches de Barba, Borinski et Maljkovic avec l’histoire du cinéma expérimental.

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Associé à Ken Jacobs et à une frange de ses travaux performatifs dans lesquels l’image cinématographique résulte d’une ou de plusieurs projections qui font l’économie de la pellicule (connus sous le nom Shadow Plays et de Nervous Magic Lantern), le paracinéma, dans sa postulation d’un positionnement adjacent, d’un « à côté », décrète la possibilité du cinéma en dehors de sa modalité d’existence et de sa « distribution » au sein du dispositif « classique ». De plus, bien que recourant à des moyens alternatifs au projecteur et à la pellicule, le paracinéma est, selon Jacobs, « parallèle », et bien « équivalent » aux autres formes d’art cinématographique11. L’idée que le « cinéma » existe purement et simplement, en dehors de toute contingence ou protocole matériel, technique, institutionnel et spectatoriel, trouve son expression la plus puriste chez un autre cinéaste, rattaché comme Jacobs au cinéma structurel, Hollis Frampton. En effet, pour ce dernier, tout phénomène est « paracinématographique » dès lors qu’il partage un élément avec le cinéma, entendant par là, « modulable en fonction de l’espace et du temps »12. D’ailleurs, chez Frampton, cette vision du paracinéma se réalise en pratique comme en théorie, à l’occasion, par exemple, de sa conférence-performance A Lecture (1968)13 et dans le cadre de « Pour une métahistoire du film : notes et hypothèses à partir d’un lieu commun », texte dont la teneur théorico-fictionnelle n’en est pas moins programmatique puisqu’il posait les bases conceptuelles de son projet Magellan dont l’ambition était, ni plus ni moins, de refaire l’histoire du cinéma14.

Que le paracinéma, dans la version de Jacobs, consiste à redistribuer les éléments du cinéma dans un dispositif alternatif à celui conceptualisé par la théorie homonyme, ou, suivant Frampton, qu’il propose une épistémologie (se manifestant sous la forme du projet métahistorique et sous celle du « film infini ») du temps et de l’espace, les enjeux sous-jacents reposent sur ses possibilités d’interrogation des multiples déclinaisons des éléments fondamentaux du cinéma en autant de dispositifs, avant, pendant et après lui. Toutefois, du point de vue des logiques académiques et disciplinaires, organisées – pour le résumer grossièrement – autour de méthodes dont l’usage sert à la réalisation d’un telos, le paracinéma, comme épistémologie, se redouble en un trouble épistémique. Récemment, le terme a fait l’objet d’une actualisation dans le champ des études filmiques, par Jonathan Walley. À partir d’une lecture d’installations de Paul Sharits, Walley signale dans sa pratique un passage du flicker film à ce qu’il appelle un « cinéma primaire, élémentaire » (elemental primary cinema), qui entretient des liens avec Long Film for Ambient Light (1975) d’Anthony McCall – pièce d’une durée de 24 heures, composée d’une pièce dans un loft vide, d’une ampoule suspendue en son centre, de feuilles de papier blanc réfléchissant la lumière, ainsi que d’un schéma indiquant la temporalité de la pièce et ses « notes sur la durée » (Notes on duration) qui critiquent la séparation des arts temporels de la peinture ou de la sculpture. Walley propose la définition suivante du paracinéma :

Le paracinéma renvoie à un spectre de phénomènes considérés comme ‹ cinématographiques › mais qui ne sont pas incarnés à travers les matériaux traditionnels du film. Les travaux filmiques que j’aborde reconnaissent l’existence de caractéristiques cinématographiques en dehors du dispositif cinématographique standard et, en conséquence, rejettent la prémisse d’une spécificité du médium au centre de la plupart des théories et pratiques essentialistes selon lesquelles le cinéma se définit par cette spécificité.15

Pour Walley, la paracinéma intensifie et dépasse le modèle du cinéma structurel en ne créant pas tant un « modèle atomisé des processus cinématographiques », selon la formule de David James, qu’un « modèle atomisé du concept de cinéma dans son intégralité »16. De plus, opérant parmi la diversité des entreprises de subversion de la spécificité du médium et du modernisme greenbergien, Walley rapproche le paracinéma de l’art conceptuel qui, de façon analogue aux démarches identifiées par la critique Lucy Lippard comme procédant d’une « dématérialisation de l’art »17, s’accomplit en abordant le cinéma comme « idée » – et non plus comme appareillage technique – c’est-à-dire en le dématérialisant. Ainsi, parallèlement à sa proposition de reconsidérer le rôle du médium filmique – à l’ère du post-médium qui, selon Krauss que cite l’auteur, nécessite sa réinvention ou un retour vers la peinture, la sculpture, le cinéma18 – Walley suggère de rendre le paracinéma « lisible, c’est-à-dire de rendre son écriture possible » : « Lui attribuer un nom et une place au sein des dimensions conceptuelles et institutionnelles d’un mode de production filmique qui a participé à façonner l’histoire du cinéma, c’est un geste qui permet d’inscrire le paracinéma au sein des études filmiques. »19

Dans The Place of Artists’ Cinema20, Maeve Connonlly rapproche l’appropriation du concept de paracinéma par Walley de ses propres interrogations : en l’occurrence, les articulations entre les dimensions spatiales et sociales du film d’artistes dans les différents contextes de l’art contemporain – le musée, les biennales, les foires d’art, ainsi que les commandes réalisées dans des lieux publics ou les projets spécifiques à un site (site specific). En effet, de par son statut « transitionnel », le paracinéma offre un ancrage généalogique alternatif aux histoires linéaires qui font du cinéma expérimental ou de l’art vidéo les précurseurs du film d’artistes. Connolly note par ailleurs que Long Film for Ambient Light, qui fonctionnait dans les années 1970 comme une pièce critiquant la spécificité du médium, a depuis été réinscrite dans un discours de la spécificité du site essentialisant, et a ainsi été intégrée dans le circuit de l’art contemporain21.

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Le travail de Juliana Borinski est exemplaire du point de vue d’une généalogie et des réactualisations des pratiques – du cinéma expérimental au tournant cinématographique de l’art contemporain. Des travaux comme In the Soul of Film (2010) et Mnemosigne (2012)22 prennent comme terrain d’analyse la pellicule en tant que telle, et prolongent ainsi certaines préoccupations envers la matérialité – entendue comme physicalité23 – des matériaux filmiques. In the Soul of Film consiste en une série de douze photographies produites par un agrandissement de rubans de celluloïd de telle sorte qu’apparaissent les craquelures, strates et autres creux qui révèlent, à un niveau « inframince », la topographie de la pellicule, rendue visible par une photographie SEM (Scanning Electron Microscope), procédé employé en biologie pour visualiser des bactéries. La série Mnemosigne, quant à elle, retrace l’histoire des perforations des pellicules Kodak. Cette investigation donne lieu à une charte graphique sur laquelle se succèdent croix, triangles et carrés, que l’artiste projette sous forme de diaporama. Bien que cette façon d’ordonner ces formes peut à première vue sembler décontextualisée, les différents motifs sont organisés chronologiquement. Par ailleurs, le titre fait référence à l’Atlas Mnemosyne d’Aby Warburg, un ensemble de planches photographiques récoltées par l’historien de l’art, constituant une pratique de documentation qui permettait de rendre visible à travers une méthode de classification proche du montage le travail de la pensée. Ainsi, chez Borinski, révéler la physicalité de la pellicule passe par une mise à nu radicale, plutôt que par une intervention sur ses propriétés photochimiques. Ce faisant, la visibilité s’inscrit directement dans le corps du film (le celluloïd) : prolongeant ainsi la préoccupation moderniste pour le « film pur », Borinski traduit l’analyse du médium en une archéologie du visible au sein du contexte d’exposition.

Le travail de Barba aborde également la question du matériel filmique. Dans le cadre de son exposition Vu de la porte de fond24, l’artiste a été invitée à investir « les espaces interstitiels du Jeu de Paume » : « elle s’approprie des zones du musée qui n’avaient pas vocation à accueillir des expositions. Comme il ne s’agit pas d’un simple cube blanc étanche, l’artiste est amené à réfléchir sur l’œuvre qu’elle souhaite y présenter, mais aussi et surtout, à répondre aux contraintes imposées par l’espace lui-même »25. Or, chez Barba, ce type de contraintes spatiales semblent inhérentes à sa démarche. Effectivement, dans la réalisation de ce qui a pu être qualifié par certains critiques de « sculptures-installations », Barba s’empare des différentes composantes de l’appareillage cinématographique – projecteurs 16mm, pellicule, lumière, son – mais les traite comme les unités minimales d’un langage qu’elle réarticule pour mettre en tension matérialité, image et texte. Son travail repose donc, en partie, sur la transposition et la traduction d’éléments traditionnellement associés à la sphère cinématographique au sein de l’espace d’une galerie ou d’un musée. Bien que dans le cas de son exposition au Jeu de Paume il ne s’agisse pas d’un tel lieu – elle n’en occupe que les interstices –, son intervention, constituée de plusieurs pièces, soulève précisément le problème de la présentation et du contexte d’exposition d’œuvres paracinématographiques26. La salle de cinéma située au sous-sol de la galerie27 comprend une installation elle-même composée de différents travaux – qui dans d’autres expositions ont pu être présentés de façon autonome – tout en étant intégrée au contexte de l’exposition. Stating the Real Sublime (2009) se présente comme un projecteur 16mm suspendu au plafond par sa propre pellicule qui circule au travers des griffes d’entraînement de manière continue. Placé au fond de la salle, entre l’écran et la première rangée de sièges, aucune image n’est projetée. Par contre, un faisceau lumineux produisant un rectangle blanc éclaire quelques places situées sous la cabine de projection à l’intérieur de laquelle sont suspendus des fragments de pellicule. Entre deux rangées du milieu, l’artiste a placé un large haut-parleur à pavillon rond, « assis » et orienté vers le plafond, émettant le son de conversations discontinues. De plus, la fonctionnalité première de la salle est maintenue : un film 35mm intitulé The Hidden Conference : A Fractured Play (2011), constitué de séquences montrant des statues romaines dont certaines parties sont manquantes, est projeté. Par conséquent, Barba renégocie les frontières convenues de la salle obscure en tant que contexte : elle contient en son sein les artefacts résultant d’un démembrement de l’appareillage cinématographique, tout en devenant elle-même partie de l’œuvre. En ce sens, ce que l’installation donne à voir est le cinéma comme idée, incarnée et présentée dans cette redistribution des matériaux ; le geste de Barba réalise ainsi son propre principe de remédiation.

Dans ses dimensions formelles, le travail de David Maljkovic emprunte des voies proches de celui de Rosa Barba. Son exposition intitulée Temporary Projections à la galerie Georg Kargl à Vienne28 procédait d’une dispersion des éléments architecturaux associés à la salle de cinéma – ou évoquant cette dernière – à l’intérieur des différents espaces de la galerie, certaines pièces dédiées au travail administratif ayant été investies par Maljkovic pour l’occasion et rendues accessibles au public. La dimension énonciative personnelle et critique qui informe le positionnement artistique de Maljkovic repose sur ses recherches concernant l’histoire des mouvements modernistes, en lien avec le projet socialiste en ex-Yougoslavie, tout en intégrant leur impact sur le présent et les alternatives qu’ils offrent pour le futur29. Par ailleurs, Temporary Projections peut être considéré comme l’une des transpositions possibles d’un film explorant ces intérêts, sous la forme d’une exposition. En effet, celle-ci est basée sur un film réalisé par Maljkovic – Images with Their Own Shadows (2008) – et tourné dans l’ancienne villa de Vjenceslav Richter, architecte croate et membre fondateur du collectif d’artistes Exat 51, dont le manifeste mettait en avant une vision expérimentale de l’art en opposition au réalisme socialiste, son statut d’art officiel étant perçu par les membres du groupe comme un obstacle au développement d’une société communiste. Dans ce film, le son est composé de fragments du dernier entretien avec Richter et alterne avec les voix d’un groupe, étouffées par le bruit d’un projecteur. Maljkovic a voulu restituer le chevauchement du son diégétique et du son résultant du projecteur dans la galerie qui devient l’un des principes constructifs de Temporay Projections. En effet, tout au long de l’exposition, le son d’un appareil de projection est audible, sans qu’aucun film ne soit projeté, et les différentes œuvres présentées dans la galerie – des pièces situées quelque part entre l’installation, la sculpture et l’environnement de la galerie – correspondent à autant d’images que le projecteur générerait. Dans l’ouvrage qui accompagne une autre exposition de Maljkovic, à la Secession de Vienne, la critique Annette Südbeck commente son travail en ces termes :

Dans ses installations et ses films, Maljkovic a souvent investigué les possibilités d’une interaction entre espace cinématographique et espace d’exposition. L’un des exemples les plus radicaux est offert par Temporary Projections, son installation récente développée pour la galerie Georg Kargl, dont la décomposition de la projection cinématographique en ses parties constituantes permet de diviser l’espace de l’exposition en une pièce de projection obscurcie, l’autre étant intensément éclairée. De cette façon, il devient possible pour le visiteur de pénétrer physiquement dans la structure du film. Dans ce contexte, Maljkovic lui-même décrit la projection comme un équivalent du paradigme de l’atelier d’artiste, ajoutant que « l’exposition est un cheminement entre les interstices d’une pratique artistique et notre propre participation en son sein ».30

L’intervention en question, en divisant l’étage supérieur de la galerie, produit un dispositif qui permet une double réflexivité. En effet, le visiteur peut pénétrer dans une salle obscure dont l’« écran » se révèle être une vitre teintée procurant une ouverture sur la « projection », section adjacente de la galerie qui remplit sa fonction de « white cube ». Effectivement, la scène à laquelle il lui est donné d’assister n’est autre que la déambulation des visiteurs qui, par le truchement de cette division spatiale, sont intégrés dans l’installation. De l’autre côté, une série d’artefacts arrangés par Maljkovic provoque une incertitude quant à leur statut : est-on en présence d’œuvres, de supports d’œuvres ou d’éléments infrastructurels de la galerie ? Deux tables dont les surfaces sont marquées par des tracés au feutre rouge ; deux longs rideaux blancs dont on ne sait trop s’ils font partie du contexte ou non ; enfin, ce qui de prime abord semble être une projection 16mm, bien que dépourvue d’images – en référence à Zen For Film (1964) de Nam June Paik ou Entrance to Exit (1965) de George Brecht. Seulement, dès que l’on s’approche du projecteur posé sur un socle, on réalise que seule de la lumière est projetée et que l’impression de mise en évidence de la matérialité de la pellicule et de son dépôt poussiéreux est en réalité créée par de petites vignettes épinglées au mur31. En conséquence, dans l’installation de Maljkovic, le dispositif d’exposition permet de mettre en abyme le dispositif cinématographique – tout en le décomposant et en le transformant en un assemblage autre –, cette reconfiguration mutuelle entre galerie et installation formant ce qu’on pourrait qualifier d’environnement ou d’installation paracinématographique. D’autre part – et ce, comme dans toute exposition – le visiteur déambule et regarde, tout en étant vu. Mais dans Temporary Projections, cette logique est rendue littérale par son double dispositif : la salle obscure donne à voir au spectateur le spectacle de la mobilité du sujet ou du public de l’exposition, sans être lui-même vu.

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Les gestes de Barba et Maljkovic, en renégociant les frontières entre œuvre et contexte, et en réarticulant le dispositif de la salle obscure au sein de l’espace d’exposition, mettent en relief et questionnent deux types de discours, avec lesquels, ils sont homologiquement corrélés : la théorie du dispositif cinématographique et la théorisation de l’espace de l’exposition, impliquant respectivement une formulation du statut du spectateur et de la participation du visiteur. Pour Tony Bennett, le dispositif de l’exposition émerge à peu près à la même époque, et en parallèle avec la formation de la prison du XIXe siècle comme technologie disciplinaire et de surveillance, exemple notoirement étudié par Foucault dans Surveiller et Punir32, sur lequel Bennett se base, pour en proposer une autre analyse. Bennett identifie en effet ce qu’il appelle un « complexe d’exposition » (exhibitionary complex), reposant non seulement sur le musée d’art, mais aussi sur des institutions et infrastructures telles que les musées de sciences naturelles, les arcades commerciales, les dioramas ou encore les foires universelles. Dans ce complexe, la redistribution des corps et des objets, ainsi que les nouvelles technologies de vision corollaires participent moins d’une logique d’enfermement telle que la prison l’opère, que d’un transfert et d’une monstration du pouvoir, de la sphère privée à la sphère publique33. Aussi, pour Bennett, la prison et le complexe d’exposition sont-ils les deux faces de Janus de la modernité sur lesquelles s’organise l’assemblage des corps et des objets, entre « discipline, surveillance et spectacle »34. Si ses analyses portent sur le XIXe siècle, cette triade de termes, dans la mesure où ils désignent des forces agissant sur un ensemble de relations au sein desquelles ils forgent sujets et publics, permet de formuler des questions quant à la contemporanéité de ces dynamiques au sein du dispositif d’exposition.

Chez Barba comme chez Maljkovic, les opérations de reconfiguration des dispositifs impliquent une redéfinition de leurs publics. Dans Vu de la porte de fond, si l’architecture de la salle de cinéma n’est pas modifiée en substance, cette dernière ne pouvant pas fonctionner comme un cube blanc, l’hybridité de l’intervention de Barba vient souligner la nécessité de repenser la place du spectateur-visiteur. Pour l’artiste, Stating the Real Sublime – sa pièce faite d’un projecteur suspendu par sa propre pellicule – en projetant son cadre lumineux sur un coin de la salle, dessine « un portrait pour une partie d’un public possible qui est assis là ». Par ailleurs, la présence d’un haut-parleur « posé sur un des fauteuils de la salle […] devient la représentation du public »35. En ce qui concerne Temporary Projections, nous pouvons nous référer à un texte de Yilmaz Dziewior, à propos de la relation entre « black box » et « white cube » chez Maljkovic, et au détour qu’il propose par un texte de la vidéaste et théoricienne Hito Steyerl, intitulé « Is a Museum a Factory ? ». Dziewior écrit ainsi :

[Steyerl] décrit avec perspicacité la façon dont les usines qui ne remplissent plus leur fonction de production en masse de produits de consommation sont transformées en de vastes espaces d’exposition, et comment des films militants originalement projetés dans des usines sont aujourd’hui présentés dans des musées. Steyerl montre brillamment comment, en y regardant de plus près, les musées, dans la mesure où ils reposent sur l’auto-exploitation du personnel, la production et la promotion de marchandises, peuvent être rapprochés du concept d’usine tel qu’il fonctionnait à l’époque du Fordisme. Elle soutient que « le musée ne constitue pas une sphère publique, mais qu’il s’efforce d’exposer cette impossibilité, qu’il la rend publique. Au lieu de remplir cet espace, il manifeste son absence. Mais simultanément, il expose aussi son potentiel et le désir qu’autre chose se réalise à sa place ».36

De plus, Steyerl aborde la question du public en ces termes :

Le cinéma au sein du musée requiert une multiplicité de regards qui ne sont plus de l’ordre du collectif mais du commun, qui sont incomplets, en devenir, détournés (distracted) et singuliers, mais qui peuvent être montés en des séquences et combinaisons variées. Ce regard n’est ni celui de l’individu à la maîtrise souveraine, ni celui de l’individu souverain mais désillusionné. […] Le musée comme usine et sa politique du cinéma interpellent ce sujet manquant et multiple. En exposant son absence et son manque, c’est le désir pour un tel sujet qui est activé.37

En suivant l’œuvre de Barba et la réflexion de Steyerl, on peut soutenir qu’aux visiteurs concrets des installations de la première et de Maljkovic se superpose un public virtuel, un modèle de communauté politique à-venir. En effet, autant dans Vu de la porte de fond que dans Temporary Projections, en jouant sur la triade « discipline, surveillance, spectacle », ces artistes appellent au dépassement du spectateur et à la possibilité d’un autre sujet. Bien que leurs gestes hybrident le dispositif cinématographique et celui de l’exposition, la multiplicité des activités spectatorielles induites ne sauraient s’expliquer que par la tension entre les figures du spectateur fixe des salles obscures et du visiteur mobile des musées et galeries, et les différentes temporalités à l’œuvre dans ces deux types d’espaces. Ceci fait écho à la tentative de saisir les mutations du dispositif cinématographique « après le cinéma », telles que Thomas Elsaesser tente des les formuler. Il n’y a plus opposition ou complémentarité entre la salle de cinéma et le « white cube » ; « nous sommes pour ainsi dire dans un espace ‹ gris › », écrit-il. Pour Elsaesser, l’expérience de l’image en mouvement circonscrit une quatrième série de dispositifs qu’il nomme « rencontre et événement »38. Cette dernière se définit par « l’accent mis désormais sur des paramètres tels que la temporalité, la durée, le processus, la ‹ relationnalité ›, le contact, la mobilité, l’événement et la rencontre [et] interroge les définitions traditionnelles du dispositif. [Ainsi] le cinéma aujourd’hui devrait également être considéré comme un ‹ événement et une rencontre ayant lieu ›. »39 Dans le contexte de l’art contemporain, les mutations du dispositif telles qu’Elsaesser les décrit s’alignent sur le tournant dit « social » de la pratique artistique, amorcé dans les années 1990 40. Que sa forme (ou son sens) émerge de la rencontre entre œuvre et public et forme des « micro-communautés » (l’esthétique relationnelle de Bourriaud41), qu’elle apparaisse comme installation dont le « style » reproduit celui du « social » (le style site théorisé par Ina Blom42) ou, plus généralement, qu’elle se fonde sur des modalités de participation ou de collaboration visant à produire des modèles de socialité alternatives ou simplement à produire une position de visiteur autonome43, l’œuvre à l’heure du dispositif « rencontre et événement » repose davantage sur une préférence pour ces dimensions sociales que sur un quelconque type de régime visuel – comme la projection et le positionnement scopique basé sur la perspective. Comme le décrit Maeve Connolly, des projets tels que Sun Cinema (2010) de Clemens von Wedemeyer ou Auto-Kino ! (2010) de Phil Collins, s’emparent du cinéma et de sa dimension imaginaire, pour produire des projets d’art public en se réappropriant sa fonction de rituel social et sa capacité à former des sphères publiques44.

Au vu des travaux de Borinski, Barba et Maljkovic, le tournant cinématographique de l’art contemporain nécessite d’être resitué, formellement, dans un contexte élargi qui prend en compte des pratiques ne reposant pas strictement sur l’usage d’écrans ou la projection. Par la même occasion, c’est la question de leur inscription – en continuité ou en rupture – avec les pratiques historiques du paracinéma et du cinéma expérimental en général qui se pose. Pour ne citer que son exemple, Rosa Barba a pu être qualifiée par une critique d’« espèce de structuraliste romantique »45. Mais pour reprendre la distinction de David James déjà mentionnée plus haut (et citée par Walley), le travail de Barba s’inscrirait plutôt du côté du modèle « atomisé du cinéma dans son intégralité » que de celui désormais « atomisé des processus cinématographiques » du film structurel. Par ailleurs, comme le montrent ces trois exemples, la scène contemporaine, en citant, empruntant ou en s’appropriant la grammaire du cinéma expérimental, n’en donne néanmoins pas une explication (ce qui n’est pas le rôle des artistes), le « cinéma élargi », « structurel », ou le paracinéma apparaissant comme des catégories génériques dont la fonction est de suggérer succinctement une approche analytique ou déconstructive du médium filmique. Néanmoins, décrire cette multiplicité des pratiques au sein des musées et galeries s’avère insuffisant. Dans le contexte plus large du tournant social de l’art, les questions de production du public et de subjectivation doivent donc être prises en compte en fonction de la manière dont les dispositifs cinématographiques et de l’exposition sont réactualisés. De ce point de vue, les démarches paracinématographiques contemporaines, suivant le paradigme « rencontre et événement », ne s’inscrivent pas forcément dans la continuité du para-cinéma des années 1970 ; aussi les généalogies qui restent à faire sont-elles hétérogènes, l’émergence de nouvelles positions artistiques faisant nécessairement de l’histoire, en la réactualisant, une ressource dont la nature est indéterminée. Dans le cas de l’art d’installation, le cinéma élargi est souvent considéré comme un prédécesseur, conformément à une histoire linéaire des pratiques de l’image en mouvement. Or, comme le montre bien Volker Pantenburg, il s’agit d’un présupposé qui fait fi de plusieurs paramètres qui permettent de les distinguer clairement. Pour Pantenburg, l’histoire linéaire est surdéterminée par les vecteurs suivants : une méprise sur la dimension spatiale du terme « élargi » (qui renvoie en fait à l’élargissement de la conscience) ; une incompréhension de la question de la mobilité et de la temporalité des expériences (mobilité vs immobilité) ; un malentendu quant aux différences institutionnelles et économiques des structures de production et de réception (les coopératives contre les musées) ; et finalement, une asymétrie discursive entre la sphère du cinéma qui se caractérise par la rareté des publications dédiées au film expérimental, et le monde de l’art, où la critique est largement véhiculée à travers le médium du catalogue46. Toute analyse contemporaine des réactualisations des gestes paracinématographiques doit tenir compte de ces dimensions afin de comprendre les déplacements et intersections entre ces axes – art et cinéma – et la prédisposition de ces dispositifs à être porteurs d’événementialité et à redéfinir les modalités expérientielles.

1  Voir par exemple Volker Pantenburg, « "Post Cinema ?" Movies, Museums, Mutations », Site, no 24, Residuals, 2008, pp. 4-5.

2  Le terme est attribué à Jean-Christophe Royoux, « Cinéma d’exposition : l’espacement de la durée », Art Press, no 262, novembre 2000, pp. 36-41.

3  Pascale Cassagnau, Future Amnesia. Enquête sur un troisième cinéma, Paris, Éditions Isthme, 2007.

4  Voir George Maciunas, « Expanded Arts Diagram », dans Hans Sohm (éd.), Happening und Fluxus, Cologne, Kölnischer Kunstverein, 1970.

5  Voir par exemple l’introduction de David James, dans Millenium Film Journal, no 43/4 (« Para-cinema/Performance »), été-automne 2005.

6  On consultera dans le présent numéro l’article de François Bovier sur l’articulation des pratiques « intermedia » avec la performance, ainsi que celui de Claus Gunti sur les liens entre « paracinéma » et « paraphotographie ».

7  Sur l’exposition du cinéma comme exposition du temps, voir Dominique Païni, Le Temps exposé. Le cinéma de la salle au musée, Paris, Cahiers du cinéma, 2002. Sur les questions de participation du public, voir Volker Pantenburg, op. cit.

8  Raymond Bellour, « La querelle des dispositifs », Art Press, no 262, 1999, pp. 42-52.

9  Pour une analyse de la présence et la fétichisation du celluloïd dans les galeries, voir Erika Balsom, « A cinema in the gallery, a cinema in ruins », Screen, vol. 50, no 4, 2009, pp. 411-427. Balsom examine ici la façon dont les questions de médium-spécificité et de matérialité propres à la pellicule sont réarticulées à une dimension d’obsolescence et une forme de « ruino-philie » caractéristiques d’un pan de la production contemporaine.

10  En témoigne par exemple la récente anthologie de textes sur le sujet, éditée par Tanya Leighton. Malgré la diversité des approches inclues et le large spectre d’artistes qui y sont traités, tous les essais abordent l’image en mouvement en tant que telle, que ce soit à travers la vidéo, le cinéma expérimental, le cinéma élargi, ou les films d’artistes. Voir Tanya Leighton (éd.), Art and the Moving Image. A Critical Reader, Londres, Tate/Afterall, 2008.

11  Comme il l’écrit lui-même dans un texte où il revient sur certaines de ses performances : « Ce que j’ai appelé le paracinéma, et qui inclut par exemple le théâtre d’ombres, s’accomplirait dans l’éphéméréité divine du théâtre. Richard Levine désapprouvait : pour lui, l’idée du para-cinéma, à l’instar du para-médical et du para-juridique, désignait un cinéma réduit, et non pas la réalité, pas plus qu’un équivalent du cinéma produit par d’autres moyens ou recourant au film différemment. Mais ce que je voulais exprimer était bien l’idée d’un cinéma équivalent, ou parallèle. » Ken Jacobs, « Painted Air. The Joys and Sorrows of Evanescent Cinema », Millenium Film Journal, no 43-44 (« Paracinema/Performance »), 2005, p. 40. Sauf indication du contraire, c’est moi qui traduis.

12  « Pour moi, tout phénomène est paracinématographique [paracinematic] dès lors qu’il partage un élément avec le cinéma, c’est-à-dire qui est modulable avec l’espace et le temps ». Bruce Jenkins (éd.), On the Camera Arts and Consecutive Matters : The Writings of Hollis Frampton, Cambridge, Mass., MIT Press, 2009, p. 199.

13  Voir la contribution d’Érik Bullot dans le présent volume.

14  En effet, dans sa « métahistoire », Frampton écrit : « Si nous nous sommes effectivement condamnés à la tâche comiquement convergente de démanteler l’univers pour fabriquer, à partir de sa matière, un objet appelé l’Univers, il paraît raisonnable de supposer qu’un tel objet ressemblera aux voûtes des archives sans fin du film, construites pour héberger dans le froid d’un éternel entrepôt le film infini » (Hollis Frampton, « Pour une métahistoire du film : notes et hypothèses à partir d’un lieu commun », L’Écliptique du savoir, Paris, Centre Georges Pompidou, 1999, p. 110).

15  Jonathan Walley, « The Material of Film and the Idea of Cinema : Contrasting Practices in Sixties and Seventies Avant-Garde Film », October, vol. 103, hiver 2003, p. 18. Dans cet article, le premier usage du terme paracinéma dans le cadre du cinéma d’avant-garde est attribué à Ken Kacobs.

16  Jonathan Walley, op. cit., p. 28.

17  Lucy Lippard, Six Years. The Dematerialization of the Art Object from 1966 to 1972, Berkeley/Los Angeles, University of California Press, 1997 [1972].

18  Op. cit., pp. 29-30.

19  Jonathan Walley, « The Paracinema of Anthony McCall and Tony Conrad », dans Alexander Graf et Dietrich Scheunemann (éd.), Avant-Garde Critical Studies, Avant-Garde Film, Amsterdam/New York, Rodopi, 2007, p. 379.

20  Maeve Connolly, The Place of the Artists’ Cinema. Space, Site and Screen, Bristol/Chicago, Intellect, 2009.

21  Maeve Connolly, op. cit., pp. 21-22.

22  Voir les inserts de l’artiste dans le présent numéro.

23  Sur les liens entre « matérialité », « matérialisme historique » et « physicalité » dans le contexte du cinéma structurel, voir Peter Gidal, Materialist Film, Londres/New York, Routledge, 1989, p. 17.

24  Rosa Barba, Vu de la porte de fond, Jeu de Paume, Paris, 22 mai-23 septembre 2012. Commissariat : Filipa Oliveira.

25  Filipa Oliveira, « Rosa Barba. Vu de la porte de fond », Le Petit Journal, no 94, Paris, Jeu de Paume, disponible en ligne : www.jeudepaume.org/pdf/PetitJournal_RosaBarba.pdf (dernière consultation : 31 octobre 2012).

26  C’est un raccourci, volontairement grossier, que de définir ici le travail de Rosa Barba comme paracinématographique. La question des liens généalogiques possibles entre les deux sera abordée plus loin.

27  L’emplacement du cinéma au sous-sol signale immédiatement une hiérarchisation des arts. L’exposition investissant la cage d’escalier, les recoins et les renfoncements de la galerie, l’ordonnancement séquentiel des œuvres de Barba produit bien une continuité entre les espaces proprement interstitiels et le cinéma ; mais l’assimilation de ce dernier à une interstice peut surprendre.

28  David Maljkovic, Temporary Projections, Gallery Georg Kargl, Vienne, 29 juin-13 août 2012.

29  « […] À première vue, ton travail semble éloigné de l’une des principales questions explorées dans ta pratique artistique. Tu recherches en effet l’histoire de ton pays et questionnes l’impact des conceptions modernistes dans la Yougoslavie socialiste sur le présent et les possibilités d’un futur alternatif. » Fiona Liewehr, « David Maljkovic in conversation with Fiona Liewehr », David Maljkovic. Temporary Projections, Vienne, Georg Kargl Fine Arts, 2011, p. 59.

30  Annette Südbeck, « Surfaces for the Projection of Complex (Hi)stories », David Maljkovic. Exhibitions for Secession, Berlin, Revolver Publishing, 2011, p. 82.

31  Dans la même lignée d’œuvres simulacres, mentionnons aussi Structural Film (2007) de Cory Arcangel, remake de Zen For Film réalisé en utilisant la fonction « Aged Film » de iMovie qui produit numériquement un effet de poussière et de griffures. Le « film » réalisé par Arcangel est un fichier QuickTime, transféré sur 16mm.

32  Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975.

33  Ce complexe s’inscrit dans une transition plus générale d’une société « disciplinaire » (Foucault) à la formulation par Deleuze d’une « société de contrôle ». Voir Gilles Deleuze, « Post-scriptum sur les sociétés de contrôle », L’Autre Journal, no 1, mai 1990.

34  Suivant le titre d’un des chapitres de l’article de Tony Bennett, « The Exhibitionary Complex », new formations, no 4, printemps 1988. Bennett relativise aussi l’analyse du musée d’art de Douglas Crimp qui le réduit à une fonction d’enfermement et le rapproche de la prison. Douglas Crimp, « On the museum’s ruins », dans Hal Foster (éd.), The Anti-Aesthetic ; Essays on Postmodern Culture, Washington, Bay Press, 1985, p. 45, cité dans Bennett, op. cit., p. 73.

35  Commentaire de l’artiste dans son « Portrait filmé », disponible sur : http://www.jeudepaume.org/index.php?page=article&idArt=1595&lieu=1 (dernier visionnement 30 septembre 2012). Mes italiques.

36  Yilmaz Dziewior, « Insert V », David Maljkovic. Exhibitions for Secession, Berlin, Revolver Publishing, 2011, p. 64.

37  Hito Steyerl, « Is a Museum a Factory ? », E-Flux Journal, no 7, 2009. Disponible sur : http://www.e-flux.com/journal/is-a-museum-a-factory/. (Dernier accès : 1er octobre 2012).

38  Les trois premières séries étant : « ce qu’était le cinéma » ; « le cinéma des premiers temps » ; « l’art de l’installation et l’image animée ». Thomas Elsaesser, « Le dispositif cinématographique après le cinéma », dans François Albera et Maria Tortajada (éd.), Ciné-dispositifs. Spectacles, cinéma, télévision, littérature, Lausanne, L’Âge d’Homme, 2011, pp. 39-74.

39  Id., pp. 67-68.

40  Pour le critique Lars Bang Larsen, le paradigme du social dans l’art amorcé dans les années 1990 continue à informer les pratiques actuelles – d’où le titre de son compte-rendu critique du « social turn ». Lars Bang Larsen, « The Long Nineties », Frieze, 01.01.2012, www.frieze.com/issue/print_article/the-long-nineties/ (dernier accès le 18 septembre 2012).

41  Nicolas Bourriaud, Esthétique relationnelle, Dijon, Les Presses du réel, 1997.

42  Ina Blom, On the Syle Site. Art, Sociality, and Media Culture, Berlin/New York, Sternberg Press, 2007.

43  Pour une synthèse de ces modalités, voir Anna Dezeuze, « An introduction to the "do-it-yourself" artwork », dans Anna Dezeuze (éd.), The « Do-It-Yourself » Artwork. Participation from Fluxus to New Media, Manchester/New York, Manchester University Press, 2012, pp. 1-21.

44  Maeve Connolly, « Temporality, Sociality, Publicness. Cinema as Art Project », Afterall, no 29, printemps 2012, pp. 5-15.

45  Marina Vishmidt, What You Seek is What You See : Some Reflections in Rosa Barba’s Printed Cinema, disponible sur : http://rosabarba.com/articles.php?piece=A7 (dernier accès le 8 octobre 2012).

46  Volker Pantenburg, « 1970 and Beyond. Experimental Cinema and Installation Art », dans Gertrud Koch, Volker Pantenburg, Simon Rothöhler (éd.), Screen Dynamics. Mapping the Borders of Cinema, Vienne, Synema, 2012, pp. 78-92.