Débat critique à Soleure : trois critiques français s’expriment à propos de Cœur animal, Verso, Face au juge et La guerre est finie
Transcription : Marthe PorretPour le confort de la lecture, la transcription a été retravaillée par le directeur du numéro : les marques d’oralité (répétitions, phrases incomplètes, hésitations, etc.) ont été en partie gommées ou transposées dans un style plus écrit, et la syntaxe rétablie. Il ne s’agit pas d’une retranscription intégrale : les suppressions dépassant deux lignes sont indiquées par la mention « […] ».
Les 45e Journées de Soleure qui se sont tenues du 21 au 28 janvier 2010 ont permis de présenter un large pan de la production cinématographique suisse de l’année précédente. Le festival a notamment mis sur pied pour la cinquième fois les débats publics dits du « Film Club », où des critiques de cinéma reconnus internationalement s’expriment à propos d’un certain nombre de films helvétiques en compétition. La première de ces discussions1 a réuni autour du journaliste de la RSR Patrick Ferla trois critiques français : Catherine Bizern du Festival international du film de Belfort (EntreVues), Corinne Rondeau de France Culture et Charles Tesson des Cahiers du cinéma.
Patrick FerlaEn préambule, j’aimerais vous citer cette petite phrase empruntée au cinéaste argentin Fernando Solanas : « Un pays sans cinéma est comme une maison sans miroir. » Et nous allons donc visiter ensemble la maison du cinéma suisse, avec quatre films qui ont été retenus par les Journées Cinéma de Soleure. Il s’agit de trois films de fiction et d’un documentaire. Tout d’abord Cœur animal, de Séverine Cornamusaz, film très librement adapté du roman Rapport aux bêtes d’une auteure suisse, Noëlle Revaz, et par ailleurs inspiré de la vie de la grand-mère de la réalisatrice à laquelle il est dédié – le personnage féminin du film porte d’ailleurs son prénom, Rosine. Ce film a notamment obtenu trois prix au Festival de Mannheim au mois de novembre dernier […]. En quelques mots, c’est l’histoire d’un paysan, Paul, dont on dira qu’il est un handicapé émotionnel : il ne dispose pas des outils ou des mots nécessaires pour parvenir à communiquer ses sentiments. Il traite mieux ses animaux que sa femme, c’est en quelque sorte un anti-héros qui, petit à petit, va s’humaniser. C’est un film d’une grande âpreté – entre autres choses – psychologique. Le deuxième long métrage de fiction est Verso, film de Xavier Ruiz tourné à Genève. C’est une ville telle qu’on ne l’avait encore jamais vue, je crois, qui est représentée à l’écran. Le film, qui est en lice pour le Prix du public, a des allures de thriller, de polar, mais en réalité c’est un film qui installe une histoire humaine forte dans un milieu dur et risqué, à savoir celui de la police. Xavier Ruiz s’intéresse en effet à l’histoire d’un homme rattrapé par son passé, par ses démons et par des zones d’ombres qui souvent nous habitent. On retrouve à l’écran Carlos Leal, Chloé Coulloud, Stress, Laurent Lucas. Et j’aimerais observer que la bande son, qui est forte, utilise des musiques interprétées par des auteurs suisses – Stress, Polar, Aloan et Samael. La troisième fiction, La guerre est finie de Mitko Panov, est inspirée d’une histoire vraie. Le scénario est signé du réalisateur né à Skopje, naturalisé Suisse et vivant actuellement à La Chaux-de-Fonds. Le film a été tourné en Macédoine ainsi que dans plusieurs villes de Suisse romande, à savoir Neuchâtel, Le Locle et La Chaux-de-Fonds. La guerre est finie est un film romanesque, intense et onirique. Il dit la pression obsédante de la guerre, l’exil et le refoulement, et pose, de mon point de vue, la question de savoir comment, dans ces conditions, se survivre à soi-même. Ce sont de grandes images pour un film intime. Enfin, Face au juge de Pierre-François Sauter, premier documentaire du réalisateur, qui a été sélectionné l’an dernier par le Festival Visions du Réel, et qui est sorti dans les salles de Suisse romande où il a rencontré un grand succès à la fois critique et public. Le réalisateur montre les rapports entre la justice et les gens, il filme « simplement » des audiences, des visages dans un huis clos, où défilent seuls, sans avocat ni témoin, des gens de toutes classes sociales et concernés par des affaires très diverses. On découvre dans ce film des histoires de vie quotidienne, de petits drames ordinaires, une réalité que l’on ne voit guère ou pas du tout apparaître dans les médias. La caméra de Pierre-François Sauter ne juge pas. Il a choisi généralement le plan fixe. « Je voulais, a-t-il déclaré, qu’on soit avec eux. Mon film est un film sur l’altérité, sur le fait qu’on peut parfois se reconnaître en l’autre. »
Je vous présente maintenant les invités de ce Film Club : à ma gauche Catherine Bizern, que nous retrouvons avec plaisir, qui était déjà là l’an dernier et qui dirige le Festival EntreVues de Belfort. Face à moi Corinne Rondeau, maître de conférence en esthétique et sciences de l’art à l’Université de Nîmes et critique à France Culture ; enfin Charles Tesson, maître de conférence d’histoire et d’esthétique du cinéma à l’Université Paris 3 et critique aux Cahiers du Cinéma. […][Projection de l’extrait de Cœur animal]
Voilà, donc Cœur animal de Séverine Cornamusaz, qui travaille actuellement au scénario d’un deuxième film de long métrage, dont le titre de travail est, je crois, « Cyanure ». Qu’en dites-vous, Corinne Rondeau ?
C. RondeauLa première fois que je l’ai vu – je l’ai vu trois fois en fait, parce que je pense qu’on ne peut pas parler d’un film sans l’avoir vu au moins deux fois –, j’ai trouvé qu’il y avait une dimension très archétypale des personnages – une pauvreté de narration – qui, à un moment donné, a produit chez moi une certaine réticence. Et puis, finalement, c’est quand même un film que je trouve très attachant, dans la mesure où les personnages vont jusqu’au bout de ce qu’ils sont : cet homme qui ne parle que par injonctions, comme il parle aux animaux ; cette femme qui est dans le silence et l’attente, et leur vie va être dérangée par l’ouvrier agricole, incarnation de la vie qu’ils n’ont pas. […] Ils sont dans un environnement partagé entre un corps absent et une âme avortée. On arrive dans un couple dont on sent très bien, dès le début, que quelque chose de fort a dû avoir lieu. […]
Un « cœur animal », pour moi, c’est un cœur en colère. Ce n’est pas un cœur simple comme Flaubert, dans l’insignifiance, c’est un homme par lequel tout le film passe. Il y a une autorité du regard de ce personnage d’ailleurs, par exemple quand l’ouvrier agricole dit « Il y a un aigle royal dans le ciel », la caméra ne montre l’aigle qu’au moment où Paul le regarde. Donc tout le film est organisé autour de ce regard abrupt, qui ne décide de voir que ce qu’il veut bien voir. C’est un film qui est une forme de météorologie intime. D’ailleurs la manière de filmer les paysages qui sont très beaux – moi j’ai une passion pour les paysages, et en plus pour les Alpes, donc j’ai été très touchée –, c’est une manière de montrer la violence des changements d’états de l’âme de Paul, dans ce couple qui n’en est pas un, qui doit se construire. Donc moi j’ai trouvé que les images des paysages n’étaient pas là pour être simplement des ponctuations, des respirations de ce film dont la narration est, je l’ai dit, très pauvre – je ne le dis pas au sens négatif, je le dis simplement parce que le personnage est soumis à un ordre de causalité qui est celle de sa vie quotidienne. Et donc le film s’attache, me semble-t-il, à ces causalités successives, et donc on va aller effectivement du lait qu’il faut aller amener au petit village, en bas, jusqu’à sa femme qui a mal au ventre, ce qui suppose qu’elle est enceinte. Et il ne va pas dire « l’enfant », il va dire « le ventre », comme lorsqu’on parle d’un animal. […] Ce qui m’a touchée le plus, c’est la fin, une séquence inattendue, puisqu’en fait, il faut savoir que cette femme n’attend pas un enfant, qu’elle est malade et qu’elle va quitter son mari grâce à l’ouvrier agricole pour être soignée, son mari ne voulant pas de la visite d’un médecin.
P. FerlaOui, cet ouvrier qui est l’étranger.
C. RondeauOui, cet étranger qui est « Espagne », il ne veut même pas lui donner un nom propre, il veut simplement l’appeler d’où il vient, d’un territoire, parce que lui-même est marqué par un territoire qui n’est pas le territoire suisse, mais le territoire du père – il le dit d’ailleurs : ce qui est sacré, c’est le père (tandis que pour l’Espagnol, c’est la mère). Il y a donc une dimension psychologique à peine marquée, mais je trouve que le film a quand même cette justesse-là de ne pas rentrer dans la psychologie, d’affirmer que l’âme de chacun ne passe que par les dehors. Et je crois que les paysages, le dehors, permettent de dévoiler le dedans.
P. FerlaLe paysage s’inscrit en résonance de la vie du personnage. Oui, autre lecture, autre point de vue peut-être ?
Ch. TessonOui, il y a des choses dans le film. J’aime bien le début, tout ce qui est documentaire, agricole, ethnographique, une journée de travail, je trouve que c’est plutôt bien filmé, d’ailleurs. Après, quand la fiction arrive, elle arrive un peu de façon massive, à travers le corps de ce personnage que le film charge beaucoup : brute, raciste, patron odieux, enfin, il est tellement chargé, qu’après le film a beau jeu, presque, narrativement, de vouloir l’alléger pour nous le rendre sympathique : vu qu’on nous l’a tellement rendu odieux, dès qu’il l’est un peu moins, il devient aimable ! Mais j’aime bien le personnage d’Eusébio, l’ouvrier agricole, le personnage et l’acteur. Je trouve qu’il donne une fluidité dans des relations qui me paraissaient un peu archétypées, appuyées.
P. FerlaTous les trois, je trouve, ont des gestes justes par rapport au travail des paysans.
Ch. TessonOn sent que le film fait attention à ça, et il le fait plutôt bien. Par contre, en ce qui concerne les paysages, je ne serais pas de l’avis de Corinne, parce qu’ils sont très beaux, la photo de Carlo Varini est superbe, mais on sent qu’il y a une certaine joliesse ; or j’aurais aimé – et je ne l’ai pas ressenti – que l’enfermement de la montagne rende le mec dingue en termes presque straubiens de naturalisme. Le film est intéressant du point de vue des strates d’espace : il y a vraiment leur maison à eux, coupée de tout, le village en bas avec le café (l’intermédiaire), et puis la ville avec les HLM (on fait une remarque à ce propos). Mais c’est vrai que, parfois, […] la composition l’emporte sur la situation dramatique, par exemple à la fin quand elle le frappe et qu’il est allongé au bord de l’eau. Mais ce sont de petites choses, le film a des qualités, mais je trouve le trait des personnages par moments un peu trop appuyé à mon goût.
P. FerlaCatherine, un mot ?
C. BizernOui, moi je dirais que là où le film n’est pas totalement à mon goût réussi, c’est qu’il reste très fortement attaché à des signifiants, il veut constamment signifier des choses.
P. FerlaC’est-à-dire ?
C. BizernJustement ce que disait Charles, il ne laisse pas le temps aux paysages de devenir, ou même aux gestes d’être des gestes mêmes, mais il faut que tout traduise quelque chose, et en particulier quelque chose de la psychologie des personnages. Et c’est là où du coup, moi, je ne trouve Paul absolument pas sympathique, et elle non plus. Ils sont de toute façon enfermés dans leur psychologie, et même si le film n’en dit pas grand-chose, il en dit suffisamment pour que tout le monde comprenne à demi-mot ; et surtout, en enfermant le film dans ces signifiants-là. Peut-être que le personnage de l’Espagnol aurait pu apporter une certaine dimension de vagabondage, mais à mon avis ça manque beaucoup.
C. RondeauCe n’est pas que je ne partage pas ces points de vue, mais franchement… C’est comme si ce film était un double portrait, celui d’un homme qui n’a pas de signifiant en tant que tel, parce qu’il est dans l’injonction. Et ce film est porté par l’absence de langage. C’est-à-dire qu’on est conduit vers la question de savoir s’il y aura un jour un dialogue entre cet homme et cette femme. Et je trouve que la fin, c’est la possibilité d’énoncer une phrase de la part de cet homme-là. Et je trouve que justement, le dialogue est une manière de dire qu’une relation peut se fonder sur une absence partagée. […] Moi je dirais qu’Eusébio porte la vie, absolument, mais il n’est pas mieux dans sa vie. Et je pense aussi qu’il peut y avoir une sorte de cinéma qui est ancré dans le viscéral de ce que sont des relations. Je pense que ce film prend ce parti d’être parce qu’il cache une ombre. Il est dédié, comme l’a dit Patrick Ferla tout à l’heure, à la grand-mère de la réalisatrice, Rosine, qui a eu une vie très courte. Cornamusaz ne fait pas un film réaliste, elle est dans la construction d’une mythologie familiale qui se fonde sur l’absence. […] C’est un film qui est tout le temps en train d’écraser l’imaginaire. En fait, il a une manière de suspendre le processus imaginatif pour dire comment défaire une dimension symbolique qui est justement liée aux problèmes familiaux. Et je trouve que d’un coup, une jeune réalisatrice qui fait un premier film comme ça, quels que soient les défauts qu’il a, montre qu’il y a une potentialité qui consiste à effacer toutes les causalités. […]
P. FerlaMerci, on s’arrête là, on enchaîne avec Verso de Xavier Ruiz. [Projection de l’extrait de Verso]Verso, c’est donc le deuxième long métrage de Xavier Ruiz, et je trouve qu’avec ce deuxième film, ce jeune réalisateur suisse s’essaie, et c’est une audace, à un genre plutôt inédit dans le cinéma suisse, à savoir le thriller. Le film en a, on l’a peut-être découvert avec les images que nous avons passées à l’instant, à la fois les ingrédients, la noirceur, la nervosité, une forme d’énergie dans le traitement de l’image. […] Je crois savoir que Ruiz a longuement enquêté ; il a effectué une sorte de travail de documentariste dont finalement les images, notamment les premières scènes du film, témoignent, ainsi que la psychologie des personnages. Alors Verso, sur le mode du thriller, est un film qui raconte une longue descente en enfer ; on y découvre comment, rattrapé par son passé, prisonnier de ses démons, un homme perd pied. […] Je trouve que c’est un film exigeant, qui n’évite pas toujours la caricature, comparativement aux séries que l’on connaît, notamment à la télévision. On découvre dans ce film non seulement comment fonctionne le travail d’un certain nombre de policiers, de brigades de policiers en Suisse en particulier, mais surtout on découvre Genève qu’on croyait connaître, que beaucoup de cinéastes ont portée à l’écran, je pense par exemple aux films d’Alain Tanner. Et on a jamais vu, de mon point de vue, Genève ainsi représentée au cinéma. Alors voilà, pour moi c’est à la fois un film et un spectacle, sans concession… Peut-être que le fait qu’il soit précisément sans concession a tendance à en alourdir inutilement le rythme. C’est un film qu’il faut peut-être voir deux ou trois fois pour en apprécier vraiment l’énergie, et pour saisir quelle est la quête de Ruiz. Dans un premier temps, on peut avoir le sentiment que c’est le travail de la police qui l’intéresse. En réalité, ça n’est que le paravent. Ce qui intéresse vraiment le cinéaste, et ce qui peut nous intéresser nous aussi évidemment, c’est ce qui se passe dans la vie d’un homme lorsqu’il est rattrapé par toute une série de questions qui n’ont pas été résolues au cours de sa vie. Est-ce que vous avez des avis différents ?
C. BizernEn fait, moi justement je trouve que c’est une fausse piste, la piste du passé qui revient.
P. FerlaC’est donc le contraire !
C. BizernMais c’est peut-être ça qui est intéressant dans le film… Comme il est polymorphe, il part dans plusieurs directions. De plus, il est presque construit comme un feuilleton, ou une série, d’ailleurs il y a quelques moments de la ville qui sont filmés un peu comme serait filmé New York. On voit la ville par fragments, comme dans les séries américaines. Du coup, chacun peut s’inventer le fil qui l’intéresse le plus. C’est vrai qu’à un moment donné, on a l’impression que l’on va plonger avec Alex dans une espèce de dépression, mais heureusement, sa fille découvre le pot au roses et donc c’est autre chose qui se passe. C’est vrai qu’avec cette idée de partir dans plusieurs directions, et ce scénario très foisonnant, on a l’impression qu’on pourrait avoir une série policière et psychologique comme les Américains savent bien les faire.
C. Tesson[…] Je suis preneur pour un film sur Genève, que je ne connais pas bien, mais je trouve que le film ne me le donne pas. Il me le donne au début, dans toutes les statistiques. J’ai bien aimé les statistiques ; ça commence bien. Et puis après, il y a les vues aériennes. Mais dès que l’on est dans la fiction seule, je n’ai pas l’impression d’être à Genève, boîtes de nuit, prostituées, drogue, braquage de flics, tout. C’est un non-lieu qui appartient à un état du cinéma d’action, avec ses effets et tout, donc je vois très bien ce qu’il cherche à mimer, avec plus ou moins de bonheur, parce que je n’ai pas été très convaincu par l’habillage formel du film. […] Une scène m’a paru particulièrement gênante : c’est la scène de poker au début. Il ne s’y passe rien, mais y a des effets de travelling dans tous les sens, ça ne rime à rien, ne sert à rien. Si on fait confiance aux acteurs, la scène tient. Tandis qu’ici, il y a quelque chose dans l’habillage qui veut mimer un état du cinéma d’action dans ce qui se fait aujourd’hui que je trouve presque préjudiciable au film. Après, il y a l’histoire elle-même, avec tous ses rebondissements, ses secrets, et c’est un peu la totale, quand même : la drogue, la fille prostituée, le psychodrame… Enfin je trouve qu’il y a là un problème de dosage au niveau du scénario, de l’action, de tout, et je trouve que sur ce point, le film a du mal à tenir et à prendre vraiment.
P. FerlaQuand vous dites qu’il mime…
C. TessonOui, ça c’est… J’ai vu des films où il y a « zim, tchac » dans le montage, mais ça ne m’a pas gêné parce que le film était bon. Mais là, ce que le film donne comme fiction et comme forme m’a gêné. Laurent Lucas porte déjà toute la misère du monde, se trouve dans une névrose totale avant même que le scénario nous la livre par tonnes. Alors ça ne marche pas. Il y a toutes les rivalités entre les frères, la gémellité, la prison, tout cela est sur-souligné par le scénario […], c’est une accumulation de poncifs narratifs et visuels, sans que le film tisse sa ligne. Parce que les films qui jouent sur des images qui sont des images de l’état du cinéma d’aujourd’hui, pourquoi pas. Mais il faut que l’on puisse sentir une sorte d’appropriation ou de ligne, et là, je ne vois pas où elle est. […] Si Ruiz filmait le dixième de son scénario, le film serait dix fois mieux.
P. FerlaAbondance de biens… Corinne ?
C. RondeauC’est un film que j’ai trouvé trop compliqué, avec trop d’effets […] : il y a un secret, puis un suivant, puis une systématisation. On ne sait pas qui c’est, puis on finit toujours par l’apprendre dix ou vingt minutes après…
P. FerlaMais ça, c’est la surprise…
C. RondeauNon, ce n’est pas la surprise. On peut avoir une surprise, mais on ne peut pas avoir la surprise chaque fois ! Ce qui pouvait être dans la suspension d’un secret, il faut absolument qu’il soit dévoyé. Pas dévoilé, dévoyé. Il est dévoyé par un certain nombre d’effets, visuels, qui à mon avis sont trop riches. Ce film pèche par richesse. Il aurait pu y avoir un certain décalage, mais j’y ai vu trop de références cinématographiques (Shining, Birdy, un côté « bande-annonce »…). […]
P. FerlaMais quelle énergie il y a dans tout cela !
C. RondeauOui, il y a sans doute beaucoup d’énergie, il y a un désir démesuré là-derrière !
P. FerlaJe dis ça parce que les spectateurs de cinéma, qui sont parfois des cinéphiles, parfois des amateurs simplement, n’ont peut-être pas toutes les références que vous dites et qu’on retrouve effectivement, et peut-être qu’ils ont simplement du plaisir à découvrir l’histoire. Avec cette abondance, effectivement.
C. BizernUn gros gâteau est toujours trop gros.
C. TessonJ’attends un vrai film sur la vie souterraine et cachée de Genève.
C. RondeauEn tout cas, c’est un film qui pourrait se passer ailleurs, pas forcément à Genève.
C. TessonL’un des éléments du polar ou du film noir consiste à montrer la ville par rapport au pouvoir, à montrer les bas-fonds, etc. […] Mais ici, le film me donne un non-lieu sur des poncifs. C’est dommage.[Projection de l’extrait de Face au juge]
C. Tesson :On n’a envie de parler que de l’extrait, sans même parler de tout le film, par rapport au public qui est ici, parce que je trouve que le film tient son titre, Face au juge ; donc c’est une audition, ceux qui sont prévenus et qui passent devant le juge. Donc, ils sont déjà loin de l’acte passé. Et on le voit ici, qui est une scène à laquelle ni le juge ni nous n’avons assisté. On n’est jamais en position de justifier dans le film, d’ailleurs. Ce qui est très important. Et ensuite, on le voit bien, c’est ce qui est très beau dans le film, que j’aime beaucoup, c’est la personne qui passe devant le juge, on sait qu’une caméra transforme la personne qui se sait filmée, le juge compris, et elle aussi, dans le dispositif même de l’audition, elle est obligée de donner une image d’elle-même par rapport à l’acte passé. Et ce qui est très beau dans le film, c’est comment une propre parole revient sur son propre acte ; comment trouver les mots justes qui, dans la négociation, vont convenir à l’autre. Et ce qui est très beau dans l’extrait qu’on a vu, mais dans d’autres extraits aussi, c’est la négociation de parole, c’est-à-dire comment le juge va au-devant de la parole de cette femme, la traduit sous forme écrite. Est-ce qu’elle se reconnaît dans les mots que le juge énonce pour elle ou pas ? Je trouve qu’il y a quelque chose ici qui se joue sur l’auto-mise en scène par rapport à un propre acte dont on n’en saura jamais rien. […] Il s’agit de se mettre d’accord sur une scène réelle qui, par définition, ne nous sera jamais montrée, qui va se dérober ; elle a eu lieu et on n’en saura rien. La seule chose que l’on a, ce sont les visages, le rapport entre les visages qui parlent et leur parole. Et dans les variations, le film est très composé par rapport au panel des types de présence. […] Je trouve que là-dessus le film est assez fort et impressionnant. Enfin, en tout cas, il m’a plu.
P. FerlaEt puis c’est aussi la mise à nu de toute une série de petits drames ordinaires…
C. TessonC’est l’infra-justiciable. Et d’ailleurs on voit bien le juge par moment retirer une plainte, disant que les gens ont besoin du théâtre de la parole – la jeune fille avec le mec qui l’a frappée…
P. FerlaLe jeune couple, oui.
C. TessonC’est très beau, mais on sent qu’elle a besoin du théâtre de la justice, même si ça n’ira pas jusqu’au bout, parce que l’acte a eu lieu et il faut que par la parole il y ait quelque chose qui relève à la fois du pardon, du tiers, enfin de tout… La caméra aussi fait partie de tout ça. Je trouve que là-dessus, sur l’observation des rapports humains et de l’homme par rapport à la question de l’autre et de la justice, le film est convaincant.
P. FerlaIl y a eu aussi évidemment un gros travail du réalisateur…
C. TessonC’est très composé. J’aime bien ce parti pris. Mais la scène vaut ça, parce qu’au lieu de nous remonter en tranches de vie pseudo-glauques tous les drames qu’on nous évoque, la parole donne une distance par rapport au drame. Mais la politesse de la parole fait comprendre la douleur des gens, ce qu’ils ont pu vivre, ce qui a pu se passer, et il y a un suspense très fort dans le film. Je pense au couple avec l’enfant et la jeune femme. Le mec qui est violent, le spectateur suppose, mais il n’a pas d’indice. Il est obligé de construire un univers par rapport à la parole qui est donnée, ce qui n’est pas évident.
P. Ferla Ce qui n’était pas évident, aussi, pour le réalisateur, évidemment, c’est de convaincre à la fois le juge et les « prévenus » de se laisser filmer de cette manière-là. Je sais qu’il avait cherché à le faire en France je crois, et en Belgique, et qu’il n’y était pas parvenu.
C. Tesson Absolument. J’imagine qu’il y a eu tout un travail pour les convaincre.
P. Ferla … et qui finalement n’oblitère pas les images qu’on découvre…
C. Tesson Non, du tout.
P. Ferla Autre chose ?
C. Bizern Là, je pense que Charles a mis le doigt sur quelque chose qui effectivement est intéressant, c’est-à-dire que le cinéma est là pour re-présenter, et là, on re-raconte l’histoire et en plus, la place du spectateur peut être une place formidable, puisque c’est au spectateur de se raconter, de se représenter justement tout ce qui s’est passé en amont. En même temps, moi je suis restée un peu sur ma faim avec le film, d’abord parce que je trouve qu’on a du mal à savoir exactement quel est le point de vue du cinéaste, à quel endroit il se place. […] Sur la justice et autour de l’institution ou autour d’un héros juge, on a beaucoup d’exemples de films… L’histoire du cinéma, et en particulier du documentaire, en est riche, et on a un peu l’impression que le film vient comme si l’histoire du cinéma n’avait pas existé. Et moi, ça me dérange un peu. Bon, c’est peut-être une posture de ma part un peu snob.
P. .Ferla Peut-être, oui ! [rires]
C. Bizern Mais c’est vrai que ça me dérange, et surtout parce que finalement, pourquoi le film s’arrête là ? Pourquoi pas plus ? Pourquoi pas moins ? Pourquoi les perles ont-elles été enfilées dans cet ordre-là ? Si, à chaque nouvelle séquence on repart dans le mécanisme, moi j’ai l’impression que c’est toujours le même mécanisme qui est en jeu, et surtout, je n’ai pas tout d’un coup fait un chemin qui m’a menée d’un point à un autre.
P. FerlaMais à chaque fois, c’est forcément le même mécanisme, puisque le juge se trouve confronté à toute une série de…
C. BizernOui, mais alors pourquoi pas plus ? Et pourquoi pas moins ? Moi, il m’a manqué quelque chose qui construirait un film qui me ferait faire un cheminement supplémentaire… Avec le plaisir, à chaque fois, d’une nouvelle histoire, de la variété, mais quand même…
P. Ferla :Je respecte votre point de vue, naturellement, chère Catherine ! [rires] Corinne ?
C. RondeauC’est la journée d’un juge d’instruction, point barre. C’est-à-dire, il est dans sa voiture, avec un chapeau – on dirait un cow-boy –, sur une musique de country. On a les rendez-vous les uns après les autres, on a un grand panel, c’est-à-dire que tout est dans l’égalité de la réception : voilà une nouvelle affaire, puis une nouvelle affaire, etc. Puis c’est la fin de la journée, il se déplace dans un commissariat, y prend encore des dépositions, et puis il retourne au centre des juges d’instruction, et puis il rentre le soir, la voiture file comme ça, deux feux dans la nuit sur une musique de country, c’est la fin de la journée, il est le cow-boy solitaire, qui rentre chez lui. Mais c’est comme ça que je vois cette espèce de linéarité ! Comment enfile-t-on les perles ? On les enfile temporellement comme elles arrivent dans la journée…
C. Bizern On sait que ce n’est pas vrai !
C. RondeauMais peu importe, c’est comme ça que le film se donne. Là, l’unité de temps, elle est quand même assez claire. Mais je ne suis pas d’accord du tout avec ce que dit Charles, parce que je pense que ce juge n’est pas un traducteur. Il ne traduit rien. Il ne traduit rien parce qu’en fait il légifère et il induit des positions à l’égard des gens qu’il entend. A cette jeune fille qui est censée avoir été insultée par un jeune garçon, il lui fait dire qu’on va s’arrêter là. Et elle dit : oui.
P. Ferla Dans certains cas, il le fait. Là, pas.
C. Rondeau […] Moi, ce que j’ai trouvé intéressant dans le film, c’est qu’il y a une disjonction absolue entre celui qui légifère et la vie. La vie tout simplement. C’est-à-dire que quand on rit de cet extrait, de cette femme qui dit qu’elle a volé, c’est la vie ! Elle est pathétique ! Et le juge, ça ne l’intéresse pas, le pathétique. Alors là, j’entends bien Charles qui dit : c’est un traducteur, il doit donner…
C. TessonIl y a des mots qui pourraient les enfoncer plus, et il ne les utilise pas.
C. Rondeau Oui, il le fait du point de vue de la justice, en tout cas. Il ne le fait pas du point de vue de… Enfin : y a une disjonction entre la vie et celui qui légifère.
P. Ferla Mais il le fait aussi, enfin de mon point de vue. Il ne le fait pas uniquement au niveau de la justice. Il essaie, comme le disait Charles à l’instant, d’arrondir un peu les choses, de faire en sorte que cela ne soit pas trop grave…
C. Rondeau Oui, mais parce qu’il sait ce que va induire ce qu’il va dire à sa secrétaire pour que cela devienne ceci plutôt que cela. Et ça finit par être un pasteur, à la fin ! C’est le pasteur qui va gérer les bonnes âmes.
C. BizernMais c’est lui qui a le pouvoir de toute façon !
C. RondeauOui ! Il a le pouvoir ! Mais il n’arrête pas d’avoir le pouvoir ! Ça c’est insupportable ! Je préfère … Effectivement, quand Catherine dit : le point de vue, c’est vrai que moi aussi, le point de vue, je ne sais pas où il est. Quand par exemple Depardon – évidemment, j’ai un arrière-fond, c’est Depardon – quand il y a ce cadrage fixe, sans cut, etc., il se passe vraiment quelque chose dans l’écart parce qu’il y a un point de vue qui est posé. Le juge est maître à bord, et je trouve qu’il n’est pas du tout dans le rapport à l’autre, si ce n’est à cause de la justice.
C. TessonMais eux aussi ! Justement ! C’est ça qui est le sujet du film ! C’est comment eux, après qu’il y a eu quelque chose qui fait qu’ils sont arrivés là, comment eux-mêmes se mettent en scène dans une image par rapport au juge, par rapport à ce qu’ils ont fait. Ce ne sont que des constructions de soi. Et ce qui est très intéressant dans le film, c’est que cela fonctionne des deux côtés […]. C’est un grand film sur la parole, parce que la justice induit un régime de parole singulier qui est toujours très fort. Et c’est pour ça d’ailleurs qu’il n’est pas toujours filmé, parce qu’il décrypte le mensonge, la mauvaise foi, le déni, etc. […] Ce qui est très important, c’est le hors-champ d’une certaine douleur de vivre des individus. Effectivement, le film est très construit quant à l’aspect « panel ». […] Mais il y a des vies qui reviennent là sous forme de paroles dans une situation particulière, et je trouve bonne la façon dont le film orchestre tout ça.[Projection de l’extrait de La guerre est finie]
P. Ferla[…] On va se quitter avec le dernier film de fiction : La guerre est finie de Mitko Panov, qui est en lice pour le Prix de Soleure. Catherine Bizern, La guerre est finie ?
C. BizernJ’aime vraiment beaucoup ce film ; je trouve que c’est un film très élégant. C’est l’histoire d’une famille de Serbes – une partie du film se passe en Suisse, une partie du film se passe en Serbie, en 1998 – ce sont des Albanais de Serbie. Et donc, on sait dès le départ que Rasim Rahmani et sa famille, qui sont en Suisse au départ, vont être obligés de retourner dans leur pays, et donc on raconte leur histoire, comment ils sont partis au début de la guerre, avec des flash-backs. Il n’y a jamais eu un moment, lors des retours par flash-back, où j’ai perdu le fil, et en même temps, c’est un film qui raconte beaucoup de choses. Ça raconte pratiquement dix ans de leur vie, c’est très romanesque, et en même temps, quand on revoit le film, on se rend compte que tout ce qui est de l’ordre de l’action se situe hors-champ. Je crois que la seule scène d’action qui est montrée, c’est quelqu’un qui fait du vélo, et qui saute sur une mine dans un chemin. Sinon, tout le reste est montré à la télévision. […] C’est vraiment un film qui est au plus près des personnages et de ce qui leur arrive, avec quand même quelque chose qui me semble un peu grossier qui est que, à partir du moment où on arrive en Suisse, tout va très mal. Et donc le couple qui était un couple formidable se déchire, le père qui avait l’air d’être un père extraordinaire n’y arrive plus avec son fils et est obligé, dans une scène de rêve, de se faire reconsidérer comme père par son propre père. Donc là, c’est un peu dommage parce que ce n’est certainement pas si simple, même si c’est très douloureux d’être réfugié. Et puis je trouve que c’est un scénario qui est très bien construit, avec en plus des parallèles très beaux : les deux frères, Rasim et Omar, et parallèlement les deux cousins, le fils d’Omar qui, quand il rentre au pays – il vit en Suisse –, est heureux comme tout. […] Enfin, je n’ai pas d’autres mots que de dire que ce film est d’une très grande élégance.
P. FerlaEt d’une très belle photographie, avec une part d’onirisme aussi, vers la fin…
C. BizernOui, et puis la séquence que l’on vient de voir, qui appartient à ces séquences qui ne sont pas là pour faire avancer l’action mais juste pour raconter ce que c’est qu’un pays, et ce que c’est que d’y être attaché et de devoir le quitter.
P. FerlaEt comment on survit à cela, d’une certaine manière.
C. BizernOui. Mal, finalement.
P. FerlaCharles Tesson, Corinne Rondeau là-dessus ? Vous partagez l’enthousiasme de Catherine ?
C. RondeauOui, moi je trouve que c’est un très, très beau film, d’abord parce que je suis un peu hantée par les histoires du passé. Rasim, le film, c’est la recherche du sens. Pourquoi doit-il partir, alors qu’il veut rester ? C’est son frère de Suisse et sa femme qui lui conseillent de partir. Lui, de son côté, dit : « Mon frère voudrait vendre la terre. Il ne sait pas ce que c’est. La terre, c’est notre vie ! ». Et c’est un type qui est ancré, littéralement, viscéralement, dans cette géologie et cette généalogie. […] C’est un peu une histoire de fratrie. Il raconte l’histoire d’un aigle qui est adopté par des poulets, et, en fait, cet aigle croit qu’il est une poule. Un jour, au miroir d’une source à laquelle il boit, il va découvrir qu’il est un aigle. Il découvre qu’il a lui-même des ailes et qu’il peut s’envoler. Et donc Rasim est la métaphore de cet homme qui peut s’envoler. Et je trouve que l’histoire du rêve est d’une grande beauté. […] Ce que je trouve éblouissant dans cette scène, qui est un peu filmée à la Sokourov en flouté, c’est qu’en fait, ce retour du fils par le grand-père est une manière, affirmée et assumée, de faire le deuil de la terre. Et c’est pour ça qu’il peut y retourner. Moi je trouve que passer par cette métaphore, c’est très beau.
C. Bizern :Je suis d’accord, mais je trouve la façon dont c’est filmé un tout petit peu moins élégante que le reste du film. Ce côté Sokourov peut-être me plaît moyennement.
C. Rondeau Oui, bon. Il a des défauts justement nationalistes, on peut dire !
P. Ferla Le mot de la fin, Charles Tesson ?
C. Tesson Oui. J’aime bien, c’est vrai la construction du film pourrait paraître compliquée, et par rapport à l’histoire, elle fonctionne bien. Il y a beaucoup de films d’hommes, on a vu : le juge, la brute épaisse de Cœur animal, les deux frères ici, et Verso. Là, c’est vraiment un film qui est dans la lignée masculine. Avec le frère horrible, qui exploite les sans-papiers en Suisse, et lui qui apparaît au début un peu comme un saint, ça m’a agacé, c’est le bon gars, le bon fils. Et puis finalement, le film est plus complexe que ça. A la fois parce que ce fils est rattaché à la tradition folklorique, et puis en même temps il devient une sorte d’intégriste un petit peu lui-même – enfin, c’est ce que j’ai perçu, je ne sais pas si c’est le regard du metteur en scène. Et le rapport à la tradition, au folklore qu’il veut greffer en Suisse où cela ne fonctionne pas, j’ai bien aimé. Et les personnages féminins sont très discrets. Alors je ne sais pas quelle signification donner à la femme voilée qui tire sa clope en cachette dans le van. Et puis elle, on sent qu’elle a envie d’Occident […]. Le film montre l’attachement à la terre, la lignée masculine, la fratrie dans le sens de l’Homme avec un H, et en même temps je trouve qu’il y a une sorte d’ambiguïté, une sorte d’intégrisme communautaire par rapport à la terre comme valeur absolue qui fait que, tout d’un coup, ça laisse un drôle de goût.
C. BizernC’est comme si tout d’un coup la Suisse faisait ressortir ce côté…[…]
C. RondeauC’est un homme qui est prisonnier de sa terre, de ses traditions, de son passé. Et le film essaie de trouver une issue à cet enfermement. Et je trouve que la fin est très belle. Mais bon ! J’aime les arbres…
C. Tesson Elle aime bien les histoires symboliques, Corinne, j’ai remarqué ! [rires]
C. Rondeau Bon, il faut bien venir de la terre !
P. Ferla Corinne Rondeau, Catherine Bizern, Charles Tesson, je vous remercie. […] Bonne soirée, bonnes toiles et bonne suite de festival ! Merci.