Comment faire d’un artiste contemporain un auteur de cinéma ?
L’hommage de Locarno à Philippe Parreno
« Le filmique nous passionne, mais le filmique ce n’est pas seulement le film, comme le romanesque ne peut pas être réduit au roman. »1
L’édition 2010 du Festival international du film de Locarno a rendu hommage à l’artiste contemporain Philippe Parreno en proposant une rétrospective partielle de ses films2. A l’occasion de la discussion publique organisée par le festival entre Philippe Parreno et Hans Ulrich Obrist3, le curateur et actuel directeur de la Serpentine Gallery de Londres, Olivier Père, le nouveau directeur du festival, a introduit l’artiste en qualifiant la bande-annonce d’Invisible Boy (2010), le nouveau projet cinématographique de Parreno, comme comptant parmi les « plus belles images de cinéma qu’on ait pu voir cette année au festival » (fig. 1). Le travail de Parreno est ainsi présenté sans tenir compte des problèmes divers que peut poser la spécificité de sa provenance : en l’occurrence, le milieu de l’art contemporain. L’attitude décomplexée de la direction vis-à-vis d’objets qui ne correspondent pas au format du cinéma d’auteur est justifiée par Olivier Père dans l’éditorial du Pardo News, le journal quotidien du festival. Pour expliquer les « transformations » que subit le cinéma contemporain, le directeur artistique lui applique la notion générique de « transgenre »4. Ce terme n’est qu’une occurrence de plus dans la série des définitions soulignant l’« impureté »5 du cinéma. La notion de genre ne s’applique plus dans ce cas à la forme du film, à une série de codes dans lesquels il s’inscrit (film noir, comédie, film d’horreur…), mais elle s’attache plutôt à définir les contaminations réciproques, les échanges entre le milieu du cinéma d’auteur et d’autres types de productions culturelles – dans ce cas particulier, celles de l’art contemporain. Ainsi présentée, on pourrait supposer que la question du « genre » au cinéma se déplace de la définition d’un code à la question du dispositif dans lequel les films s’inscrivent. C’est alors le dispositif6 qui deviendrait le code, pour ainsi dire.
L’hommage à Parreno dans le cadre du festival peut être ressaisi à partir de deux séries : la première souligne l’attention que portent les grands festivals de cinéma à des productions issues de l’art contemporain ; la seconde évoque l’histoire des rapports que le festival de Locarno entretient avec les productions d’images animées produites dans le contexte de l’art contemporain. L’hommage à Parreno constitue une occurrence qui, bien que proche de ces deux séries, ne se réduit à aucune d’entre elles. Les films de Parreno résistent à une totale assimilation par le champ du cinéma, tout en excédant l’espace restreint de l’art contemporain ; ceci précisément car la pratique de Parreno consiste à jouer avec les codes de ces deux dispositifs distincts.
La reconnaissance des artistes devenus cinéastes par les grands festivals
Le cinéma d’auteur contemporain promu et labellisé par les grands festivals que sont Cannes, Venise, Berlin, ou Locarno, qui permettent à certains « auteurs » d’obtenir une visibilité et d’être distribués dans le circuit commercial des salles de cinéma a, ces dernières années, offert quelques-uns de ses prix à des créateurs d’images animées qui naviguent entre les espaces de monstration souples de l’art contemporain, et ceux plus rigides du cinéma commercial. Rappelons brièvement deux occurrences marquantes de cette tendance.
En 2008, le Prix de la Caméra d’Or du festival de Cannes est revenu au long métrage de fiction Hunger de Steve McQueen. Cet artiste britannique a émergé dans les années 1990 dans le contexte de l’installation et du film projeté. La réception de son œuvre s’est faite dans le champ de l’art contemporain. Hunger, produit avec le soutien financier de Chanel Four, et qui voit évoluer dans le rôle principal l’acteur Michael Fassbender, a valu à Steve McQueen une reconnaissance en tant que cinéaste auteurisé. La Palme d’Or du festival de Cannes 2010 d’Apichatpong Weerasethakul7 constitue un second exemple de cette circulation d’un artiste entre les milieux de l’art contemporain et du cinéma. Le long métrage primé, Uncle Boonmee Who Can Recall His Past Lives, fonctionne comme un objet filmique autonome projeté dans l’espace du cinéma. Mais Uncle Boonmee est aussi la matrice d’un projet vidéo plus vaste de l’artiste qui se développe parallèlement au long métrage tourné en pellicule, et qui est destiné, cette fois-ci, à l’espace d’exposition de l’art contemporain8 (fig. 2). Contrairement à McQueen, Weerasethakul est envisagé depuis longtemps dans le champ du cinéma d’auteur comme dans le champ de l’art contemporain. Dans le cas de McQueen, il faut relever le partage net entre pratiques d’artiste et de réalisateur, que ce soit au niveau de l’esthétique, de la gestion de la temporalité définie par le contexte auquel se destine l’œuvre, de la logique de production, ou de la distribution. Le cas de Weerasethakul est différent. Au niveau des outils de production, des questions d’esthétique, ou de la réception, on constate une circulation plus fluide entre ses projets destinés au cinéma traditionnel et ses installations, et une volonté de jouer avec la possibilité d’occuper les deux champs. Malgré cette différence, McQueen et Weerasethakul qui proviennent tous deux du champ de l’art contemporain conforment jusqu’à un certain degré (le Britannique plus que le Thaïlandais) leurs projets cinématographiques aux contraintes produites par le dispositif institutionnel du cinéma.
Des artistes devenus cinéastes sont primés dans les grands festivals. Cette légitimation conférée au cinéma trouve une de ses explications du côté de l’espace de l’art, dans les mutations connues par la projection d’images animées. Depuis les années 1990, le développement d’une forme de cinéma produit et distribué dans l’espace des galeries a conduit à la constitution d’un réseau de cinéma d’artiste à l’intérieur du dispositif de l’art contemporain. La standardisation de la projection de l’image vidéo qui rapproche cette dernière du format de l’image de cinéma rend le paradigme qui séparait l’art vidéo de la projection d’un film caduque. L’art contemporain, son espace d’exposition, son système de production et d’exploitation donnent à des artistes les moyens de produire des projets ambitieux qui n’ont plus de rapport avec les débuts de l’art vidéo, lorsque le support était utilisé, outre pour ses propriétés spécifiques suivant une tendance moderniste, pour son coût moindre et son aspect pratique comparé au support filmique. Les festivals de cinéma traditionnels, avec un temps de retard, viennent légitimer l’émergence de ce cinéma en le réactualisant à travers le dispositif cinématographique de la salle obscure. Le milieu de réception du cinéma fait de certains artistes des réalisateurs en leur offrant un espace de visibilité, mais aussi en leur permettant de produire des objets destinés au réseau traditionnel du cinéma d’auteur.
La vidéo et l’art contemporain à Locarno
La présence de l’artiste Philippe Parreno à Locarno mérite que l’on étudie brièvement l’histoire des rapports que le festival entretient avec les pratiques de l’image animée issues de la scène de l’art contemporain. Parallèlement, il est utile de retracer brièvement l’histoire de la projection vidéo au sein du festival. La possibilité de projeter l’image vidéo modifie le rapport de l’espace d’art à l’espace du cinéma.
Il existe à Locarno depuis 1980 un festival qui porte le nom de VideoArt Festival9. Voici comment René Berger, un des animateurs principaux de la manifestation, décrit cet événement :
« Fondé en 1980 par Rinaldo Bianda le VideoArt Festival de Locarno poursuit une activité qui associe à la fois l’art, la philosophie, la science et les nouvelles technologies. Depuis quelque 14 ans, il présente chaque année les artistes vidéo les plus novateurs choisis par un jury international. Parallèlement à l’apport direct des artistes, une suite de colloques s’efforcent de réfléchir sur les changements transdisciplinaires à l’œuvre aujourd’hui. […] S’inspirant de la vocation du Monte Verità, foyer de créativité au début de ce siècle, le VideoArt Festival de Locarno s’attache également, tâche de pionnier, à la formation des formateurs aux nouvelles technologies. »10
Le VideoArt Festival se déroule à l’écart du festival du film sans qu’on ne puisse cerner exactement leurs rapports mutuels11. Il n’existe pas d’échanges remarquables, ni d’événements partagés par ces deux manifestations. De cette non concordance, il faut déduire qu’en 1980 le paradigme de l’art vidéo alors déjà sur le déclin que promeut le festival VideoArt de Locarno ne peut pas se confondre avec les intérêts et les formes d’expression auteuristes présentées dans le cadre du festival du film. Par contre, le VideoArt Festival fait preuve d’une ouverture d’esprit quant au format de ses projections. Il accueille ainsi régulièrement des projections de cinéma expérimental, que ce soit au travers de rétrospectives ou de réalisations contemporaines. La séparation entre les deux festivals ne se fait donc pas strictement au niveau du médium, qui opposerait film et vidéo, mais plutôt au niveau des formes esthétiques qui divisent arts plastiques et cinéma narratif, en renvoyant le cinéma expérimental du côté des arts plastiques. Cette séparation nette entre l’espace de monstration du cinéma et celui plus modulable et expérimental d’un art élargi incluant des images animées va évoluer dans le courant des années 1990. Dans un double échange, le milieu du cinéma va alors reconnaître certaines tendances esthétiques issues de l’art vidéo, alors que l’espace de l’art va s’inspirer de plus en plus du dispositif du cinéma, de son histoire ou de ses formes narratives.
Dès 1993, le Festival du film de Locarno, alors sous la direction de Marco Müller, propose au sein de la section Cinéastes du Présent, une nouvelle catégorie intitulée Cinéma-Cinémas12. Y sont proposés des films sur des cinéastes destinés majoritairement à une diffusion télévisuelle ; certains d’entre eux sont projetés en format vidéo. Dès 1995, année du « centenaire du cinéma », on peut remarquer l’explosion du nombre de projections vidéo liées à des formes d’expression qui relèvent de la catégorie de l’essai, du documentaire, ou du portrait de cinéaste. L’année 1996 voit l’apparition d’une compétition vidéo au sein de la section Cinéastes du Présent qui considère séparément les œuvres tournées et projetées dans ce format. En 2000, on inaugure un espace de projection pensé pour une projection optimale de la vidéo : la salle Palavideo Sony Muralto. De 1993 à 2000, le format vidéo acquiert au sein du festival une autonomie progressive en se dégageant de la section qui l’a vu naître. Cette autonomisation atteint son apogée en 2002. La Compétition Vidéo se distingue alors complètement de la section dont elle dépendait pour se dérouler en parallèle à la compétition officielle de films. La démarcation de la vidéo comme format suggère qu’on envisageait de lui assigner des possibilités esthétiques singulières qui diffèrent de celles du cinéma d’auteur, mais aussi de l’art vidéo. Le catalogue du festival de 2005 introduit cette compétition en qualifiant les objets sélectionnés de « cinéma-vidéo contemporain »13.
Alors que 2001 semble être la dernière année d’existence du VideoArt Festival, 2002 voit le festival du film s’ouvrir aux formes de l’art vidéo et de l’installation. Une nouvelle section qui porte le nom d’In Progress y est consacrée14. Harald Szeemann, qui occupait un rôle central dans la programmation du festival de VideoArt, s’occupe dès 2002 de la section In Progress. Celle-ci comprend pour sa première année d’existence un hommage au travail vidéo de Mona Hatoum, et une présentation des films de Eija-Liisa Ahtila projetés en 35mm au sein de la catégorie art vidéo. Alors qu’une séparation est maintenue dans la partie officielle de la compétition entre les formats de projection film et vidéo, la section In Progress, en s’ouvrant aux pratiques de l’art contemporain, abolit les barrières entre les formats. En 2005, dans le descriptif que fait le catalogue de la section In Progress, on insiste sur la notion de brouillage des frontières15 entre le milieu du cinéma d’auteur et celui de l’art contemporain. En 2006, la section In Progress est remplacée par la section Play Forward. Cette dernière rassemble la section In Progress et la compétition vidéo pour fonder une seule section dédiée à « toutes les expérimentations et les créations audiovisuelles contemporaines »16. Comme cela avait été le cas auparavant avec l’introduction progressive de la vidéo, un espace spécifique au sein de la programmation est réservé aux productions issues de l’art contemporain.
En 2010, pour sa première année à la tête du festival de Locarno, Olivier Père annonce la suppression des « projections expérimentales ». Il désigne certainement par ce syntagme la section Play Forward qui n’avait toutefois pas eu lieu en 2008 et en 2009. Père met donc fin aux mouvements d’intégration et de catégorisation qui ont chahuté durant une dizaine d’années les sections du programme. Ceci au nom d’un cinéma multiple dont il s’agit d’extraire la quintessence17. La mise à égalité d’objets de provenances et de formes diverses sur le plan de la réception est louable. Elle a pour objectif la reformulation d’une exigence de qualité liée au dispositif « naturel » qui constitue le cinéma : la projection. Le format, la provenance et le contexte de production ou de diffusion des objets perdent leur importance discriminatoire, puisque le dispositif « normal » de la salle révèle en les autonomisant les qualités spécifiquement cinématographiques des œuvres montrées. Ce geste, qui consiste à rattacher les productions de l’art contemporain à celles du cinéma, s’avère créer une situation paradoxale et problématique dans le cas de l’hommage à Parreno. Père, en autonomisant les films de Parreno, les « cinématise » en les reliant organiquement au dispositif de projection, mais aussi en soulignant leurs qualités « cinématographiques ». La circulation des objets sur différents supports, leur installation au voisinage d’objets divers, leur insertion volontaire dans diverses structures médiatiques connotées sont pour Parreno une constituante essentielle de sa pratique du cinéma qui passe par une stratégie d’occupation des espaces institutionnels et des formes normatives de réception qu’ils produisent, mais aussi par l’occupation de plusieurs fonctions18 et plusieurs métiers de cinéma. En prenant acte de cette diversité, il paraît peu cohérent d’attribuer à Parreno un statut qui se résumerait à la fonction de cinéaste, qui ne constitue selon nous qu’un horizon de réception possible – et qu’il s’attache justement à rendre problématique.
Un cinéma contextuel ?
« Au cinéma, le scénario est une mécanique de production, entendez par production projection devant soi. Mais un scénario répond déjà à une image, c’est un récit qui doit pouvoir comprendre toutes les étapes d’une chaîne de production, les unes enchâssées dans les autres. »19
Que ce soit dans le cadre de l’espace d’exposition de l’art contemporain par le biais d’installations, ou à l’occasion de leur introduction parasitaire dans d’autres dispositifs de médiation, une étude des films de Parreno ne peut se passer d’un commentaire concernant leur contexte de présentation. Ses images animées occupent temporairement un espace de diffusion pour mettre en évidence les limites et les conventions du dispositif qui les accueille. La présence du film rend sensible les liens entre le contexte de diffusion et une attitude, ou habitude de réception. Chez Parreno, le film rend le dispositif qui le supporte performant20. La projection de ses films dans le cadre d’un festival de cinéma peut être envisagée comme une nouvelle occurrence de sa pratique artistique, en prolongeant sa stratégie d’infiltration des logiques de production médiatiques culturelles. Le mouvement d’interaction est double : les conditions d’assignation de l’objet dans le dispositif infiltré le justifient en lui donnant un mode d’existence publique, tandis que l’objet rend en retour visible les conditions de son assignation. Le contexte permet au film d’exister publiquement ; en retour, le film prend la mesure du contexte qui le limite : le cinéma de Parreno est un cinéma contextuel.
L’hommage à l’artiste contemporain Phillippe Parreno au festival du film de Locarno était réparti en trois séances distinctes. Le long métrage Zidane, un portrait du 21ème siècle (France/Islande, 2006), que Parreno a coréalisé avec Douglas Gordon, était projeté en 35mm dans une grande salle. Un programme de courts métrages était projeté en format digital dans une plus petite salle21. Enfin, une bande-annonce d’un film à venir, The Invisible Boy (2010), était projetée sur la Piazza Grande en avant-programme du long métrage de la soirée, en l’occurrence le film d’animation russe Gadkii utenok (Le vilain petit canard). A ces projections venait s’ajouter une conversation publique avec l’artiste accompagné du curateur Hans Ulrich Obrist. L’organisation de cette conversation avec un spécialiste de l’art contemporain inscrit une fois de plus dans un contexte particulier ce que le festival prétend avoir assimilé, comme s’il était nécessaire d’inviter une figure d’autorité extérieure pour justifier le choix de lui rendre hommage. Cet acte « performe » le fait que le cinéma et l’art, malgré la circulation indéniable des objets et des pratiques, constituent toujours deux dispositifs épistémiquement distincts.
Dans le contexte de l’hommage qui lui est consacré, Parreno présente en avant-première un objet filmique nouveau, exclusif : la bande-annonce de The Invisible Boy. C’est à partir de la présence de ce film que nous voulons démontrer que la présence de Parreno à Locarno ne peut pas être comprise sur le même plan que celle d’un cinéaste traditionnel, et que le projet The Invisible Boy relève du cinéma contextuel de Parreno. Le film montre un jeune garçon seul qui évolue dans un appartement de Chinatown entouré d’animaux étranges et de fantômes (fig. 3, fig. 4). Ces apparitions surnaturelles sont insérées par l’artiste grâce à un système qui allie des techniques de dessin et de grattage à même la pellicule, procédé bien connu du film d’animation et du cinéma expérimental. Le film s’ouvre sur des plans de rues désertes pour instaurer ensuite un mouvement de crescendo : la musique se fait progressivement plus présente, évoque une tension plus grande ; les monstres grattés sont de plus en plus nombreux ; le plan final suggère la probable rencontre dans un couloir de la maison de l’enfant et des monstres qu’il semble rechercher. La tension, le suspense, la mise en haleine qui peuvent être définis comme clefs de lecture sémiotique de la bande-annonce sont utilisés par l’artiste comme un code avec lequel jouer.
The Invisible Boy souligne le lien qui existe entre une logique de production, celle du cinéma commercial, et les attentes qui en résultent sur le plan de la réception. La bande-annonce de Parreno est la promesse d’un film à venir. C’est dans l’à-venir du film, et dans la potentialité de réalisation du film laissé en suspens que se situe l’intérêt principal de cette projection. Cet objet n’annonce pas la sortie d’un long métrage déjà produit, mais invite le spectateur à réfléchir sur la fonction d’un code qui véhicule une certitude. La bande-annonce, en s’autonomisant par rapport au reste de la chaîne de production, permet de questionner les liens que cette chaîne entretient avec une attitude conditionnée sur le plan de la réception. En exposant le lien entre un ordonnement du temps de la production du film et celui vécu par le spectateur, Parreno désigne l’enchaînement des temps de la production comme une logique narrative fictionnelle. L’artiste souligne le caractère normatif des agencements des temps de la production, mais aussi leur malléabilité et le fait qu’ils puissent devenir le terrain d’un jeu. Le film infiltre le dispositif du festival, comme un colorant qui en rendrait visibles certaines structures. Il révèle la logique de production projective du cinéma en la désignant comme modèle concret d’un ordre du temps de la production. Le cinéma s’apparente à la machine concrète et abstraite de la production en tant que projection22.
Cette stratégie d’infiltration par mimétisme des formats et de leurs codes, l’introduction d’un corps d’images et de sons dans un dispositif médiatique quelconque sont pratique courante chez l’artiste. Pour preuve, les premières images animées qu’il a produites. Les images de Fleurs (1987) consistent en une série de gros plans de plantes. Une fois réalisées, ces images ont été envoyées à une série de chaînes de télévisons et d’organisations publicitaires accompagnées d’un message qui indiquait que les images étaient produites par un jeune artiste, et qu’elle étaient offertes, mises à disposition. Les images ont été utilisées par la chaîne de télévision Canal+ qui s’en est servi comme motif visuel d’une publicité pour un fleuriste montrée juste avant le programme météo du soir (fig. 5). A la mise à disposition des images par l’artiste répond une mise en disposition de ces dernières. Le parcours de l’image active le dispositif médiatique, qui, en attribuant une place adéquate à l’image, devient performant, ou se révèle comme actif. L’image est insérée dans une grille des programmes, mais aussi dans un ordre de la représentation, associée à un entourage textuel et visuel. L’assignation à une place des images par une autorité qui n’est pas celle de l’auteur permet de révéler cette assignation comme une disposition et rend visible une association « inconsciente » ou « automatique » des représentations dont aucun sujet ne peut être tenu pour responsable. Le sujet n’est plus actant, que ce soit l’artiste ou le spectateur, mais ce sont les mécanismes de disposition des images qui par leur performance produisent des sujets. Ce qui se produit à la télévision avec Fleurs se reproduit avec un film comme El Sueño de Una Cosa, un court métrage constitué d’une succession de plans à échelle variée sur un paysage vierge, qui outre sa présentation sous forme d’installation fut montré pour la première fois dans un cinéma entre deux publicités d’avant-programme23.
Pour prolonger la réflexion concernant la disposition des films de Parreno, il est utile de comparer l’hommage rendu par le festival sous la forme d’une rétrospective de films avec les expositions rétrospectives que l’artiste a aménagées successivement dans divers espaces d’exposition en 200924. Le cinéma y occupe une place centrale à plusieurs niveaux, non seulement parce que des films de Parreno y sont occasionnellement montrés, mais aussi parce que les divers dispositifs de diffusion y sont utilisés comme des éléments signifiants. Ainsi, le mode traditionnel de réception de l’exposition entre en dialogue avec celui de la projection de cinéma. Les expositions rétrospectives de 2009 formaient des épisodes d’une même histoire jamais complète. La forme de production de la rétrospective, comme c’est le cas pour le concept d’exposition en général, devient elle aussi le terrain d’un jeu sémiotique qui vise à questionner le lien entre un dispositif et un mode de réception. Dans un premier épisode qui a eu lieu au Kunsthaus de Zurich, des marquises accrochées dans certaines salles évoquaient l’entrée d’un cinéma classique. La marquise faisait office de symbole qui mythifie l’expérience du cinéma (fig. 6). Elle était aussi le signe d’une cinématisation de l’espace d’exposition. Elle participe d’une démarche qui cherche à rendre problématique l’expérience du spectateur d’art contemporain en questionnant sa relation supposée naturelle à l’exposition. En faisant dialoguer la nature de la réception de l’exposition avec celle du cinéma, Parreno met en relation l’attitude du corps du visiteur flâneur avec celle du corps immobile du spectateur de cinéma dont l’attention est capturée par le dispositif de projection de la salle de cinéma. Ces deux modes de réception contradictoires entrent en tension dans une dialectique dont les pôles idééls sont d’un côté la perception directe des objets présents et de l’autre l’illusion absorbante de la projection. La première représente la spontanéité de l’expérience vécue, l’autre renvoie au modèle de l’absorption dans le médium25. L’acte perceptif de réception est mis entre parenthèse, suspendu entre deux moments opposés : un moment spontané et un moment critique. De la même manière que le mode de réception du cinéma sert de déclencheur au retournement critique de la réception dans les institutions dévolues à l’art, le modèle perceptif de présentation des objets d’art présente, en l’« objectifiant », une critique du mode de réception absorbant du cinéma. Parreno crée ainsi une boucle dans laquelle ni l’expérience ni sa critique n’est première. Les marquises et leur caractère symbolique rappellent que ces attitudes spectatorielles ne sont que des fictions. Le dispositif qui les produit n’est qu’un code. Il n’y a pas chez Parreno de sol sensible, ni de critique matérialiste de la consommation de l’objet d’art ou du cinéma. Les codes évoquent la sédimentation des modes historiques de réception, comme une série de fictions produites par les dispositifs.
Le second épisode des rétrospectives a eu lieu au centre Georges Pompidou. Il nous offre l’exposé limpide d’une mise en scène des dispositifs cinématographique et artistique et des modes de réception qui les accompagnent. A Pompidou, l’espace d’exposition et l’espace de projection, par un procédé d’éclairage et d’assombrissement, se constituent en alternance (fig. 7). Le moment du noir donne lieu à une projection, la lumière révèle les objets et le dispositif26. Que ce soit par l’infiltration de structures médiatiques qui n’appartiennent pas en droit à l’art, ou par le déplacement d’éléments parcellaires du dispositif médiatique souvent symbolisé par le cinéma au sein de l’espace d’exposition, Parreno utilise pour code les éléments du dispositif du cinéma et de l’art dans un jeu de miroirs permanent qui fait de l’un la critique de l’expérience de l’autre.
Nous avons souligné la manière qu’ont les films Parreno de problématiser le lien qu’ils instaurent avec leur contexte au moment de leur diffusion. L’acte de contextualisation du film rend son dispositif performant. Ce devenir performatif du cinéma n’est pas réservé au moment de la projection. Il se produit tout au long de la chaîne de production du film. Les projets cinématographiques de Parreno ne sont pas pensés dans le but de créer un objet autonome. Le film n’est pas un but en soi, il est le prétexte à la production d’autres événements, notamment au moment de son tournage.
La chaîne de production du cinéma comme tissu narratif
Ainsi, dans certains projets de Parreno le moment de capture ne saisit pas tant une réalité qu’il ne la produit. The Boy From Mars est un court métrage impressionniste réalisé en 2002 qui a pour objet un projet de bâtiment dessiné par l’architecte François Roche et destiné à être construit en Thaïlande. Le film est constitué d’un enchaînement de plans descriptifs qui montrent les divers aspects du bâtiment, son entourage, et les animaux qu’il abrite (fig. 8, fig. 9). La réalisation du film qui documente le fonctionnement de cette maison a servi de prétexte à sa construction. En effet, l’argent obtenu pour la réalisation du film a permis de faire aboutir le projet architectural. L’enchâssement du projet du film avec le projet architectural révèle une cohérence subtile entre leur logique respective. La maison, projet écologique, fonctionne sur le principe d’une machine célibataire : elle s’autoalimente en énergie. Elle produit l’énergie qu’elle consomme et a notamment permis d’alimenter en électricité le tournage du film. Cette structure en boucle fermée est en analogie avec celle que forme le tournage : ce dernier produit le réel qu’il enregistre, et enregistre le réel qu’il produit. La logique documentaire que le film semble proposer, logique qui présuppose l’existence antérieure du sujet filmé, n’a pas cours. La maison à la base du projet engendre l’idée du film qui à son tour engendre la construction concrète du projet architectural. C’est tout le projet qui forme finalement une boucle productive autoalimentée. La logique de production projective du cinéma y est utilisée comme une stratégie de production qui permet de générer des résultats concrets, dont la fonction n’est pas liée au film. La maison est introduite dans la chaîne de production du film en tant que décor à construire. Le telos du cinéma est abstrait du seul projet autonome du film. La logique de production capitaliste est pour ainsi dire prise à son propre piège. Alors qu’elle impose généralement un ordonnancement des temps de la production, cet ordre fait l’objet d’une appropriation dans le cadre de ce projet. Parreno parasite les mécanismes logiques de la production du cinéma pour mettre en évidence la structure narrative de la fiction qui est générée par les modes de production capitaliste.
Le film permet de construire un bâtiment ; mais ce n’est pas tout. Le résultat final du film n’est toujours qu’une partie d’un texte plus large qui bascule soudainement du projet à la réalisation, de l’idée à sa mise en œuvre. Ainsi, le prototype de la maison fut d’abord exposé par Parreno comme installation sculpturale avant de servir de modèle pour la construction concrète des façades. A un autre niveau, le titre du film est tiré d’une nouvelle ; il inspire à son tour une chanson qui est interprétée à la fin du court métrage alors que l’écran reste noir. Tous les éléments structurels du cinéma sont mis en cause, que ce soit la logique du scénario, le concept de décor, le principe du titre, ou celui de la musique. Tout élément pro- ou parafilmique, ou qui découle de la forme narrative peut inspirer de nouveaux éléments, ou être récupéré dans le contexte d’un autre projet. Le cinéma n’est donc plus seulement la réunion synthétique des arts et des métiers au sein d’un projet qu’il s’agit de mener à terme. Dans le cinéma de Parreno, l’autonomie du film n’existe pas, puisque ce dernier est un acte performatif dans un parcours sinueux qui va de la pré-production à la diffusion en passant par la post-production. Le film est un moyen plutôt qu’une fin, il est utilisé pour les concepts normatifs qu’il produit, pour permettre la mise en relief de l’effectivité de ces concepts qui n’appartiennent pas au cinéma de manière autonome bien que ce dernier les incarne et les modélise. Parreno se sert de l’agencement des temps de la production du film comme d’un tissu malléable à partir duquel se construisent des fictions et se produit le réel. Le cinéma est chez Parreno le modèle épistémique qui représente la production du temps capitaliste comme temps projectif.
Spectralité des images et des personnages
« Hypothèse. Si Casper le petit fantôme était un rôle modèle, un personnage témoin, le représentant des personnages de fiction, le film deviendrait une fable dont le message serait : les personnages de fiction viennent nous hanter. Qu’ils nous hantent d’accord, mais eux qu’est-ce qui les hante ? C’est un manque de finalité, ils n’ont pas fini leur tâche, ils laissent quelque chose d’inachevé, il faut découvrir ce que c’est…traiter leur douleur. »27
Les films de Parreno ne s’embarrassent pas d’une sémiotique du montage. Ils se constituent généralement d’une succession de plans qui répètent la même sensation au travers d’une série de points de vue différents. Sur le modèle de l’imagination, ou du rêve, le film est constitué d’une succession de perspectives qui tendent à faire basculer le sujet dans le domaine du fantasme. Les images et les personnages de Parreno jouent tous le même jeu : le jeu de la spectralité, ou le jeu auratique du proche lointain. Que la distance évoquée dans les images soit spatiale ou temporelle ne change rien ; il s’agit de doter l’ailleurs d’une puissance d’affect. La séduction des contrastes et des couleurs, le chatoiement de la lumière, la picturalité, l’esthétisme publicitaire ne se présentent que parce que la chose montrée est affectée par ailleurs d’une distance, d’une inaccessibilité. L’image est produite comme conscience du désir qu’elle suscite. La dialectique circulaire de l’expérience et de l’absorption, du réel et de sa production que nous avons dégagée auparavant en décrivant le moment de la projection et le moment du tournage est présente dans l’image en tant que qualité affective. Que ce soit la nature vierge d’El Sueño de Una Cosa (fig. 10) et son développement subit et spontané, la figure suggestive d’Annlee28 qui nous parle depuis un lieu virtuel qui apparaît comme autonome, détaché des conditions de sa production, l’image du corps de Zidane produit comme mesure de l’écart avec son corps médiatique, la nature paisible de The Boy From Mars qui évoque un rapport au temps géologique à l’intensité non quantifiable, l’image réfléchit sa propre force. Elle intériorise sa relation avec le spectateur, problématise en son sein la question de sa possible communication : le moment possible de l’épiphanie. Le titre « Le rêve d’une chose » (El Sueño de Una Cosa) traduit bien cet état de l’image : l’exposition consciente de son pouvoir de projection, d’absorption où la capture de corps est simultanément contrainte et libération, perte de soi et retour à l’origine.
Dans le film 8 June, 1968, qui était exposé au cours de la rétrospective au Centre Pompidou, Parreno a retourné des images documentaires que le photoreporter Fusco avait filmées alors qu’il était dans le train qui transportait le cercueil du présent Kennedy deux jours après sa mort. Dans les images d’origine, des personnes disposées irrégulièrement le long des rails, font signe au convoi funéraire. Ce « moment historique » est refilmé avec des acteurs sur les lieux, presque un demi-siècle après son occurrence originale. La structure de l’événement lui-même constitue ce qu’on pourrait appeler un modèle du trauma. Il ne s’agit pas de remonter vers l’origine du souvenir, mais de faire le portrait d’un fantôme, d’une chose qui n’existe que sur le mode du retour29. Les regards que les personnages adressent à la caméra sont destinés au spectateur. La projection du film produit un champ/contre-champ possible, entre le 8 juin (8 June, 1968) et le moment de la projection (fig. 11, fig. 12, fig. 13). La force du film réside dans le fait que les gens filmés semblent habiter un moment distant dans le temps depuis lequel ils nous font signe. Les gens nous disent au revoir, comme ils disent au revoir à ce corps qui les constituait en peuple. Ce train dans lequel nous sommes embarqués situe le moment de la mort de Kennedy comme moment traumatique qu’on ne peut que rejouer. Cette image de l’histoire comme origine et comme perte se retrouve dans le film Crédits, mais ici la grande histoire est remplacée par un souvenir personnel, les terrains de jeu de l’enfant Parreno et de ses amis (fig. 14). Elle se retrouve encore dans le film Stories Are Propaganda que Parreno a coréalisé avec Rikrit Tiravanija. Le film est constitué d’une succession de plans à la lumière travaillée qui suggèrent un paysage postindustriel habité par un magicien qui fait apparaître une montre, un lapin albinos dans une flaque de boue, un bonhomme de neige en terre (fig. 15, fig. 16). Dans le film, un texte écrit par les artistes est récité par un enfant en voix off. On y parle de la fin d’une ère et du début d’une autre. La date de l’origine de la perte est cette fois-ci située en 1972, année de la destruction de l’ensemble d’habitations Pruitt-Igo à Saint Louis, Missouri, fin d’un certain modernisme architectural et des utopies sociales qui les accompagnaient. Le film fait la liste d’objets, de services, d’activités qui évoquent tous une invasion du réel par les signes.
Le cinéma de Parreno est constitué de ces topoi qui font simultanément office d’origine fantasmée et de lieu de la perte. Les personnages aussi sont des symptômes d’un état historique défini comme un rapport des signes au réel. « En 1937, Blanche Neige va être le premier signe à quitter le monde des logos pour rentrer dans un monde parallèle, dans une civilisation inventée, perméable à la nôtre. […] C’est la première habitante d’un monde qui depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale n’a cessé de se développer ; un monde en perpétuelle expansion. »30. Blanche Neige est l’ancêtre d’Annlee, figure qui circule entre les formats, les artistes, les supports, les contextes sans jamais être absolument assignable à un endroit. Annlee habite les limbes médiatiques. La multiplicité de ses occurrences signale la manifestation d’un désir impossible : celui d’habiter ce monde, d’être présente au monde, ou le souhait inverse mais équivalent qu’on la rejoigne. Annlee n’est que l’exagération de nos propres symptômes. Sa présence spectrale, comme le corps absent d’Anna Sanders31, est une puissance d’affect. Cette spectralité est une conséquence de la circulation des signes dans la multiplicité des formats contemporains de la reproduction. Elle entraîne une mélancolie du dispositif total du cinéma et de son caractère absorbant. A tous les niveaux du film, Parreno ouvre un dialogue entre une déconstruction du cinéma et l’évocation d’un dispositif de projection captateur qui produirait un sujet, un peuple. Il fait basculer tout le dispositif, que ce soit la logique de production projective, le caractère absorbant de la salle, ou la qualité attractive de l’image dans l’ordre du possible, dans un entre-deux qui évoque, plutôt qu’une affirmation, une suspension interrogative, un moment de pause. Le cinéma est chez Parreno l’image originale d’une unité perdue, d’un rapport stable des signes au réel, mais aussi l’image de l’origine de la perte à partir de laquelle ont proliféré la confusion de l’objet et du signe ; une origine fantasmée, mais aussi une projection qui suspend l’avenir des corps et de la communauté dans le domaine du possible32.
Un cinéma contextuel
Une des occurrences possibles du cinéma de Parreno est sa présentation dans un festival de cinéma. Mais comme nous l’avons montré à partir de The Invisible Boy, indice qui a permis d’engendrer la trame narrative de cet article, la figure de l’auteur de cinéma n’est pour Parreno certainement rien d’autre qu’un corps fictionnel produit par le marché de la production culturelle dans laquelle s’enchâssent divers dispositifs. Par un processus analogue à la trajectoire de ces premières images de plantes filmées par l’artiste et récupérées par une chaîne de télévision, Parreno l’artiste devient auteur de cinéma grâce au festival. En lui rendant hommage et en réduisant ses projets à partir d’images animées au dispositif de projection de la salle obscure, Olivier Père nous offre un éventail d’interprétations possibles qui va du déni des qualités essentiellement contextuelles du cinéma de Parreno à la plus probable connivence volontaire avec le jeu de l’artiste ; jeu dont l’efficacité est évidemment proportionnelle à la discrétion avec laquelle on le joue. Tout le paradoxe de ce choix de sélection réside dans le fait qu’il efface la spécificité de ses objets : on renonce aux « projections expérimentales », mais on évoque l’état « transgenre » du cinéma. On acquiesce à la multiplicité du cinéma, mais on maintient la spécificité de la projection.
Le travail de Parreno développe une logique qu’on pourrait qualifier de publicitaire. Celle-ci consiste à produire l’existence de ce que l’on cherche à prouver. C’est bien ce qu’indique la boucle du cinéma contextuel qui révèle une équation entre la performance du média et la production du réel. Dans ce jeu, la position d’une extériorité critique n’a pas lieu d’exister, puisque l’événement n’est plus mesurable que comme fiction engendrée par le dispositif médiatique. Parreno parle de sa pratique en tant que contribution à la « reprogrammation de la matrix »33. Il allonge la liste des artistes qui pensent leur production en fonction de l’immanence au ou du (c’est dans cette disjonction que ça se joue) récit du capital qui est devenu le récit unique de la multiplicité. Il s’agit pour ces artistes de « devenir des transformateurs sceptiques par rapport à la culture dominante dans le but de retenir, plutôt que de représenter la notion de position critique »34. Passer son tour équivaut ici à garder la main.